04/05/06 décembre 1987
Seconde opération "Mont des Welches"


1987 - Plusieurs grandes récupérations ont été menées à bien depuis la première opération du Métrich. Toutefois, nous sentons bien que l'ère des grands transferts ne durera pas et qu'il nous faudra battre le fer tant qu'il est chaud. L'avenir nous donnera raison, puisque, jusqu'en l'an 2001, une seule opération d'envergure ciblant un ouvrage lorrain (Anzeling) aura lieu, toutes les autres se feront à partir de l'ouvrage voisin du Hochwald.

QUAND TOUT SE DEGRADE

Mais revenons en 1987. A cette époque, l'armée est de moins en moins encline à perdre son temps avec des choses qui ne sont plus vraiment de son ressort. Elle a complètement baissé les bras en matière de surveillance des ouvrages. Il n'est plus question de changer des serrures qui sont à nouveau fracturées en l'espace de quelques semaines, voire de quelques jours.

La soudure des portes et grilles commence à se généraliser. Le génie voit son domaine de compétence se restreindre, le personnel des arrondissements des travaux du génie se raréfie, d'ailleurs, dans quelques années, la plupart de ces arrondissements seront supprimés et le génie perdra toute compétence sur ces vestiges de la ligne Maginot.

La gestion de ces vieux matériels est par ailleurs un vrai casse-tête pour l'administratiion militaire. Je me souviens que, au cours d'une conversation avec le comptable de la direction des travaux du génie de Strasbourg, ce dernier me confia " Comment pourrai-je comptabiliser des matériels qui ne sont plus sur aucun inventaire, donc qui n'ont plus aucune existence légale, je ne peux plus recréer des choses qui n'existent plus ?"

A partir de cette fin des années 1980, l'armée fera de plus en plus preuve d'une inertie qui n'augurait rien de bon pour les associations. Il fallait donc en profiter pour faire le plein tant que cela était encore possible. Le Mont des Welches, malgré un pillage de plus en plus visible, recelait encore de nombreux matériels que nous n'avions pu emporter lors de l'opération d'août 1985. Une demande sera lancée en août 1987, elle aboutira de manière inattendue en décembre.

UN OBJECTIF QUELQUE PEU DISSIMULE

Toutefois, une des principales raisons était le transfert des deux tubes de 75 restants dans la tourelle du bloc 4 de cet ouvrage. Nous avions désormais l'expérience d'une telle manipulation et pensions que ces canons seraient mieux en étant exposés au Schoenenbourg, plutôt que de les voir rouiller dans un ouvrage qui était condamné sans recours. Les tubes ne seront pas mentionnés dans la demande, car nous avions été échaudés par le quiproquo de la précédente récupération. Nous les déclarerons donc...après leur enlèvement.

UNE CLE DEVENUE INUTILE

Ce vendredi 4 décembre 1987, deux employés civils du génie de Thionville nous rejoignirent devant le Welches, à l'heure convenue. Quand ils voulurent ouvrir la serrure du portillon de la grosse porte blindée, ils firent la grimace. La porte refusait de s'ouvrir, il semblait même que la serrure était démontée. Comment alors entrer dans un ouvrage à la porte bloquée, avec une clé parfaitement inutile ? Andréas promit de leur arranger cela, il fallait juste lui laisser quelques minutes. Sur ce, il disparut et, effectivement, un quart d'heure plus tard, nous ouvrait la porte de l'intérieur après avoir retiré les verrous. Les préposés en étaient restés bouche bée. Notre ami Andreas, qui auparavant avait effectué plusieurs reconnaissances clandestines, avait pris la précaution de verrouiller le fort par l'intérieur, en passant comme toujours par une issue de secours ouverte par les ferrailleurs. Ceci justement dans le but d'empêcher les vols avant notre arrivée.

A partir de ce moment, tout ira pour le mieux. Jean-Marc Birsinger prit la direction des opérations. Munis de palans, de tire-fort et d'outillage, les participants iront démonter et préparer les éléments devant être emportés par le gros de la troupe, qui arriva le lendemain.

UNE OPERATION RONDEMENT MENEE

Le samedi 5, un renfort substantiel vint épauler les intervenants de la veille. Trois équipes furent formées. Les deux premières iront rassembler le matériel démonté et la troisème transportera celui-ci jusque dans le hall de l'entrée des munitions. Pour cela, il fallut tracter l'unique wagonnet subsistant dans l'ouvrage, le long de la pente du plan incliné.

La technique avait été élaborée lors de la précédente expédition : le wagon était placé en attente au pied de la pente, on y acrrochait alors le filin métallique de l'ancien treuil, tandis que l'autre extrémité était arrimée au crochet de remorquage de la camionnette qu'on avait fait pénétrer en marche arrière jusqu'à l'amorce du plan incliné. Sur ordre, le véhicule démarrait, traversait le hall de déchargement et s'arrêtait au dehors après avoir parcouru la trentaine de mètres qui correspondait à la longueur du plan incliné.

Comme le volume enlevé n'était pas trop important, l'opération de chargement était terminée à 14 h. Nous avions la satisfaction d'emporter : 2 tubes de 75 R 32, 4 bacs à sable, le moteur d'ascenseur du bloc 4 et son armoire de commande électrique, des pièces de tourelles de 75, de 81 et de mitrailleuse. Il y avait de quoi être satisfait.

La journée du 6 décembre rassembla à nouveau les bénévoles au Schoenenbourg, pour une laborieuse opération de rangement. Ceux qui avaient opéré trois jours durant étaient fourbus, il faut préciser que les gros transferts étaient assez éprouvants pour les participants, car très physiques. Mais rien n'était trop dur pour sauver les matériels de la ligne Maginot de la rouille et de l'oubli.

Sauver ces vieux matériels fut une fois de plus un intense moment d'émotion pour les participants de la seconde opération "Mont des Welches". En 1998, germa l'idée qu'on pourrait encore récupérer les berceaux des pièces de 75 afin de mettre d'avantage en valeur les tubes exposés dans notre ouvrage ; mais ceci est une autre histoire.

Jean-Louis Burtscher - Décembre 2000


Un canon de 75 du Mont des Welches


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