25 et 26 juin 1993
Une locomotive pour le Schoenenbourg


Quand notre vice-président Jean-Bernard WAHL entreprit l'étude de la voie ferrée militaire de la Ligne Maginot, il était loin de se douter que sa recherche documentaire allait conduire à la découverte d'une locomotive datant de cette époque. En effet, il s'avéra qu'un locotracteur de type BILLARD T 75 D était remisé chez un particulier de la région parisienne.

Jean-Bernard avait assez potassé le sujet pour savoir que ce modèle de machine avait circulé sur les réseaux extérieurs du Schoenenbourg et du Hochwald, à partir de mai 1940. Bien au-delà même, puisque les Allemands s'en servaient pour approvisionner l'usine de fabrication de pièces d'aviation installée par eux dans l'ouvrage du Hochwald.

La possession d'une telle locomotive pouvait être un atout supplémentaire pour le Schoenenbourg et pour l'AALMA, toujours à la recherche de matériel spécifique de la Ligne Maginot. Sachant l'association engagée dans d'importants investissements, Jean-Bernard décida donc de financer lui-même l'acquisition de la machine et d'en faire don à l'association.

Ce n'était pas de refus, pensez donc, cela serait même une grande première car aucune autre association de la Ligne Maginot ne pouvait s'enorgueillir de posséder une telle pièce de musée (ailleurs on achète bien des fusils russes ou espagnols pour meubler les ouvrages !).

Le principe étant acquis, il s'agissait maintenant de passer à l'acte.

Sortir une machine de 8 tonnes d'un hangar situé en région parisienne, la mettre sur une camion semi-remorque, la transporter jusqu'en Alsace et finalement la déposer sur les rails de l'entrée des munitions du Schoenenbourg ne serait pas une mince affaire. Bien courageusement, notre administrateur Serge BURGART se porta volontaire pour conduire l'opération à bien.

C'est ainsi que le 25 juin au matin, quatre membres de l'AALMA prirent la destination d'Etampes - La forêt le Roy. Sur place, ils furent rejoints par de vieilles connaissances parties de Toul, qui avaient dans le passé apporté leur savoir-faire dans de semblables opérations de manutention de matériels.

Sans autres moyens que la force du poignet et l'imagination des débrouillards, notre équipe eut tôt fait de charger et d'arrimer la locomotive sur le plateau du 38 tonnes de la compagnie «Les rapides de l'Est». Aussi, dans le courant de l'après-midi, la machine filait déjà bon train en direction de l'Alsace.

Le lendemain 26 juin, une douzaine de nos membres attendaient fébrilement la «bête». Pour cette occasion, on avait ouvert en grand les lourdes grilles de l'entrée des munitions du fort. Une grue de 20 tonnes des établissements FEHR avait été louée pour procéder au déchargement.

A 10 heures, le camion fit son apparition. Quelques minutes plus tard, le Billard fit un court trajet aérien, porté par la flêche du puissant engin de levage. Quelques volontaires pour guider « l'atterrissage » et le tour était joué. Serge BURGART pouvait enfin souffler. Mission accomplie.

Et à chacun d'examiner la machine à loisir. Certes, elle était rouillée, mais ce n'était que superficiel. Il fallait donc s'en occuper rapidement pour la rendre présentable. Une séance instantanée de lavage au jet à haute pression vint à bout de plusieurs décennies de poussière et de boue.

Puis notre chef mécanicien fit son diagnostic: l'état mécanique était satisfaisant, bien qu'une bielle soit endommagée, ce qui avait sans doute contribué à la mise au rencart de l'engin.

Le moteur diesel étant du type CLM (identique à une variété de moteurs largement utilisée dans la Ligne Maginot), il n'y avait pas de quoi effrayer notre ami Hans qui affirma que d'ici quelques mois la machine serait en état de rouler. En attendant, une vingtaine de bras la poussèrent dans le hall de l'entrée des munitions, car il était hors de question de la laisser à l'extérieur où elle aurait pu être sujette au vandalisme.

Dans les semaines qui suivirent, plusieurs opérations de décapage eurent lieu, suivies bientôt par une mise en peinture où furent appliquées plusieurs couches. Et si aujourd'hui le Billard est comme flambant neuf, nous le devons en majorité à notre ami François HOERTH.


- Suite