13 mai 1989
Un canon de 47 pour le Schoenenbourg


11 mai 1989 - PC de la base aérienne 901 (ancien camp de sûreté de Drachenbronn).

Délégués par l'AALMA , Jean-Marc Birsinger et Jean-Louis Burtscher font face au capitaine- commissaire Bourdeau, représentant le commandement de la base aérienne.

Après lecture d'un document, les deux parties ratifient la convention qui met à disposition de l'association des Amis de la Ligne Maginot d'Alsace, à titre de prêt, un canon de 47 mm de forteresse. Quelques jours plus tard, une partie de nos membres découvraient avec étonnement la volée d'un canon antichar qui dépassait du créneau principal de la chambre de tir de l'entrée des munitions du Schoenenbourg. Explications :

Le canon faisait alors partie du musée de la base, créé par Pierre Jost et Michel Lebreton. Ce petit musée était installé dans les locaux inexploités de l'entrée des munitions du Hochwald, alors entrée principale du centre de détection de la base aérienne. On pouvait y découvrir des mannequins, des équipements, des armes, des matériels et des documents relatant le passé de la seconde plus grande forteresse de la Ligne Maginot, donc de l'époque comprise entre le début de la construction du fort - 1930 - et la fin de la seconde Guerre Mondiale - 1945 -.

Le canon de 47mm était accroché sous son bi-rail de la chambre de tir, à gauche de l'entrée, alors que le petit musée était installé dans les locaux à droite. Mais ce n'était pas là le canon d'origine, qui avait certainement dû être endommagé par le dynamitage qui avait ravagé cette entrée, au début de 1945. Pierre Jost et Michel Lebreton s'adressèrent alors aux responsables du Simserhof, sachant que plusieurs de ces armes étaient inemployées dans les réserves de cet ouvrage, qui était alors le musée officiel de la fortification de l'armée française.

UN ECHANGE DE BONS PROCEDES

Le Simserhof n'ayant à ce moment-là pas de mortier de 81 mm à exposer, il fut convenu de procéder à un échange. Justement, l'armée était en train d'aliéner les casemates et abris du secteur fortifié de Haguenau. Les deux hommes firent démonter les deux mortiers de forteresse de la casemate Bois de Hoffen, avant qu'elle ne soit vendue. Un des mortiers sera mis en exposition dans le musée de la base, le second servira de monnaie d'échange. C'est ainsi qu'en 1982, la chambre de tir de l'entrée des munitions de l'ouvrage du Hochwald sera à nouveau dotée d'un AC 47. Jusqu'en 1989, les aviateurs, qui prenaient leur service au centre de détection, purent voir la volée pointée dans le créneau principal de l'entrée.

Cependant, dès 1988, celle-ci subit d'importantes modifications en vue d'une meilleure protection contre les attaques nucléaires, chimiques ou bactériologiques. Le musée fut transféré dans une des alvéoles de l'ancien magasin à munitions M1. On pouvait donc penser que le canon de 47 devrait logiquement prendre le même chemin, quitte à être exposé hors de son contexte.

UNE DECISION EXEMPLAIRE

C'est alors que Pierre Jost et Michel Lebreton optèrent pour le prêt de cette arme, à l'association des Amis de la Ligne Maginot d'Alsace, dont ils avaient pu apprécier les efforts déployés pour la restauration de l'ouvrage de Schoenenbourg et de la casemate Esch.

13 MAI 1989 - OPERATION "47"

Ce 13 mai 1989, huit membres de l'association s'activent au démontage de la pièce, car il était hors de question de l'extraire d'un seul tenant, vu son poids. M. Jost avait pris les devants en démontant les organes de pointage et le collecteur de douilles. Ce n'était pas une mince affaire. Il fallut d'abord désolidariser le masque protégeant la partie externe du tube, puis retirer ce dernier de son berceau porteur. Long de plus de deux mètres, le tube du 47 fut posé à terre, avant d'être porté à bout de bras jusqu'à la sortie. Non sans mal, car chaque marche d'escalier, chaque coude de l'étroit couloir d'accès à la chambre de tir étaient autant d'obstacles où il fallait redoubler d'efforts.

Ce fut ensuite le tour du berceau, à peine plus léger que le tube. Vint ensuite celui du cadre, qui put être déplacé en utilisant les roulettes du chariot porteur. Après deux heures d'intenses efforts, le démontage et le chargement étaient terminés.

Le bref trajet ramena tout le monde au Schoenenbourg, où s'effectua le déchargement. Après la pause de midi, on entama le processus inverse. Après avoir enduit de graisse les parties qu'on allait emboîter, nos monteurs improvisés procédèrent à l'assemblage des différents éléments. Une des difficultés fut l'ajustage du berceau, par rapport à la trémie du Schoenenbourg, millimètre par millimètre, jusqu'à ce que les verrous coulissent librement. Puis il fallut hisser le tube, et le glisser à nouveau dans son support.

Vers 16 h, les derniers éléments étaient en cours de fixation. La pièce antichar n° 224 était en position dans la chambre de tir de l'entrée des munitions du Schoenenbourg.

Désormais visible dans un cadre entièrement rénové, ce canon est un des 10 derniers survivants de l'armement antichar de la Ligne Maginot. Le fait qu'il soit dans un état de conservation exceptionnel (il ne manque que l'optique) en fait une pièce d'exposition privilégiée et un atout de plus pour l'ouvrage de Schoenenbourg.

Merci MM. JOST et LEBRETON. Vous avez été les magiciens qui font que les rêves deviennent quelquefois réalités.

PIERRE JOST ET MICHEL LEBRETON

Le Lt-colonel Lebreton, ajourd'hui en retraite et domicilié à Sète, était à ce moment l'officier permanent du génie, en charge de l'entretien de l'infrastructure du Hochwald. En effet, si l'armée de l'air était utilisatrice de l'ouvrage lors de la reconversion de celui-ci en centre de détection aérienne, le génie en était toujours le gestionnaire, au niveau du gros oeuvre.

Le capitaine Lebreton (tel était son grade à cette époque) était un spécialiste du passé et de l'histoire de la Ligne Maginot.

Pierre Jost était, à ses débuts, technicien civil employé par le génie militaire à l'entretien des fortifications de la Ligne Maginot. Il participa à la remise en état du Hochwald, après la guerre, et passa, à ce moment, au service de l'armée de l'air. Il habitait Drachenbronn et fit l'essentiel de sa carrière dans le Hochwald, qu'il termina en tant que chef d'équipe. Il était passionné par tout ce qui touchait à la Ligne Maginot, dont il était devenu lui aussi un grand spécialiste. L'AALMA lui est redevable de beaucoup de matériels d'origine, issus principalement de l'ouvrage du Hochwald (avec l'accord de sa hiérarchie). Le musée de la base s'appelle aujourd'hui "Musée Pierre Jost".


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