Récupération de canons de 75/32 au Mont des Welches


14 au 17 AOUT 1985

Rodés par les récupérations du Métrich, nous décidâmes de poser une demande de transfert de matériels à partir du Mont des Welches. Comme ses homologues lorrains, le fort regorgeait lui aussi de matériels, toutefois dans une moindre mesure car le Welches était un "petit" gros ouvrage. Ce qui était intéressant, c'est que les tourelles étaient intactes et qu'elles correspondaient à celles implantées au Schoenenbourg, en particulier les 75/32. 

Le mobilier était encore bien représenté, les moteurs d'ascenseurs faciles d'accès, les plaques émaillées nombreuses. Le Mont des Welches était un ouvrage "à plaques émaillées et à bacs à sable de lutte contre l'incendie". Et, avantage suprême, de par sa taille ramassée, guère plus de 200 mètres à parcourir entre l'entrée et la plupart des blocs. La demande resta plusieurs mois en gestation, jusqu'au moment où la direction des travaux du génie de Metz nous accorda l'autorisation de transférer les matériels listés.

Les matériels du Métrich n'ayant été qu'une goutte d'eau dans la mer Schoenenbourg, le Welches était une aubaine à ne pas manquer. Il fallait à nouveau "mettre le paquet", et on peut aujourd'hui affirmer que cela a été pour notre plus grand bénéfice. Nous savions maintenant que l'armée n'était plus très regardante et qu'il n'était plus du tout question de faire un inventaire comparatif des objets enlevés, par rapport à la demande effectuée. Ces matériels retournaient de toute façon sur terrain militaire. C'est pour cela que ces opérations étaient officiellement appelées "Transferts de matériels de terrain militaire à autre terrain militaire".

 

UNE ORGANISATION MINUTIEUSE

Les participants furent nombreux et Peter Mühlschlegel les répartit en plusieurs équipes. Ernest Pietsch était en particulier chargé de démonter des moteurs et freins d'ascenseurs. Une autre équipe rassembla plusieurs tables de PC, de nombreux tabourets, une dizaine de bacs à sable. Les jeunes eurent pour mission de dévisser soigneusement les nombreuses plaques émaillées expliquant le fonctionnement de la distribution électrique, ainsi que les "Défense de fumer", les "Utilisation des fosses Asepta", etc. 

Une des plus grosses pièces à emporter fut le tour de l'atelier de l'usine, qu'il fallut déposer en plusieurs éléments. Cela valait d'autant la peine que l'atelier du Schoenenbourg était parfaitement vide (à part un établi et un vieux marbre), et qu'avec le tour, la perceuse et l'outillage du Mont des Welches, nous lui rendrions son aspect d'origine.

L'équipe de Toul était à nouveau de la partie, et s'occupait de démonter les deux tubes de 75 de la tourelle du bloc 2. Ce n'était pas une mince affaire. Nous avions fait appel à Rémy Fontbonne, dont les connaissances en matière de canons de forteresse s'avérèrent bien utiles. Ce fut sans doute la phase la plus délicate et la plus photographiée de cette récupération

Pour remonter à l'air libre tout ce fatras hétéroclite, Peter avait attaché au crochet de remorquage de sa voiture, par un filin d'une trentaine de mètres, un des rares wagonnets Sud-Est restant dans l'ouvrage . Dès qu'un wagonnet était chargé au pied du plan incliné, on tendait le câble. La voiture, qui était en attente en haut du plan incliné, démarrait alors en direction de la sortie. Certaines charges étaient vraiment très pesantes et les pneus patinaient, à ce moment, deux bénévoles s'asseyaient sur les ailes de la voiture, de manière a0augmenter l'adhérence des roues.

L'opération se déroulant sur plusieurs jours, la plupart des participants adultes passèrent la nuit dans une auberge qui autrefois faisait hôtel, à Chemery-les-Deux. Les propriétaires, qui étaient des personnes âgées, nous mijotèrent quelques menus au canard (qu'ils élevaient dans leur basse-cour) que nous avons fort appréciés.

 

UNE EPREUVE DE FORCE

Au bout d'un moment, tout était stocké dans l'entrée des munitions, mais personne n'avait envisagé que le camion de M. Krauss ne pouvait arriver jusque-là, et qu'au mieux, il se garerait sur une placette, à environ 300 mètres du bloc. C'est alors que, comme par enchantement, sortit du champ avoisinant un agriculteur juché sur son tracteur. J'eus le bon réflexe de me précipiter pour lui demander son aide, moyennant paiement ; celui-ci accepta et alla chercher sa remorque à plateau. Deux ou trois navettes suffirent pour faire la liaison entre l'entrée et le camion.

C'est alors qu'arrivèrent deux militaires se référant de l'Etat-major de Metz, et disant devoir contrôler ce que nous emportions. A la vue des deux tubes de 75, ils déclarèrent n'avoir aucune connaissance de l'autorisation pour les deux pièces, et qu'il fallait les laisser sur place. J'eus beau leur affirmer qu'ils figuraient en toute légalité sur la liste des objets autorisés, ils n'en démordèrent pas.

La situation commençait à s'envenimer et allait vers le blocage total. J'y allais au culot en déclarant au gradé : "Mon adjudant, vous voulez vous opposer au déménagement des canons et nous sommes par contré décidés à les emporter, après tout le travail qu'ils nous ont coûté. Comme vous êtes deux et que nous sommes quinze, je n'ai pas besoin de vous expliquer en faveur de qui sera le rapport de force si vous faites obstruction. 

Je vous propose une solution. Vous direz à votre hiérarchie que nous les avons emmenés de force, et que vous n'avez pas pu vous y opposer. Je règlerai moi-même cette affaire avec le colonel-directeur des travaux du génie de Metz, car nous sommes sûrs de notre bon droit.

Une semaine plus tard, je fis le déplacement à Metz pour justifier notre entêtement. Le colonel me rassura, en affirmant que tout était en règle, et que les deux militaires remplaçaient du personnel en congé, et qu'ils n'étaient pas familiers de ces transferts.

L'opération "Mont des Welches" avait été à la hauteur de nos espérances, la "récolte" fut exceptionnelle. On dénombra : 1 wagon citerne, un transmetteur d'ordre St Chamond, 4 tables de PC, 8 tableaux de PC, 50 tabourets, des accessoires pour affûts de jumelages de mitrailleuses, 7 paniers à douilles GFM, 4 armoires électriques de tourelle, 1 tour, une perceuse à colonne, 1 meule sur pieds, de l'outillage de tourelle, 2 transformateurs 440/110 v, 6 bacs à sable, divers petits ameublements et coffrets électriques, deux tubes de 75 R32, des plaques émaillées.


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