Le Four à Chaux ouvrage martyr
PREAMBULE
Mai 1945 : la guerre prend fin, du
moins sur le continent européen. L’administration militaire française, bien
qu’encore embryonnaire, commence à évaluer l’état de son patrimoine et notamment
les ouvrages de la ligne Maginot. Ces derniers ont connu des avatars les plus divers
du fait des combats de 1940 et aussi de ce qui s’est passé par la suite sous
l’occupation allemande. Parmi ceux-ci, l’ouvrage du Four à chaux, à Lembach, est sans doute celui qui mérite le plus la dénomination
d’ouvrage martyr. De quoi s’agit-il ?
Avec son artillerie sous tourelles, ses
six blocs de combat, ses deux entrées et ses 2745 m de galeries et locaux
souterrains, le fort du Four à chaux est, en 1940, le pilier Est du secteur fortifié
des Vosges. A partir du 19 juin, il est pris à partie par les canons et surtout
par les bombardiers en piqué allemands. Deux grosses bombes s’abattent entre
autres sur le bloc 6, la première à quelques mètres de la façade où elle détériore
et rend inopérant le jumelage de mitrailleuses et le canon antichar de 47 mm, la seconde sur le
fronton de la dalle de couverture. Cette dernière subit deux cassures et
s’affaisse sensiblement, le bloc est quasiment hors de combat.
La façade du bloc 6
Tous les autres blocs seront eux aussi
bombardés et touchés, en particulier les bloc 1 et 2
avec leur tourelle à canons de 135 et de 75 mm. Les dessus du fort sont parsemés de
trous de bombes encore visibles de nos jours. Mais les Stuka visent aussi les
entrées. Une grosse bombe tombe à l’aplomb de l’usine électrique où la voûte
d’une des alvéoles à moteurs se fissure. Il faudra alors l’étayer à l’aide de
gros madriers. Une autre secoue le plan incliné qui s’affaisse d’un centimètre
sur une quinzaine de mètres de longueur. Le 25 juin, tout s’arrête, le gouvernement
français ayant sollicité le cessez le feu qui met
alors fin aux hostilités et qui donnera lieu à l’occupation allemande d’une bonne
moitié du territoire national.
Entre juin 1940 et la Libération, les
ouvrages de la ligne Maginot connurent des destins les plus divers. Celui du
Four à chaux a sans doute été un des plus particuliers.
LES ALLEMANDS S’INSTALLENT
Dès 1942, la 3e compagnie du
Pionnier Lehr Bataillon (bataillon d’instruction du génie)
s’installe dans le casernement de sûreté de Lembach,
proche de l’entrée des munitions du fort. Elle a pour mission d’expérimenter
des tactiques d’attaque et de neutralisation d’ouvrages fortifiés notamment par
l’introduction d’un gaz explosif qui détruirait, par son onde de pression, à la
fois les organes de combat, les cloisonnements internes et neutraliserait les occupants,
même dans les endroits les plus reculés de l’ouvrage.
L’opération baptisée Taifun (Typhon) s’effectuerait en deux phases :
La première serait
dévolue à un groupe de combat qui prendrait d’assaut un bloc de l’ouvrage avec
des soutiens divers, dont des lance-flammes, pour poser des charges creuses sur
l’un ou l’autre cuirassement (cloche ou tourelle) et les percer.
Pour la seconde,
interviennent alors les spécialistes qui introduisent du gaz éthylénique dans
les orifices pratiqués par les charges creuses, gaz qui devient alors hautement
explosif au contact de l’air et soumis à détonation par une mise à feu
électrique.
Mais auparavant, les
Allemands, qui commencent à être à court de matières premières, décident
d’effectuer un certain nombre de prélèvements. Il s’agit là vraisemblablement
d’une compagnie disciplinaire qui d’ailleurs a laissé sa marque sur un des murs
de la galerie. Pour commencer, ils emportent les munitions, le gasoil,
l’armement. Toutes les mitrailleuses Reibel, les
fusils-mitrailleurs, les 3 canons antichars sont déposés et enlevés. Même les
supports de jumelages de mitrailleuses des blocs d’infanterie disparaissent,
alors que ceux des cloches ne sont pas touchés. Les tourelles restent intactes
car leur armement est compliqué à démonter et, de toute façon, ne peut être
réutilisé par les troupes de campagne.
Une partie des
wagonnets disparaissent, il en restera sept dans l’ouvrage.
Le monte-charge du
bloc 3 disparaîtra lui aussi, sans doute réemployé ailleurs.
Dans la cuisine,
l’éplucheuse à patates et le percolateur sont déménagés. Dans l’usine, deux des
quatre groupes électrogènes Sulzer sont soigneusement
démontés et emportés. Egalement, le réseau TSF et toute la téléphonie, câbles
compris, ne subsistent que ceux du plan incliné et un boîtier à l’entrée des
hommes.
En matière
d’électricité, les occupants démontent
et emportent le réseau force (440 volts) de la cuisine, ainsi que son
transformateur, idem au bloc d’entrée des hommes. Au bloc 2, c’est également le
réseau force et le tableau électrique divisionnaire qui disparaît. Idem au bloc
3. Au bloc 4, seul le tableau de distribution est emporté. Le bloc 5 est
dépouillé de ses câbles du réseau force et ceux du réseau lumière, tout comme
le bloc 6 où subsiste toutefois le tableau électrique. C’est dans la seule
usine et le plan incliné que le réseau force restera quelque peu intact.
Pour la ventilation,
tous les moteurs de ventilateurs des blocs, de la caserne, des entrées, de la
salle des filtres ont été emportés, ainsi que la moitié des ventilateurs. Dans
la station de neutralisation de l’usine, 23 filtres ont été démontés et stockés
ailleurs. Par contre, ceux de la chambre de neutralisation de la caserne
resteront en place. Par ailleurs, tous les radiateurs de l’ouvrage sont démontés,
à l’exception de celui de l’usine. Une partie
du réseau d’alimentation en eau connaît le même sort, notamment dans la
zone des blocs de combat.
En résumé, ne
resteront que peu ou prou intacts les deux entrées, le casernement et l’usine
car il faut bien que la compagnie de démontage, qui apparemment loge dans le
casernement, puisse y coucher dans de bonnes conditions, tout en bénéficiant
d’un minimum d’éclairage encore produit par l’usine.
LE MARTYR COMMENCE
Puis vint le moment où
tout sera prêt pour les expérimentations. Auparavant, il faudra encore poser
des capteurs dans différentes parties de l’ouvrage et boucher les ouvertures
par où le gaz pourrait s’échapper. Les Allemands ne font pas les choses à moitié
et l’attaque du bloc qu’il faudra prendre d’assaut pour introduire le gaz commence.
Un des objectifs sera le bloc 1. Une partie du commando progresse par bonds, en
utilisant les trous de bombes pour se protéger de la vue des supposés guetteurs
de cloche. Ils sont couverts par les porteurs de lance-flammes qui projettent
le liquide brûlant vers les créneaux de cloche, toujours pour neutraliser les
supposés guetteurs et ainsi permettre aux attaquants d’arriver jusqu’à la coupole
ou la tourelle pour y poser et actionner des charges creuses.
La toiture de la tourelle du bloc 1
Sur la tourelle pour
deux canons de 135 mm ils fixeront au moins 10 charges qui une fois mises à feu
perceront les 30 cm
de blindage en y faisant presque autant de trous de plusieurs centimètres de
diamètre. Suffisant pour y introduire les tuyaux d’amenée du gaz que les spécialistes
installent rapidement.
Quand résonne la sirène,
toute la troupe s’éloigne à bonne distance car nul ne sait encore vraiment comment
vont se passer les choses car la technique n’est encore qu’expérimentale. Les
derniers restés sur place ouvrent alors les robinets de bonbonnes de gaz et
s’éloignent eux aussi. Au bout d’un certains laps de temps, la mise à feu est
actionnée et l’explosion se produit. C’est un lourd grondement qui d’abord remonte
des entrailles de la terre puis s’échappe alors à l’extérieur. La déflagration
est telle que nombre de vitres du village de Lembach
volent en éclat.
Le souffle de
l’explosion jaillit du béton avec une intensité inouïe. La pression dégagée par
le volume de gaz qui s’était accumulé dans le haut du bloc et la cage
d’escaliers éjecta les 70 tonnes de la tourelle comme un fétu de paille. Les
observateurs n’en crurent pas leurs yeux. Elle retomba lourdement à quelques
mètres de son puits devenu béant. Dans le bas du bloc, le souffle arracha les
deux portes sas et commença à se diffuser dans les galeries de liaison. L’explosion
avait été si puissante qu’elle éventra la galerie devant les magasins à munitions,
laissant s’engouffrer la terre qui en peu de temps obstrua totalement cette
dernière, rendant le bloc inaccessible à jamais.
Puis le souffle
dévastateur se propagea plus en avant au fur et à mesure que le mélange
s’enflammait. On releva plus tard une pression de 40 atmosphères. Les maçonneries
se fissurèrent en de larges crevasses où l’on aurait pu passer la main. Les voûtes des galeries se soulevèrent
quelque peu sous la pression puis se disloquèrent la plupart du temps en retombant
en décalage des murs porteurs, ceci sur des centaines de mètres. La partie
centrale de l’ouvrage, proche du bloc 1, sera la plus atteinte. Les ondes de
choc détruisirent le poste de commandement principal, les magasins aux
artifices, les gares, la sous-station électrique des blocs et les galeries de
circulation attenantes. La vague meurtrière remonta la galerie menant aux
arrières qu’elle lézarda tout du long, puis mourut peu avant d’arriver au
casernement principal.
La galerie d'accès au bloc 1
Ceux qui plus tard
durent faire l’état des lieux découvrirent ce qui avait bien l’air d’un cataclysme.
Des galeries et des locaux éventrés, encombrés partiellement d’éboulis,
des pièces métalliques tordues et des câbles arrachés pendant dans tous les
sens. Et ce sentiment d’oppression, comme une descente aux enfers car tout
était noir de par la combustion du mélange gazeux et qui faisait que les lampes
portatives n’éclairaient qu’à quelques mètres. Un véritable cauchemar.
ILS REMETTENT CA
Les Allemands s’en
prirent également au bloc 2. Il fallut à nouveau pénétrer dans l’ouvrage déjà
bien dévasté pour poser les appareils d’enregistrement pour définir jusqu’où
irait l’onde de choc et ainsi permettre de mieux doser le volume de gaz à
introduire. Rien n’indique que la toiture de la tourelle pour deux canons de 75
sera percée (d’autant plus que la tourelle a été extraite et réparée en 1953).
La cloche pour jumelage de mitrailleuses, au blindage lui aussi épais de 30 cm, le sera avec certitude.
Même scénario : simulacre d’attaque, percement de la cloche, introduction
du gaz, mise à feu. Comme ils avaient eu la main particulièrement lourde au
bloc 1, les Allemands injectèrent moins de gaz. Rappelons que le but de
l’opération n’était pas de détruite l’ouvrage attaqué, mais de mettre hors de
combat les défenses et surtout les défenseurs. Quand tout explosa, la tourelle
dont le fût s’arracha du balancier se souleva bien quelque peu, sans toutefois
être éjectée.
Dans le haut du bloc,
nombre d’équipements furent pulvérisés, comme les tuyaux de la ventilation.
Mais le monorail Tourtellier servant à la manipulation
des casiers à munitions résista et la citerne à eau ne sera que cabossée.
Par contre,
l’ascenseur et ses mécanismes d’entraînement seront entièrement détruits, puis
plus loin les grilles des magasins à munitions, le réseau électrique, les gaines
de ventilation et pour finir les deux portes sas. Le bas du bloc, son PC et les
locaux annexes seront bien fissurés, mais sans commune mesure avec ce qui se
déroula au bloc 1. Le souffle s’éteignit à l’approche du carrefour central
après avoir crevassé les maçonneries sur d’importantes longueurs, sans toutefois
provoquer d’éboulis.
Pour le bloc 3, les
Allemands augmentèrent le volume de gaz qu’il leur faudra introduire. Ils percèrent
à nouveau la toiture de la tourelle de mortiers qui, lors de la mise à feu,
sauta en l’air au milieu d’une flamme d’une hauteur impressionnante. A
l’intérieur, les dégâts furent quasiment les mêmes qu’au bloc 2. Mais comme
pour ce dernier, le gros œuvre, donc le béton armé du bloc épais au minimum de 3,5 m, n’eut pas trop à
souffrir.
Au bloc 4, les charges
creuses seront mises en œuvre sur une des cloches à jumelage et sur la cloche
de guet. La dose de gaz ne semble pas avoir été trop importante, mais
suffisante pour ravager tous les équipements des deux étages. Curieusement les
deux jumelages de cloche restèrent plus ou moins intacts, tout comme le
réservoir à eau. Mais comme ailleurs, la ventilation, la distribution d’eau, le
mobilier etc, sont détruits. Le réseau d’éclairage et
le réseau force ne le seront qu’en partie, ce qui prouve bien que la
déflagration n’était pas trop violente. Le mélange gazeux se propagea également
jusque vers le centre de l’ouvrage, se contentant de noircir la longue galerie
d’accès qui fut relativement épargnée.
UN FINAL EXPLOSIF
Les Allemands vont remettre
la dose au bloc 5. La cloche de guet est percée et vraisemblablement aussi la
toiture de la tourelle mitrailleuse. Là aussi, la déflagration est d’une violence
inouïe. La tourelle jaillit de son puits à une trentaine de mètres de hauteur
et retombe tête en bas, si l’on peut dire, sur le trou béant qu’elle a engendré
il y a quelques secondes. Comme partout ailleurs, tout est détruit : le réseau
électrique, la ventilation et le filtrage, les portes, le lavabo, le tableau
électrique. Et même si une partie du souffle est évacuée par le haut, celle qui
diffuse vers l’intérieur de l’ouvrage met à mal la longue galerie d’accès qui se
fissure presque jusqu’au centre de l’ouvrage.
Comme le bloc 5 est
distant d’à peine quelques encablures des premières maisons du village, nombre de vitres volent à nouveau en éclats.
La tourelle du bloc 5 en mauvaise posture
Le bloc 6, endommagé
par les bombardements, n’est pas épargné pour autant. La cloche du jumelage est
perforée par les charges creuses, tout comme la cloche de guet et la cloche observatoire.
La porte blindée de l’issue de secours est arrachée de ses gonds. Une fois de
plus le typhon détruit tout sur son passage. Le béton et la maçonnerie sont
complètement noircis par la chaleur de l’explosion. Dans le bas du bloc, les
deux portes sas sont elles aussi arrachées de leur cadre. La porte blindée, qui
sans doute n’était pas fermée, s’en tire à bon compte, elle sera jugée réparable.
Aussi le mélange gazeux se propage en explosant vers l’intersection de la galerie
du bloc 5, qu’il met à mal une seconde fois, ainsi que le tronçon qui conduit
vers le centre du fort.
LE COUP DE GRACE
Quand l’opération Taifun s’achève, seules les deux entrées, l’usine
électrique, le plan incliné et le casernement s’en sortent sans trop de dommages.
Mais l’usine connaîtra
aussi son lot de dévastations, mais là, sans doute rien à voir avec l’opération
précédente. A défaut de tout renseignement à ce sujet, on peut penser que sa destruction
ait été effectuée peu avant le repli des troupes allemandes qui dynamitèrent
tous les ouvrages et casemates (plus un abri) entre Lembach
et Hunspach. Car il s’agit bien là de dynamitages et
non d’expériences, comme précédemment.
Aussi, des charges
sont placées en différents endroits : tout contre les deux groupes électrogènes
encore en place, dans la grande alvéole contenant à la fois les citernes d’eau
de refroidissement et une partie des citernes à carburant. Sans doute aussi
dans l’alvéole haute tension et dans une des premières traverses, près de la
galerie de l’entrée, où se trouve une grande partie des citernes à gasoil.
Quand la poussière des
explosions retombe, les dégâts se révèlent importants. Les moteurs Sulzer sont explosés, les tuyaux d’aération tordus, le
tableau de couplage est partiellement endommagé. Les pompes de refroidissement
sont hors d’usage, une des trois grosses cuves à eau est détruite, les cuves à
gasoil du local contigu le sont également. La salle des filtres, ou ce qui en
reste après son démontage, n’est plus qu’un amas de tôles tordues, tout comme
la ventilation principale. Les dispositifs d’amenée de courant depuis
l’extérieur ainsi que les organes de transformation ne sont plus que des
épaves. Un seul des réservoirs journaliers sur quatre est encore en état, mais
sur les six réservoirs principaux à gasoil, seuls deux sont encore utilisables.
L’atelier mécanique est partiellement dévasté, mais n’a pas trop souffert en
fin de compte.
Au final, on peut
affirmer que l’objectif recherché était atteint car il aurait été surprenant
qu’il y eut des survivants après un tel déchaînement,
même dans les endroits les plus reculés et apparemment intacts.
Et c’est dans cet état
que les premiers personnels du génie militaire français découvrent le fort les
premiers mois après la
Libération. Un ouvrage ruiné, plus que par exemple le Hochwald ou le Schoenenbourg, où
les occupants allemands n’avaient pourtant pas fait dans la dentelle.
Une ruine qu’on
décidera néanmoins de relever car la menace d’une confrontation avec le bloc
soviétique commence à poindre à l’horizon.
APERCU SOMMAIRE DE LA RECONSTRUCTION
Aussi, dès mars 1946,
sous l’impulsion du général Fortin, inspecteur du génie, les premiers travaux
sont entrepris. Pour les gros ouvrages, la priorité sera d’en assurer la fermeture,
d’en rétablir l’accès pour les futurs travaux, d’évacuer les déblais, de
rétablir un minimum de moyens de production d’électricité et d’éclairage, de
remettre en état les organes de tir facilement réparables. En 1947, un
inventaire précis de l’état de chaque ouvrage est dressé. En 1951, le génie
fait à nouveau le point. Car c’est là que les crédits pour les grosses réparations
vont être débloqués.
A cette date, la situation
est la suivante au Four à chaux :
L’usine a retrouvé sa
fonction. Le génie y a installé deux groupes électrogènes provisoires : un
Sulzer et un SMIM. Les deux autres emplacements de Sulzer d’origine resteront vides. Ces deux matériels seront
remplacés ultérieurement par les groupes Sulzer en
place actuellement. Le tableau électrique de couplage et le tableau de
distribution sont remis à neuf. Un seul
réservoir journalier à gasoil sur les quatre d’origine fera l’affaire.
Les nouveaux moteurs
Sur les six citernes à
carburant, seules deux ont pu être récupérées, les autres étant détruites, tout
comme deux sur trois citernes d’eau de refroidissement. Mais les pompes de refroidissement
sont encore à changer. Le moteur auxiliaire CLM, quant à lui, est en état de marche.
Dans l’alvéole haute
tension, un seul dispositif sur les quatre existants à l’origine sera remplacé.
La salle des filtres est vide et ne sera jamais reconstituée. Par contre
l’atelier est à nouveau opérationnel, mais il manque le tour.
D’ailleurs, par la
suite, l’usine du four à chaux changera considérablement de physionomie. Les
alvéoles de la cellule haute tension, de la salle des filtres et de la
ventilation seront complètement vidées de leur contenu. La ventilation sera
entièrement remplacée, dans une version plus moderne, mais sans filtration. La
cellule haute tension et la salle des filtres abritent actuellement un parcours
muséologique où toute trace des anciennes installations a disparu. Le courant
électrique abaissé viendra directement du dehors, par l’intermédiaire d’un
poste extérieur. Disparaîtront aussi une partie des citernes à gasoil,
l’ouvrage ne possédant alors plus que deux moteurs Sulzer
sur quatre à l’origine.
Toujours en 1951, les
blocs de combat sont jugés réparables, le gros œuvre est en assez bon état car
le béton armé a tenu, même au bloc 1.
Pour ce dernier, le
génie fera entreprendre des travaux exploratoires.
Comme les dessous du
bloc sont inaccessibles car en partie effondrés, les ouvriers s’y attaquent par
le haut. Le puits béant de tourelle sert d’accès car celle-ci git à quelques mètres de là. Ils feront le ménage en
évacuant tous les déblais et ferrailles tordues. Arrivés à l’étage inférieur,
ils constatent que l’escalier de descente est effondré vers le bas, tout comme
les galeries y débouchant, le tout dans un mélange d’éboulis et de terres
extérieures. Le bloc est alors jugé irrécupérable et les travaux s’arrêtent là.
Puis ils remettent la tourelle en place, histoire de boucher le trou à peu de
frais.
Encore que, à bien y
regarder, il semblerait que seule la toiture ait été posée sur l’avant- cuirasse
car l’étage intermédiaire et la chambre de tir de la tourelle ont été
cannibalisé pour servir à retaper la tourelle de 135 du bloc 11 de l’ouvrage de
Métrich ainsi que celle du bloc 7 de Rochonvillers qui avaient elles aussi été endommagées par
des essais de charges creuses faits par les américains.
Pour l’anecdote, un des tous jeunes
membres de l’AALMA avait réussi, vers le milieu des années
1980, à s’introduire dans le bloc 1 par un créneau de cloche et à photographier
le balancier, qui était en parfait état. Et s’il n’avait pas photographié le
fût de la tourelle, c’est que ce dernier... n’était plus là.
Le bloc 1
Au bloc 2, la tourelle
sera réparée en usine et remise en place. Tous les équipements internes du bloc
qui avaient été détériorés seront restaurés ou remis à neuf.
Le bloc 2
Au bloc 3, la tourelle
de mortiers de 81 mm
qui avait été propulsée en l’air sera ferraillée et remplacée par une tourelle
analogue qui était encore disponible dans un parc du génie. Cette dernière
était destinée à l’ouvrage alpin de Plan Caval, mais
pas encore installée. Comme dans les autres blocs, tous les équipements seront
remis en état : réseau de force et de lumière, ventilation, monte-charge
(quand c’est le cas) tableau électrique, portes sas, etc.
Le bloc 3
Pour le bloc 4 qui ne
comporte que des cloches, tout devra être rénové. Les supports de jumelages
sont encore en relatif bon état, bien qu’une des cloches ait été percée par les
charges creuses. La cloche observatoire est elle aussi en bon état.
Le bloc 4
Au bloc 5, tout est à
refaire. La tourelle mitrailleuse, qui avait été éjectée et qui était retombée
sur l’avant-cuirasse est irrécupérable car trop
détériorée. Mais il semble que le balancier soit plus ou moins intact. Elle sera
remplacée par une autre tourelle, sans doute (cela reste néanmoins à prouver)
par celle du petit ouvrage de Berenbach (près de Boulay) qui fut dépouillé de la sienne après 1952.
Le bloc 5
Le bloc 6 avait le
plus souffert dans ses superstructures. Quasiment tous ses cuirassements sont
détruits. La cloche de guet sera déposée et remplacée par une autre, de type B.
Les autres cloches seront réparées. De gros travaux de bétonnage remettront le
bloc à flots, mais on voit toujours de nos jours la pliure de la dalle.
Le bloc 6
Puis vint le temps des
réparations internes, soit des centaines de mètres de galeries fissurées et
crevassées jusqu’à voir le rocher au-delà des murs seront à remettre en état.
Ce ne fut pas une mince affaire. On songea même à confectionner des voûtes
préfabriquées, pour avancer plus vite. Un essai en ce sens avait été réalisé
dans la cuisine. Puis il fallut réinstaller toutes les infrastructures et
équipements manquants, soit du fait des explosions, soit du fait des démontages
précédant les expériences. Ce chantier dura jusqu’en 1967, année où la ligne
Maginot perdit son utilité. Une photo montre encore des destructions de
galeries du secteur de l’usine en cours de réparation en 1966.
Un essais de voûtes préfabriquées dans la cuisine
Il aura donc fallu
vingt années pour remettre le Four à chaux en ordre de bataille. Ce fut un
chantier colossal dont malheureusement personne, ne semble-t-il, a retrouvé le
dossier. Oui, le FAC a bien été un
ouvrage martyr.
Jean-Louis Burtscher
SOURCES
- Inventaire du génie
de 1951
- L’ouvrage du Four à
chaux – brochure éditée par le Syndicat d’initiative de Lembach
et environs et site Internet de
l’association.
- Témoignages de M.
Martin Iltiss, qui a travaillé à la reconstruction
- Hommes et ouvrages
de la ligne Maginot, tomes 2 et 3, par Alain Hohnadel
et J.-Yves Mary
- Observations de
l’auteur
-
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