Hantés par le spectre de l'irruption soudaine sur le sol national de troupes ennemies et de leur marche rapide en direction de Paris - comme ce fut le cas en 1870-71 et de nouveau en 1914 - 1918, les chefs militaires de l'immédiat après-guerre de 1914-18 se sont penchés très tôt sur le problème de l'inviolabilité des frontières.

Dès le début des années 20 sont jetées les bases d'une organisation défensive des frontières. En 1925, une COMMISSION DE DEFENSE DES FRONTIERES va définir le tracé de la fortification à créer, son organisation, ses formes générales et établir un premier devis.

Non sans d'âpres discussions et des années d'atermoiements entre JOFFRE, FOCH et PETAIN, les vainqueurs de 1918, qui ont chacun leurs vues sur la question, les idées se précisent peu à peu.

En 1927 émerge une COMMISSION D'ORGANISATION DES REGIONS FORTIFIEES dont l'abrégé "CORF" restera synonyme de fortification solide et puissante.

C'est en effet cette CORF qui va avoir pour mission de concevoir et de réaliser la nouvelle fortification. Composée de généraux et d'officiers supérieurs de toutes armes, en particulier des spécialistes du Génie et de l'Artillerie, la CORF a pour tâche :

• déterminer l'emplacement et le rôle de chaque ouvrage,
  
• d'établir les avant-projets des ouvrages (plans de masse, détail des organisations),
  
• de lancer les fabrications spécifiques aux ouvrages (cuirassements, armements, équipements).
  

Le 14 janvier 1930, André MAGINOT - qui a succédé au Ministère de la Guerre à Paul PAINLEVE, autre partisan et artisan de la nouvelle ligne fortifiée - fait voter par les députés puis par le Sénat les crédits (2900 millions de Frs) accordés à la "forteresse" sur un programme de 5 ans. Maginot donne ainsi son nom à la plus puissante ligne fortifiée d'Europe, alors qu'elle aurait tout aussi bien pu s'appeler "Ligne Painlevé" ou "Ligne Pétain" !

DU NORD-EST A LA MEDITERRANEE : PLUS DE 600 CHANTIERS !

Ce programme prévoit :

• deux REGIONS FORTIFIEES principales :
• R.F. de METZ (des Ardennes à la Sarre),
• R.F. de la LAUTER (de la Sarre au Rhin),
• une double ligne de casemates le long du RHIN,
• des barrages fortifiés solides face aux cols des ALPES,
• quelques travaux dans le NORD.
  

L'essentiel de sa tâche accompli, la CORF est dissoute à la fin de 1935. Commence alors un ère (qui ira jusqu'en 1940) de construction de petits blockhaus de complément qui n'ont plus rien de commun avec la solide fortification CORF. Les intervalles des ouvrages déjà construits se remplissent d'une multitude (plusieurs milliers) de "petits bétons" généralement sans valeur défensive. Ils parsèment encore aujourd'hui nos campagnes de la Mer du Nord à la Suisse !

En résumé, en 1939, la Ligne Maginot comprenait :

- dans le NORD et le NORD-EST :

• 22 gros ouvrages avec artillerie,
• 36 petits ouvrages,
• 350 casemates d'infanterie,
• 78 abris d'infanterie,
• 14 observatoires d'artillerie,
• plusieurs milliers de blockhaus de complément.
  

- dans les ALPES :

• 23 ouvrages d'artillerie,
• 27 petits ouvrages,
• 3 observatoires,
• 11 abris d'intervalle,
• 26 petits ouvrages d'avant-postes.
  

On peut donc remarquer que la "Ligne Maginot des Alpes" n'était pas moins importante que celle réalisée dans le Nord, en Lorraine et en Alsace.

Aux travaux de fortification s'ajoutent de très nombreuses organisations de soutien : camps militaires, casernements de sûreté, dépôts de matériel et de munitions, routes et voies ferrées militaires, réseau téléphonique enterré, etc...

Entre temps, en 1934, sont créées les troupes de forteresse, unités de spécialistes interarmes (infanterie, artillerie, génie), à raison de un régiment par secteur fortifié. A la mobilisation, ce régiment se dédouble ou se détriple et chacun de ses bataillons donne naissance à un régiment supplémentaire.