Le Schoenenbourg de 1952
à 1987
DE 1952 A 1987
De 1953 à 1955 furent modifiés les
systèmes de prise dair des blocs 3, 4, et 5. On perça la
façade arrière de chacun de ces blocs de manière à pouvoir
aspirer lair du dehors à travers le massif de rocaille.
Ce système avait lavantage
dêtre invisible, peu sensible aux bombardements (par
rapport aux prises dair cuirassées) et aux effets de
souffle. En effet, une bombe tombée devant la prise dair
de laéro-refroidisseur de labri de Hoffen avait
provoqué linterruption de la production
délectricité et lévacuation de cet ouvrage. En
1955, les circuits téléphoniques internes du Schoenenbourg
furent entièrement remis en état. Le central téléphonique du
poste de commandement principal fut modernisé et toutes les
prises de téléphone remplacées. Toujours dans le P.C
principal, le petit local qui servait de mess des officiers en
1940 fut converti en dortoir.
Cest ainsi que prirent fin les
travaux de restauration et de rénovation. A partir de là
neurent lieu que des travaux de maintenance. Par exemple,
les électromécaniciens du génie tournaient à intervalles
réguliers sur les quatre ouvrages dAlsace, ainsi que sur
les casemates, abris et observatoires. Le fonctionnement des
tourelles, de lusine, etc, était soigneusement contrôlé,
on en trouve la trace dans les carnets dentretien
scrupuleusement tenus à jour.
Les travaux de peinture étaient
effectués en partie par les employés civils du génie, quelques
gros chantiers étant confiés à des entreprises.
LA FORTERESSE REVIT
:
En 1952, le capitaine Hauer, ancien
artilleur du Hochwald en 1940, obtint lautorisation de
créer la première compagnie dinstruction de forteresse,
destinée à la formation de volontaires réservistes. Raymond
Kieffer, qui avait été formé pendant son service au 37e
Bataillon douvrage (seul bataillon dactive de
forteresse, après guerre) avait été instruit en tant
quobservateur, transmetteur et artilleur de forteresse.
Il participa, entre 1953 et 1960, à
toutes les manoeuvres qui eurent lieu au Schoenenbourg durant les
mois dhiver. La compagnie comprenait une section
dinfanterie et une section dartilleurs de forteresse.
Le nombre de participants variait entre 20 et 30 hommes, selon
les disponibilités. Ensemble, ils prenaient le train qui les
menait aux avants, les artilleurs au bloc 4 et ceux de
linfanterie au bloc 2. Ces derniers faisaient également
des exercices de corps francs.
A tour de rôle, les artilleurs
constituaient une équipe de P.C et une équipe de tourelle, puis
opéraient en tant quobservateurs, le service du matériel
ayant installé un périscope dans la cloche de guet du bloc.
Bien entendu, on ne pouvait tirer au canon, seuls les ouvrages du
camp de Bitche étant autorisés à le faire.
Ces exercices se déroulaient dans une
bonne ambiance. Les résultats étaient probants et on arrivait
à des cadences dignes de celles de 1940. La compétence et le
sérieux du commandant de compagnie y furent pour beaucoup. Le
commandant Hauer (qui était monté en grade, entre-temps), par
sa détermination, avait su convaincre les autorités militaires,
permettant ainsi à la 1e compagnie dinstruction de
forteresse du Bas-Rhin de subsister jusquen 1960.
LABANDON :
L abandon fut progressif. Les
effectifs de maintenance furent réduits, tout comme la
fréquence dintervention. Les tourelles quon faisait
fonctionner une fois par semaine depuis 1953 sarrêtèrent
définitivement à la fin du mois davril 1961. On sentait
bien que cétait le commencement de la fin.
Avant que les crédits ne soient
définitivement coupés en 1968, larmée sempressa de
transférer le locotracteur Vétra au Hochwald, alors en plein
essor de modernisation. Les casiers à obus de 75 furent vendus
à la ferraille, plus ou moins clandestinement dailleurs,
tout comme les tables de P.C, les tabourets, etc. Une fois de
plus, latelier des électromécaniciens fut proprement
vidé, le tour et la perceuse à colonne disparurent. Ne
subsistèrent que létabli et le marbre. Des lavabos furent
démontés et emportés.
Dailleurs, on ne peut plus
aujourdhuit dissocier la part de récupération personnelle
de celle faite pour le compte de larmée. Pour finir, on
démonta les pompes de relevage des fosses de mécanismes
dascenseur. Selon les consignes, ces pompes devaient
toujours rester sous tension de manière à pouvoir évacuer les
eaux dinfiltration qui saccumulaient en permanence au
fond de ces fosses.
Dici quelques semaines, les
moteurs dascenseur seront noyés. Quelle importance,
puisque le dernier tour de clé à la grille de lE.M
condamne définitivement le Schoenenbourg à labandon.
LES FERRAILLEURS
SEN MELENT :
Progressivement, les effets de
labandon se feront sentir. Les nombreuses infiltrations,
notamment celles de boue, engorgeront les canalisations. Maints
endroits deviendront impraticables, à moins dêtre
équipé de bottes. Par exemple au bas du bloc 2 où une fissure
débite, litre après litre, un filet de boue sablonneuse qui
finit par recouvrir tout le radier sur près de 10 centimètres
de hauteur.
Dans la galerie principale, une coulée
de boue rouge sétalera bientôt sur plus de cent mètres.
Dans lensemble, les petit écoulements seront obturés par
la boue et le calcaire au bout de quelques années. Les rigoles,
elles aussi, en sont bientôt pleines, provoquant
dinnombrables stagnations. En maints endroits, les rails de
la voie de 60 cm deviendront invisibles, disparus sous un
amalgame brunâtre.
Ces cloaques engendreront une importante
humidité qui détériorera la totalité des circuits lumière et
qui dégradera les objets métalliques. Cinq ans après
labandon, les boites de dérivation du réseau
déclairage sont déjà remplies deau. Dix ans
suffiront pour transformer les tourelles en tas de rouille, de
par la saturation en humidité et de par les courants dair
indésirables (les avant-cuirasses sont ouvertes).
De surcroît, les ferrailleurs
arriveront à sintroduire dans louvrage, car celui-ci
nest guère surveillé. Bien à labri des rares
rondes de larmée et de la gendarmerie, ils sectionneront
tout le fil de la caténaire, avant de lemporter au dehors
(ils furent pris par hasard, ne possédant pas de licence de
transport de cuivre). Ils vandaliseront également la
distribution électrique de lusine, ainsi que celle des
sous-stations arrière et avant, toujours pour y récupérer le
cuivre. Ils démonteront les rampes dinjection des Sulzer
et éventreront à coups de masse les convertisseurs de la
sous-station burin, à plusieurs endroits. Ils sectionneront bien
quelques tronçons de câble de belle épaisseur, mais reculeront
sans doute devant limportant travail de décorticage que
nécessite la présence denveloppes successives faites de
feuillard métallique, de plomb, de papier huilé, etc.
Les vandales (on ne sait si ce furent
les mêmes) sattaqueront également à la cellule haute
tension quils dévasteront, allant jusquà renverser
un des transformateurs.
Ce fut alors à nouveau le silence
pendant des années. Pas le silence complet car une fortification
abandonnée nest jamais tout à fait silencieuse. Ceux qui
ont eu loccasion dêtre seuls présents dans les
entrailles dun fort connaissent les multiples bruits,
craquements, impacts de gouttes deau, etc, dont la
résonance amplifiée par les longues galeries vous donne
quelquefois le frisson.
Comme personne nétait là pour la
contrecarrer, la rouille poursuivit insidieusement son oeuvre. La
boue, le calcaire et les stagnations sétaleront de plus en
plus, les 135 marches descalier de lentrée des
munitions en seront recouvertes dune épaisseur de
plusieurs centimètres. Pauvre Schoenenbourg!
Jusquau jour où, en 1987, un
certain Jean-Bernard Wahl eut la curieuse idée de solliciter
auprès du génie, une autorisation de visite. Vous connaissez la
suite...