Le Schoenenbourg avant 1940


LA CONCEPTION ET LA CONSTRUCTION

DU FORT DE SCHOENENBOURG

Les lignes qui vont suivre n'ont pas la prétention de vouloir vous livrer toute l'histoire de la construction du Schoenenbourg.

 

LES PÈRES DU SCHOENENBOURG

Les décideurs

Au sommet de la hiérarchie se trouve la C.O.R.F. (Commission d'Organisation des Régions Fortifiées), dirigée par le général Belhague qui est en même temps inspecteur général du Génie. Bien qu'étant pour ainsi dire "Dieu le père", celui-ci doit faire approuver les grandes décisions par le ministre de la Guerre.

Le général de division Birchler est également un des principaux décideurs de par sa fonction d'inspecteur technique des travaux de fortification (rue Bellechasse Paris 7e). Celui-ci délègue quelquefois au colonel-adjoint Charité.

Le général Marmion, chef du service des matériels de fortification, a autorité sur ce qui est tourelles, cloches, etc, et délègue au colonel Gobert.

Le colonel Redon, quant à lui, est directeur du matériel du génie.

 

Les directeurs de régions fortifiées

Ceux-ci sont subordonnés à la CORF et supervisent les directions des travaux de fortification. Le colonel Gourandy est l'un de ceux-ci, plus précisément celui de la direction de Strasbourg, dont les locaux se trouvent au n° 8 du quai Schoepflin. Car Strasbourg est à cette époque un haut lieu de la fortification. Dans la métropole alsacienne sont alors élaborés tous les concepts aboutissant à l'édification de la région fortifiée de la Lauter.

 

Les techniciens

Les vrais artisans de la fortification sont ceux qui ont si souvent planché sur les plans d'implantation, d'intégration dans le terrain, les plans de masse d'ouvrages et les multiples plans de détail de blocs, d'entrées, de coupes de galeries, etc. Plans maintes fois remaniés ou remis en cause par la CORF avant d'être acceptés comme définitifs. C'est le lieutenant-colonel Cussenot, chef du bureau d'études de Strasbourg qui pourrait revendiquer la paternité du Schoenenbourg car étant à l'origine des multiples plans et applications concernant l'ouvrage. Ce technicien de valeur sera promu, en 1932, directeur des travaux de fortification de la 20• Région.

Toujours à Strasbourg, le colonel Reverdy dirige la chefferie des travaux de fortification située au 18 place Broglie. Il assurera entre autres le suivi des travaux de construction jusqu'en 1932, puis il prendra la tête du bureau d'études, en remplacement du colonel Cussenot. Le colonel Reverdy sera alors remplacé à son tour par le lieutenant-colonel Grandidier.

 

LE SCHOENENBOURG

UN ACCOUCHEMENT DIFFICILE

On cite la première fois le "petit ouvrage de Schoenenbourg" en 1928, lors de la définition de son implantation.

Le 27 mai 1929 est mis sur pied un avant-projet dont le détail situe :

- deux casemates de mitrailleuses et mortiers de 75 mm

- deux tourelles de mortiers de 81 mm

- une tourelle mitrailleuse

- une tourelle pour mortiers de 75 mm.

Le 26 novembre 1929, la CORF, lors de sa 46e réunion, examine le projet établi par la direction des travaux de fortification de Strasbourg, dont le colonel-directeur Gourandy expose lui-même le détail.

II y apparaît que le Schoenenbourg sera principalement un ouvrage de flanquement du Hochwald, à l'est, son pendant étant le Four à Chaux, à l'ouest.

L'ouvrage comportera comme organes actifs :

- une tourelle mitrailleuse à l'avant

- derrière cette tourelle, un bloc pour mitrailleuses et deux mortiers de 75 flanquant vers la droite, un bloc similaire flanquant vers la gauche

- en arrière, une tourelle pour mortiers de 81 et une tourelle pour mortiers de 75

- deux entrées situées à 300 mètres en retrait.

En réponse, la commission estima que la casemate de droite pour mortiers de 75 serait d'une implantation trop difficile par suite de la pente trop accentuée du terrain.

C'est ainsi que le 2 décembre 1930, Belhague notifia à la DTF de Strasbourg l'abandon de la casemate de droite pour mortiers de 75 ainsi que le déplacement de la casemate de gauche.

Notez qu'à cette époque, et jusqu'en 1932, on parle de "mortiers" de 75, aussi bien en casemate que sous tourelle. On peut penser que cela avait été un terme de substitution pour les canons ou canons-obusiers qui n'étaient pas encore définis, mais rien n'est moins sur. Il semble, en effet, que l'on ait longtemps songé à utiliser comme armement principal le mortier de 75 du type de ceux installés dans les ouvrages des Alpes.

Le 17 décembre 1930, le colonel Gourandy a entièrement revu le plan de masse du Schoenenbourg et propose le schéma suivant :

- en avant : une tourelle de mitrailleuses

- en arrière de celle-ci une tourelle de mortiers de 75 pour le flanquement d'artillerie vers la droite, une casemate pour mitrailleuses vers la gauche

- plus en arrière, une casemate de mitrailleuses flanquant vers la droite, une tourelle de mortiers de 81, une tourelle de mortiers de 75, une casemate de mortiers de 75 pour le flanquement à gauche

- un double réseau de barbelés ceinturera les blocs actifs (on ne parle pas encore du réseau antichar).

Il apparaît qu'il faille déplacer la route Hunspach-Bremmelbach pour la faire passer devant l'issue de secours (le terme entrée des hommes n'est pas encore en usage).

En examinant les plans en détail, on peut observer que les accès aux blocs actifs par voie ferrée de 60 sont prévus par plaques tournantes, qu'il est envisagé deux dispositifs de mines aux avants et que quatre portes blindées cloisonneront les principaux blocs de combat.

Les dépenses estimées s'élèveront à 46 millions de francs pour l'intégralité de la construction, 33 millions seulement à condition de remettre à plus tard, c'est-à-dire en deuxième cycle, le bloc pour mortiers de 75 et la tourelle du même calibre (bloc 3), ce dont Belhague est d'accord.

Le 22 janvier 1931, Belhague revient sur sa décision et décide de réintégrer le bloc pour mortiers de 75 et la tourelle en premier cycle.

Le 5 février, celui-ci se ravise et préconise de remplacer le bloc pour mortiers de 75, trop difficile à défiler en vue des pentes du Hochwald, par une tourelle de 75.

En mars, il juge les entrées trop exposées et propose de les déplacer vers le Grasersloch, tout en déviant la route Hunspach-Bremmelbach qui contournera cette fois-ci les avants. En outre, le bloc casemate pour deux mortiers de 75, décidément trop exposé, sera abandonné cette fois-ci définitivement au profit d'une tourelle de 75. Par ailleurs, sans doute par souci d'économie, il est proposé de ne bétonner qu'une entrée, l'autre (de secours) devant déboucher dans un bloc de rocaille camouflé.

Le 14 mars, le lieutenant-colonel Cussenot s'inquiète de la protection à donner aux locaux souterrains. A rappelle qu'il faut au minimum une couche de terre de 17 mètres qui devra absorber les effets des projectiles de calibre 400. Il propose également deux solutions pour implanter les entrées et casernements souterrains, dans le premier cas, à proximité du coude de l'actuelle galerie principale, dans le second, plus en retrait, sensiblement à l'emplacement que nous connaissons aujourd'hui.

Ces propositions sont alors expédiées à Paris, accompagnées de plans sur lesquels apparaît pour la première fois une troisième tourelle de 75, en remplacement du bloc-casemate abandonné.

Le 27 avril 1931, Cussenot élabore les plans feux de défense rapprochée, trace la déviation de la route qui coupe, pour l'instant encore, les avants en deux, et pour finir, propose d'ajourner une partie de la caserne souterraine pour économiser 1,5 millions de francs sur les 5 que conterait la construction de celle-ci.

C'est ainsi que, pour pallier à l'amputation de ces locaux, les couchettes des chambres de troupe du Schoenenbourg passeront de deux à trois niveaux. A ce propos, le capitaine Stroh cite dans un rapport confidentiel de 1941: " les chambres de troupe, passant de 24 à 36 lits, l'encombrement en faisait de véritables taudis ".

En 1931, l'estimation des coûts de construction et d'équipement de l'ouvrage est de 41,20 millions de francs. La limitation des crédits conduit la CORF à supprimer en premier cycle la tourelle de 75 de gauche. On admet que les deux tourelles restantes (B3 pour le flanquement à droite et B4 pour l'action frontale) pourront à la fois agir en flanquement et en action frontale. Quant au bloc-tourelle de gauche, on ne construira que l'amorce de la galerie.

Le 22 mai 1931, une décision ministérielle approuve enfin le plan d'implantation du Schoenenbourg. Le 30, l'adoption de plan de masse lui confère sa structure définitive, du moins sur le papier, car à cette date, on attend toujours le premier coup de pelle qui signifierait le début des travaux de construction. On peut toutefois estimer qu'eut lieu, à partir de là, l'aménagement des sites où seraient établis les puits de service.

 

OU L'ON COMPRIME LE SCHOENENBOURG POUR UNE HISTOIRE D'EGOUT

Le 17 juin 1931, le colonel Redon confirme qu'il faut bien une protection minimum de 17 mètres, mais que celle-ci ne pouvant être atteinte au-dessus de l'usine, il faudrait abaisser la taille de ces locaux d'un mètre. On ne pourra enterrer d'avantage les parties souterraines pour garder la déclivité nécessaire au bon écoulement des eaux usées, par rapport à l'égout principal.

En clair cela revenait à dire que le Schoenenbourg allait être construit à la stricte limite des normes de sécurité (la majorité des gros ouvrages le sont bien au-delà), et encore à condition de rogner sur la hauteur des locaux de l'usine, ceci pour une simple histoire d'égout. En clair, la profondeur d'enfouissement des locaux souterrains était conditionnée par le rapport entre les deux points les plus élevés et le point le plus bas du terrain où allait être construit l'ouvrage. Et comme le différentiel était faible (la hauteur du monticule où est implanté l'ouvrage est faible), cela explique pourquoi nous avons là l'usine (et sans doute bien d'autre locaux) ayant une hauteur sous plafond la plus basse de la Ligne Maginot, sans parler de la profondeur dérisoire des dessous de B3.

Il est peut-être opportun d'expliquer ici en détail cette règle des 17 mètres. En effet, des expériences avaient démontré que la pénétration en sol meuble des projectiles de 420 était de 12 mètres et que le rayonnement du souffle de l'éclatement était de 4 mètres. Ce qui fait dire que l'impact de 420 avait des effets dangereux jusqu'à !6 mètres de profondeur. En ajoutant un petit mètre (!) on établit ainsi cette règle des 17 mètres sous laquelle on ne pourrait aller.

Ainsi, au Schoenenbourg, les 420 explosaient non loin des voûtes des locaux souterrains, notamment à B3, construit à la limite de cette protection.

Le capitaine Stroh va encore plus loin dans son jugement concernant la profondeur des locaux souterrains en affirmant :" Si on veut assurer le protection des galeries souterraines par la terre vierge, il faut les tracer à une profondeur supérieure d'une dizaine de mètres à celle qui était admise dans la fortification française." (Rapport de 1941).

 

JUILLET 1931 - CA DÉMARRE

Ça démarre par le creusement des puits dits "de service" qui permettront aux ouvriers d'accéder aux chantiers de percement de la grande galerie et par où seront évacués les déblais.

Car la construction se déroulera en différentes phases :

1 - creusement et construction de la galerie principale à partir de trois puits de service

2 - parallèlement et à quelques mois d'intervalle (le temps d'en réaliser les plans et de les faire accepter), creusement et construction des dessous de blocs avec accès par les puits de ces blocs. Même procédure pour les infrastructures arrières avec accès par le puits d'extraction situé à l'emplacement de la station de pompage d'eau potable

3 - dessous de blocs et casernements sont raccordés aux galeries principales au terme de leur construction (c'est ainsi que la caserne principale et sa galerie de desserte extérieure ne sont pas au même niveau);

4 - bétonnage, par dessus les structures inférieures achevées, des blocs de combat et des entrées.

Justement, il est temps de savoir ce que seront ces blocs car un jour ou l'autre, il faudra bien mettre quelque chose au bout de ces galeries dont on vient d'entamer la construction.

C'est en juillet 1931 que sont mis à l'étude les premiers plans détaillés, notamment celui du bloc 5.

Le 10 octobre, on peut enfin s'occuper de l'entrée des munitions. Des estimations de ravitaillement sont élaborées, donnant 55 tonnes par jour, en vivres et munitions, ceci par l'intermédiaire de 14 camions. Dans ce calcul entre l'approvisionnement de la tourelle de lance-bombes de 135 mm qui fait ainsi sa première apparition, sans doute en remplacement de la tourelle de 75 de gauche, qui avait été abandonnée. Il semble que cela ait été une vue de l'esprit de la part de Cussenot, car à aucun moment la CORF n'a songé à remplacer celle-ci par une tourelle de 135.

Dans cette estimation, les tourelles de 75 sont à présent citées sous la mention " 75 modèle 05 ", ce qui veut dire que la CORF a désormais opté pour le canon de 75 et écarté ainsi le mortier du même calibre.

Fin octobre 1931, le général Belhague approuve les dispositions et tracés des dessous de blocs pour mitrailleuses ainsi que du bloc mortier.

Le 31 octobre, Cussenot préconise l'aménagement du puits de service n° 1 en issue de secours, de préférence au puits n° 2 qui nécessiterait un déboisement trop visible. Ces puits de service, encore appelés puits d'extraction, sont au nombre de quatre. Nous venons de voir que le puits n°1 deviendra l'issue de secours secrète, le puits n° 2 est aujourd'hui le puits d'entrée des câbles téléphoniques, non loin du puits n• 1. Le puits n° 3 est situé dans l'autre tronçon de la grande galerie, à mi chemin entre le coude et le P.C, il sera ensuite simplement remblayé. Le puits n° 4 est situé exactement à l'aplomb du puits de pompage d'eau potable de la caserne. Son existence a permis par la suite, et avant qu'il ne soit complètement remblayé, d'effectuer aisément le forage de 117 mètres donnant lieu à l'établissement du puits d'eau potable.

En décembre, le bureau d'études de Strasbourg élabore les plans des casemates mitrailleuses, à commencer par le bloc 6 puis le bloc 1.

Le 29 décembre 1931, le général Birchler redéfinit complètement l"E.M, situe les évacuations d'air et de gaz à l'E.H. et préconise l'installation de la prise d'air ainsi que les filtres sous le hall de l'entrée des munitions. Egalement le 29, la défense des réseaux fait l'objet d'une étude très approfondie.

 

1932

En janvier 1932, le lieutenant-colonel Cussenot peut enfin s'atteler à l'étude du bloc-tourelle mitrailleuse dont le puits et les dessous sont d'ailleurs en cours d'exécution. La CORF lui a demandé d'intégrer une cloche de guet en contrebas de la tourelle mitrailleuse, tout en prévoyant dans le couloir d'accès un emplacement destiné à accueillir le réservoir d'alimentation du lance-flammes. Ce dernier est censé arroser, depuis le créneau de cloche, le glacis qui prend forme au pied du bloc 2.

Cet équipement, qui devait être généralisé sur toute la ligne Maginot, a été abandonné par la suite. Cependant, l'emplacement du réservoir a bien été aménagé au Schoenenbourg.

En ce mois de février 1932, sont à peine entamés les travaux de creusement et de construction des parties inférieures de B1, B2, et B6. Le général Birchler notifie in extremis quelques modifications aux plans d'agencement de ces dessous.

 

OU LA CONSTRUCTION FAILLIT RATTRAPER LA PLANIFICATION

Le 30 mars 1932, Cussenot soumet au ministère les plans du bloc-tourelle pour mortiers de 81 afin que l'on puisse enfin entamer les travaux en conséquence. Le colonel Redon lui notifie en retour l'adjonction d'une sous-station à l'embranchement galerie principale/galerie d'accès à B5.

Le 12 avril, le lt-col. Cussenot, ayant complètement remanié les plans de l'entrée des munitions, les soumet à la direction de la CORF tout en poussant celle-ci à prendre position car les travaux de percement de la grande galerie se rapprochent de l'endroit où sera foré le puits de l'entrée.

Il est intéressant de remarquer que la salle des filtres qui devait se situer sous le hall d'entrée des camions est transférée au pied de l'entrée des hommes, toujours appelée issue de secours. La raison en est que vu la mauvaise nature du terrain, l'on ne peut guère descendre les fondations de ce bloc. En outre, il est recommandé, pour le même motif, de réduire au minimum les dimensions de la gare inférieure du bloc E.M. car celui-ci doit porter le moins possible sur les locaux souterrains.

Le 2 mai 1932, le chef de bataillon Reverdy, à bout de patience, houspille la CORF en la sommant d'adopter enfin le plan du bloc 5, de façon à ce que l'on puisse enfin entamer les fouilles. Le 18 juin, le général Birchler donne son accord tout en le conditionnant à d'ultimes modifications.

Le 7 juin, les plans de l'E.M. sont enfin adoptés par la CORF, toujours moyennant d'ultimes modifications.

Le 11, Birchler exige qu'il n'y ait qu'un seul joint de dilatation lors de la coulée de ce bloc.

 

UN TERRAIN VRAIMENT PEU COOPÉRATIF

En juin 1932, le commandant Reverdy avertit la CORF, qu'en raison du mauvais terrain rencontré dans le forage des puits, la date d'achèvement des locaux souterrains présente des aléas.

Bref, on commence à aller au devant de sérieuses difficultés dues à la nature du terrain, on craint même des affaissements provoqués par le creusement des bas de blocs et le chef des travaux de fortification de Strasbourg envisage de réaliser des pilotis en béton armé, pour supporter les parties hautes des blocs.

Le 27 juin est approuvé, moyennant quelques modifications, le plan du PC principal.

Le 18 août, le lieutenant-colonel Cussenot, qui vient d'être promu directeur des travaux de fortification de la 20e région, peut enfin se consacrer aux plans des blocs 3 et 4, qu'il soumet à l'approbation de la CORF.

En examinant ces projets, on constate qu'apparaît pour la première fois le terme de " 75 modèle 32 ".

Les colonels Charité et Redon approuvent, au nom de leurs services respectifs, les projets que vient de leur adresser Cussenot, avec bien entendu, les inévitables aménagements.

En septembre 1932, les forages des puits de B3 et B4 peuvent enfin être entrepris.

 

1933

En 1933, les études de gros oeuvre sont terminées et la construction bat son plein. La CORF n'a plus guère à intervenir bien qu'elle ait aussi son mot à dire sur le chapitre des installations techniques. Justement, le lieutenant-colonel Reverdy, nouvellement promu dans ce grade et dans la fonction de chef du bureau d'études, lui expédie un projet de calcul de ventilation concernant les blocs de combat et l'entrée des munitions. Les projets de ventilation et d'équipement interne des blocs et des dessous seront à la base de presque toutes les correspondances de 1933.

A la fin de cette année, on peut estimer que les maçonneries de la galerie principale sont achevées, ainsi que celles des dessous des blocs 1, 2, et 5. Il est même probable que le béton des superstructures des blocs d'infanterie ait été coulé cette année-là.

 

1934

DES PILIERS UNIQUES SUR LA LIGNE MAGINOT

En janvier 1934, le lieutenant-colonel Grandidier expédie depuis le 18 de la place Broglie à Strasbourg, un rapport dont la finalité est de solliciter une rallonge budgétaire de 375000 F pour l'édification des piliers qui devront supporter les blocs 3 et 4. Le bloc 3 pèsera environ 7000 tonnes, le bloc 4, 500 tonnes de plus.

Entre-temps, il a fallu couler les mêmes piliers sous les blocs 1, 2, 5 et 8. En définitive, le bloc 1 reposera sur six piliers, le bloc 2 sur onze piliers, les blocs 3, 4 et 5 sur chacun dix piliers. Assez mystérieusement, le bloc 6 est le seul des blocs actifs qui n'ait pas été construit sur piliers reposant sur des semelles au niveau de la galerie. On avait renoncé à ce mode de fondation en raison de la mauvaise tenue du terrain en profondeur (dixit le capitaine Stroh).

Le bloc 7 (entrée des munitions) n'a lui non plus été doté de piliers, mais par contre le bloc 8 en a reçu sept.

L'année 1934 sera donc principalement consacrée à l'édification des blocs 3 et 4. Ce seront des chantiers très importants, de par le volume des terres extraites et des constructions effectuées, bien plus importants que pour les blocs d'infanterie ou même le bloc 5, dont les parties inférieures sont relativement réduites. Également en cette année, sera achevé le gros oeuvre de la caserne et de l'usine, le bétonnage des deux entrées.

Le 5 novembre, le général Belhague approuve le projet d'utiliser le puits de service n° 1 qui, lors de l'achèvement du gros oeuvre de l'ouvrage, sera aménagé en issue de secours secrète.

 

1935

En 1935, le gros oeuvre est achevé, les blocs coulés.

Vient alors l'ère des chantiers spécialisés : tourelles, électricité, ventilation, téléphonie, équipements internes, etc. Des dizaines de milliers de mètres de cible et de tuyaux devront être posés par des équipes d'ouvriers qui se déplaceront au fur et à mesure de l'avancement des chantiers.

A ce stade, la CORF n'est plus guère sollicitée. Pourtant, le général Belhague estime que le Schoenenbourg possède une alimentation en eau suffisante pour rendre inutile l'emploi d'un aérorefroidisseur et qu'il suffira de réaliser un dispositif à eau perdue. Par conséquent, les cheminées de l'aérorefroidisseur seront bouchées pour renforcer la façade du bloc 8.

A la fin de 1935, les grosses équipes quittent le chantier et ne restent sur place que les professionnels de la finition.

 

L'APRES 1936 OU LE TEMPS DE LA FINITION QUI N'EN FINIT PAS

On pourrait croire que le Schoenenbourg est, en 1936, achevé et remis, selon l'expression d'aujourd'hui, clés en main aux troupes de forteresse qui viennent occuper l'ouvrage lors de l'alerte de mars.

Rien n'est moins sûr. Ainsi le capitaine Rodolphe, qui commandera l'artillerie du S.F.H. cite: "Pendant plusieurs semaines, les équipages vivent aux ouvrages dans des locaux inachevés, humides, ruisselants d'eau, non chauffés et éclairés avec parcimonie". Cela est parfaitement vraisemblable, d'ailleurs, une note du 30 octobre 1936 définit enfin l'agencement des locaux de l'étage "tourelle" du bloc 5 car n'y existent encore ni tablettes, étagères, râteliers d'armes, armoires, mobilier. Le P.C. du bloc est encore presque vide et on attend toujours la construction d'une cloison avec porte qui l'isolera du puits de tourelle.

!937 sera l'année des perfectionnements, beaucoup de locaux sont transformés, changent de destination (dixit Rodolphe). On peut considérer que la courte occupation de 1936 a fait avancer les choses.

En fait, ce n'était pas fini. En 1938, le capitaine Stroh dépensera 500 000 F, peut être le double avec le prix de la main-d'oeuvre, en effectuant avec une douzaine d'hommes en moyenne, des travaux de drainage et d'assainissement qui dureront 12 mois. Celui-ci cite : "Le capitaine Rodolphe me harcelait parce que l'eau apparaissait à des endroits où on ne l'avait jamais vue. Aimant le travail bien fait, j'étais désolé d'être trahi par quelques litres d'eau en balade qui m'empêchaient de lui donner satisfaction ".

En somme, le capitaine Stroh occupa ses hommes pendant toute une année à éventrer voûtes, piédroits et radiers, y placer des drains et des captages, puis colmater le tout à l'enduit étanche. Dans la galerie principale durent être abattus des centaines de mètres de tablettes porte-câbles, les entrées d'eau s'étant révélées nombreuses.

Seule, la pose de drainages pouvait venir à bout de ce fléau. Un des plus gros chantiers se déroula dans la caserne. Celle-ci avait été dotée, par ses concepteurs, d'écoulements de surface absolument ridicules. Pas un drain, ni dans les murs, ni dans le radier. En 1938, la caserne était déjà une éponge qu'il fallait à tout prix presser. L'équipe du capitaine Stroh la défonça de toutes parts, pour y rajouter une multitude de canalisations et d'écoulements.

En 1939, on améliora encore un certain nombre de choses. La déclaration de guerre interrompit à peine ces travaux. En 1940, Stroh se souvient avoir entamé des modifications sur la ventilation de la caserne, dans l'idée de puiser l'air frais par le puits de l'entrée des munitions. Au dehors, la ligne d'alimentation électrique par l'arrière, bien que prévue depuis 1937, ne sera achevée qu'en avril 1940, ce qui veut dire que le local des transformateurs n'ait été aménagé qu'à cette époque.

Mais arrêtons là le détail car l'énumération risque d'être longue. Pourtant l'histoire de la construction du Schoenenbourg est loin d'être achevée. S'ajoutent encore les réparations effectuées d'urgence lors des bombardements de 1940 et bien entendu la remise en état des dégradations dues aux occupants allemands, les petites transformations d'après-guerre, et toute l'étude et la reconstruction de l'entrée des hommes.

Mais ceci est déjà une autre histoire.

Jean-Louis Burtscher - 1989


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