EXTRAITS DU JOURNAL DE COMBAT DU GROUPEMENT D'ARTILLERIE N°3


PREFACE

Ce document retrace les combats, au jour le jour, de l'ouvrage d'artillerie de Schoenenbourg, dans le secteur fortifié de Haguenau. Il a été réalisé en octobre 1998 par Cédric Populu, à l'aide du livre du lieutenant-colonel Rodolphe intitulé " Combats dans la Ligne Maginot ".

René Rodolphe est artilleur. Il relate avant tout des événements ayant trait à l'activité à laquelle il est impliqué. L'action du fort de Schoenenbourg ayant été essentiellement caractérisée par la mise en oeuvre de son artillerie, le compte rendu du commandant Rodolphe est donc du plus haut intérêt. Néanmoins, le vécu de la garnison et le fonctionnement de l'ouvrage n'y sont guère décrits, car Rodolphe est alors installé à l'ouvrage du Hochwald, et qu'il se base, pour écrire son livre, sur les comptes rendus journaliers.


INTRODUCTION

Situer le contexte : Le fort de Schoenenbourg n'a bien entendu pas le monopole des événements qui se sont déroulés dans le nord de l'Alsace, en 1939 et 1940. Le texte qui va suivre est extrait d'un récit retraçant les combats de ce secteur, dans lequel il faut situer le contexte.

L'auteur : Le commandant Rodolphe (élevé ultérieurement au grade de lieutenant-colonel) est responsable du Groupe d'artillerie de forteresse n°3 dont l'action se situe dans le cadre du secteur fortifié de Haguenau. De ce fait, il dirige globalement l'action de l'artillerie des ouvrages du Hochwald Est et Ouest, de Schoenenbourg, de la casemate de 81 mm de Hofffen, des batteries détachées, des observatoires attachés à l'artillerie.

Il commande aussi directement l'artillerie du fort du Hochwald, alors que l'artillerie du fort de Schoenenbourg est sous les ordres du capitaine Cortasse. Ces deux forts apparaissent, dans le texte, sous différents vocables. On les retrouve sous "le fort de..", ou "l'ouvrage de...", ou encore "l'ouvrage", ou tout simplement par leur nom : "Le Schoenenbourg ou le Hochwald".

L'artillerie de l'ouvrage du Four à Chaux n'est pas de son ressort, car ce fort est inclus dans le secteur fortifié des Vosges. Toutefois, l'observatoire n° 10, qui renseigne le Hochwald-Ouest et donc le SFH, est installé dans l'ouvrage du Four à Chaux.


LES OUVRAGES FORTIFIES CITES DANS LE TEXTE

Les observatoires (dans le texte, apparaissent souvent sous O, suivi d'un numéro) : Ce sont les yeux des artilleurs. Ils sont implantés tout au long de la ligne de défense. Il y en a treize

au total, dont neuf cuirassés, deux bétonnés et deux blindés. Ils rendent compte à la fois au commandant du groupement d'artillerie (Rodolphe), et aux ouvrages auxquels ils sont directement attachés.

L'ouvrage de Schoenenbourg est ainsi renseigné par les observatoires suivants : n° 1 - Hatten. C'est un observatoire indépendant n° 2 - Aschbach. Il est implanté dans la casemate Aschbach-Est. n° 3 - Hoffen. Est implanté dans la casemate Bois de Hoffen-Est n° 5 - Ouvrage de Schoenenbourg, bloc 4 n° 76 - Buchholzerberg (observatoire bétonné)

Les observatoires relevant de l'ouvrage du Hochwald sont : n° 4 - Hunspach. C'est un observatoire indépendant n° 6 - Hochwald, bloc 1 n° 7 - Haut-avant (observatoire indépendant, sur le versant Est du massif du Hochwald) n° 8 - Hochwald, bloc 12 n° 9 - Hochwald, bloc 14 n° 10 - Four à Chaux, bloc 4

Des observatoires mixtes (O88, O92, etc,) sont également à disposition du commandement.

Les blocs et moyens d'artillerie de l'ouvrage Schoenenbourg : Les blocs d'artillerie sont au nombre de trois au fort de Schoenenbourg : au bloc n°3, une tourelle pour deux canons de 75 mm au bloc n°4, une tourelle pour deux canons de 75 mm au bloc n°5, une tourelle pour deux mortiers de 81 mm en appoint, sur les dessus du fort : - une batterie de deux pièces de 120 mm de Bange près du bloc 6 - une batterie de deux pièces de 120 mm de Bange entre les deux entrées.

Les casemates : Avec un équipage d'une vingtaine d'hommes, les casemates sont des ouvrages bétonnés moins puissants que les forts, car plus petits et dotés simplement de mitrailleuses et d'une ou deux armes antichars. Elles sont néanmoins l'épine dorsale de la Ligne Maginot. Les Allemands essayeront d'en neutraliser certaines par des attaques ou par des pilonnages, dans le but de créer une percée. Le fort de Schoenenbourg interviendra surtout au profit des casemates de Hoffen, d'Aschbach, d'Oberroedern, dont certaines auraient sans doute succombé aux assauts adverses, et qui furent sauvées par le feu de ses canons.

Les points d'appui (PA, dans le texte) : Les points d'appui font partie d'une ligne de défense implantée en avant de la ligne principale de résistance. Cette ligne avancée est faite de môles défensifs constitués de positions de campagne et de blockhaus de faible valeur défensive. Ils furent l'objet de violents combats, où les soldats français firent souvent preuve d'héroïsme par une résistance acharnée.

Le fort de Schoenenbourg intervint à plusieurs reprises, afin de les dégager, mais ne put empêcher leur chute. Les points d'appui nétaient d'ailleurs pas prévus pour être tenus indéfiniment. Cette ligne de résistance prend appui sur le massif du Hochwad et s'incurve vers le sud. On y dénombre entre autres les positions du Geisberg, du Schafbusch, du Geitershof, suivies des points d'appui numérotés de 1 à 11, juchés sur les crètes s'étendant d'Oberseebach à Trimbach.

Rappel de quelques abréviations et expressions : S.F.H. : secteur fortifié de Haguenau G.A.F. 3 : groupement d'artillerie de forteresse n°3 (dans le texte : "le groupement") P.A. : point d'appui B3 : bloc n°3 O2 : observatoire n°2 Stukas : avions d'assaut allemands, appelés bombardiers en piqué


EXTRAITS DU JOURNAL DE COMBAT DU GROUPEMENT D'ARTILLERIE N°3

Actions concernant le fort de Schoenenbourg

1939 - LA DROLE DE GUERRE

3 septembre 1939 : le sous-secteur communique : " Etat de guerre non confirmé. Eviter tout incident de frontière. Interdire de franchir la frontière, mais si l'ennemi pénétrait chez nous, le refouler à coups de fusils. ".

6 septembre : le sous-secteur communique : "Etat de guerre confirmé. Redoubler de vigilance ". Au Schoenenbourg on procède à la vérification des anciennnes munitions, dont les douilles bosselées entraînent des incidents de tir. Mot d'ordre : " Pas d'histoires, pas de provocation, pas de bruit. Interdiction d'ouvrir le feu sans un ordre du SFH".

Mois de décembre : incursions allemandes.

1940

1er janvier 1940 : échange de vœux entre ouvrages. Essais de tirs : tourelle de 81 OK à part quelques pannes de noria.

20 mars 1940 : installation de la batterie de deux canons de 120L de Bange sur les avants, qui sera servie par les servants de la tourelle mortiers. Avions ennemis. La DCA est trop en arrière. On étudie le tir fusant de 75. L'ouvrage accueille une visite.

10 mai 1940 : c'est par les postes radios que l'équipage apprend que l'offensive allemande à l'Ouest a commencé. Elle s'étend pour l'instant aux Pays-Bas et à la Belgique. Survol de l'ouvrage par des avions allemands. " Poussée ennemie sur la Moselle. Doublez de vigilance. "

LA DROLE DE GUERRE FAIT PLACE A LA VRAIE GUERRE

11 mai : le commandant du groupement donne aux artilleurs d'ouvrage l'ordre suivant : " Alerte permanente DCA. Ouvrir le feu sur tout avion reconnu ennemi. " Grosse activité aérienne dans le secteur, le terrain d'aviation de Haguenau est bombardé, le train sur voie de 60 ramenant des permissionnaires est attaqué, bilan : plusieurs tués. Par contre, l'artillerie allemande est muette.

12 mai : nombreux avions allemands hors de portée des tourelles de l'ouvrage. La TSF annonce de violents combats sur la Meuse à Sedan. Ordre du jour du commandant en chef : " L'attaque ennemie que nous avions prévue depuis octobre dernier s'est déclenchée ce matin. C'est une lutte à mort qui s'engage entre l'Allemagne et nous. Les mots d'ordre sont pour tous les Alliés : calme, énergie, confiance. Comme l'a dit il y a vingt-quatre ans le Maréchal Pétain : " Nous les aurons ". "

13 mai : dès 5h00 les avions allemands survolent l'ouvrage, en formation. La TSF annonce des attaques sur Sedan et Longwy.

14 mai : vers 3h00 violents combats sur la Lauter, notamment au Moulin de Saint-Rémy à Altenstadt) 3h22 : le Commandement du Groupement ordonne un tir de protection du Moulin : B3 tire 80 coups. 3h35 : compte rendu au Groupement sur l'exécution du tir RO sur la Lauter, à la demande de l'infanterie. Les postes avancés se replient et Saint-Rémy, la Ciblerie et la maison forestière de la Hardt sont en flammes. L'artillerie allemande est très active (plus de 600 coups). Bilan des villages détruits ou attaqués : Schleithal, Salmbach, Niederlauterbach.

Jusqu'à 23h40 : tirs d'artillerie sur le Mundat d'où les Allemands essayent de déboucher. Les Allemands ont repéré la section de 120 sur les avants : leur artillerie encadre la position et des caisses de gargousses sont détruites.

18h30 : Oberseebach est en feu. 20h40 : 13 coups de 280 tombent sur les avants. Nuit : tirs conséquents sur les Allemands qui tentent de déboucher de la corne sud-ouest du Mundat.

La TSF annonce la chute de Sedan et Longwy. Bilan de la journée : 900 coups tirés par le Groupement ; l'artillerie allemande a pilonné les villages depuis Schleithal jusqu'au Rhin ; recul des Français sur les avant-postes fortifiés ; les tentatives allemandes de percée ont échoué sous le feu nourri et précis des ouvrages ; le commandant du groupement demande une mission photo dans le secteur de Budenthal où se poste la batterie de 280 qui a tiré sur l'ouvrage, mais aucun avion n'est disponible ; les munitions de réserve doivent être ramenées dans l'ouvrage.

15 mai : de 4h00 à 6h40 : tourelles en alerte pour protéger le col du Pigeonnier. Sinon, matinée calme. 11h00 : mouvement de troupes allemandes à l'ouest de Schleithal : les observateurs demandent des tirs nourris. Après-midi : l'artillerie allemande tire plus de 200 coups de 105 sur Hunspach, le Geisberg et Altenstadt dont le clocher est décapité. Vers 15h00 : l'artillerie adverse prend à partie les avants en tirant 20 coups de 280 ; résultats : réseau antichar touché, entonnoirs de 6m de diamètre et 2,50m de profondeur. Ces tirs proviennent de Budenthal (à 11.500m), hors de portée de nos tourelles (10.000m).

REPLI DES TROUPES ENGAGEES SUR LA FRONTIERE

16 mai 1940 : vers 4h00 : tirs allemands de riposte contre les tirs des tourelles de l'ouvrage. Journée calme. Tir de 40 coups de l'ouvrage sur une section d'artillerie allemande au sud du Mundat. Pendant la nuit : forte activité de l'artillerie allemande. Bilan : ces deux derniers jours, 684 coups ont été tirés par les ouvrages. Situation au soir : la ligne de défense de la Lauter est abandonnée, ainsi que les villes de Wissembourg et d'Altenstadt.

LE FRONT : il s'étend comme suit : ferme Boesch, Climbach, Tour de Scherhol, Maison Forestière de Scherhol, cotes 290, 276, 249, 243, monument allemand du Geisberg, le château du Geisberg, côte182,4, ferme de Geitershof, les blocs d'Oberseebach, de Trimbach et de Kuhlenmühl.

17 mai : l'ouvrage tire sur Rechtenbach, Altenstadt et Saint-Rémy.

18 mai : nuit et matinée calmes. Dès 14h00 : duel d'artillerie : tir de 60 coups de 120 sur les villages de Bobenthal et le château Saint-Paul. Riposte allemande sur le village de Rott, d'Altenstatt et sur le camp de Drachenbronn.

19 mai : nuit et matinée calmes. 12h00 : tirs (300 coups) d'artillerie allemande sur Rott, Geisberg, Steinseltz, Oberhoffen, Ingolsheim et sur le Schoenenbourg. 16h30 : batterie allemande repérée au sud de Schweighoffen et prise à partie par la section de 120 des avants réglée par l'observatoire 7 (O7). 18h15 : les Allemands sont dans Wissembourg et Altenstadt. L'infanterie demande des tirs qu'effectuent les tourelles de 75. 20h45 : aperçu d'une fusée rouge à six feux dans le secteur de Rott ; pilonnage de la position qui arrête la progression des troupes allemandes. Et jusqu'à 1h30 les routes forestières sont pilonnées par les tourelles de 75.

20 mai : matin : l'artillerie allemande tire sur le Hochwald, sur Geisberg, Oberhoffen, Ingolsheim, Climbach, Cleebourg, Steinseltz et Riedseltz. 12h00 : infanterie allemande signalée au sud de Wissembourg ; les sections de 120 du Hochwald et de l'ouvrage de Schoenenbourg prennent ce secteur sous leur feu (30 coups). 13h00 : tir d'arrêt sur Climbach. Le Schoenenbourg effectue des tirs de DCA sur des Henschel (reconnaissance) ou Heinkel (bombardiers) ?

21mai : l'artillerie allemande tire sur le Geisberg, la côte 276 et le sud de Cleebourg , ainsi que sur Aschbach, Hoffen et Stundwiller de façon plus soutenue ; petite anecdote sur ces tirs, sur les 100 coups tirés, les observateurs ont remarqué qu'un tiers des obus n'ont pas éclaté ! Vers 11h00 : l'ouvrage tire sur un avion allemand. 21h50 : l'ouvrage intervient devant la côte 276, où des patrouilles allemandes viennent reconnaître la ligne de défense.

22 mai : journée calme. L'artillerie allemande tire près de 400 coups sur la ligne de surveillance, sur Rott, Steinseltz et le Geisberg. De nombreux avions survolent le secteur.

23 mai : 2h45 à 4h10 : l'artillerie allemande tire sur la ligne de surveillance.

24 mai : journée très calme ; visibilité parfaite !

25 mai : l'artillerie allemande tire 120 coups comme riposte aux tirs des ouvrages, sur les villages de Steinseltz, Cleebourg, Oberhoffen et le Geisberg. 15h00 : l'artillerie allemande prend pour cible la Ferme de Schafbusch. 15h45 : le bloc 4 tire sur la côte 276, car des troupes allemandes ont tenté de la conquérir. 20h40 puis à 23h00 : déclenchement de tirs de protection ; ce qui entraîne une riposte de l'artillerie allemande sur l'ouvrage (50 coups de 150). Les batteries de 75 des intervalles sont retirées.

UN MORT AU SCHOENENBOURG

26 mai : l'artillerie allemande tire sur le Geisberg ainsi que sur les casemates d'Aschbach qui reçoivent 35 coups. L'ouvrage reçoit également 30 coups de 150 ; cette fois-ci on déplore des dégâts et la première victime dans l'ouvrage : la cloche de guet de B5 est touchée à la base et son épiscope est brisé, en projetant des débris qui ont tué le guetteur d'infanterie sur le coup.

27 mai : journée calme. 18h24 : l'ALVF allemande se met en action et tire 6 coups autour d'Oberroedern. 19h50 : l'ALVF allemande tire sur Mattenmuhl, à l'est de Lobsann. Le fort est ravitaillé par voie de 60 et réceptionne 4000 obus explosifs de 75 Mle 17 et les nuits suivantes 8000 obus de 75. La dotation réglementaire de l'ouvrage est dépassée.

MESURES DE RENFORCEMENT

28 mai : nuit agitée. 1h35 : tirs effectués sur le bois des Juifs sur demande de l'infanterie. Par contre la journée est calme. L'artillerie allemande tire sur les villages de Cleebourg, Riedseltz et Hunspach. 17h00 : l'ouvrage tire 20 coups entre le Moulin Saint-Rémy et la forêt car des mouvements de troupes allemandes ont été signalés.

Message du G.Q.G. : " Ferté perdu a la suite des trous d'obus créés par les bombardements, Eben-Emael grâce à un parachutage sur les dessus. D'où les recommandations : 1°) Tirs fusanst sur les ouvrages voisins 2°) Surveillance active exercée à l'extérieur contre les parachutistes. "

Envoi de 3 chars FT17 pour défendre les dessus de l'ouvrage, ainsi qu'une batterie de canons de 25mm de DCA. Les chars sont mis en attente, dans l'entrée des munitions. Les patrouilles de nuit sont renforcées.

29 mai : temps magnifique et visibilité excellente. L'artillerie allemande tire 200 coups sur les villages de Riedseltz, Hunspach, Oberhoffen et tout particulièrement sur Oberlauterbach avec 500 coups. La batterie de 120 des dessus tire 30 coups sur le clocher de Schleithal où les Allemands ont posté un observateur.

30 mai : l'artillerie allemande tire 100 coups sur les villages de Steinseltz et Grossenwald. Une batterie lourde française tire 20 coups sur la lisière nord de Hatten.

31 mai : journée très calme, brumeuse au sol avec visibilité médiocre.

JUIN 1940

1er juin 1940 : les entrées de l'ouvrage voisin du Hochwald sont la cible d'une pièce de 280 allemande. 16h00 : le commandant Rodolphe règle depuis l'observatoire O7 le tir sur le clocher de Schleithal ; la batterie de 120 du Schoenenbourg met 3 coups au but sur 30 tirés à une distance supérieure à 10km, puis tire 28 coups sur Obere-Ringgasse où les Allemands ont dissimulé la route sous des filets de camouflage ; elle tire encore 4 coups sur la tuilerie de Salmbach où une batterie allemande est repérée.

2 juin : l'artillerie allemande tire sur les villages de Trimbach, Siegen et Buhl. 3h40 : l'infanterie française demande un tir de protection pour un coup de main exécuté par les chasseurs sur la Villa Alfred. L'ouvrage tire 60 coups. Après-midi : la section de 120 tire à nouveau sur le clocher de Schleithal avec 3 coups au but sur 12. Puis elle tire sur la station et la côte 144 où les Allemands tentent de dissimuler les mouvements de véhicules vers le village.

3 juin : R.A.S. ! Une légère brume de chaleur affaiblit la visibilité.

4 JUIN - UN TERRIBLE ACCIDENT

4 juin 1940 : nuit calme. 15h00 : L'observatoire 92 règle la section de 120 sur Schleithal. Le commandant Rodolphe, qui observe depuis le Hochwald, suit à la jumelle les tirs, quand tout à coup un nuage noir enveloppe une des deux pièces de 120. Le tir est tout de suite stoppé. Plus de réponse au téléphone. Le P.C. d'ouvrage signale : " Incident à la section de 120 ... des blessés !... "

Le oommandant du groupement se déplace en voiture à Schoenenbourg, où la nouvelle a déjà semé la consternation parmi les hommes de garde de l'entrée des munitions, qui parlent de plusieurs blessés graves. L'infirmerie de l'ouvrage est pleine. Le médecin s'affaire auprès des blessés qui sont pansés. Deux d'entre eux gisent sur des brancards. L'un des blessés saisit les mains du commandant, qui se penche sur lui. Sa bouche grande ouverte cherche avec peine de l'air pour sa poitrine défoncée. Pas de cris. La morphine injectée à haute dose les assomme. Les blessés légers sont agités, nerveux. Ils discutent âprement et se questionnent : qu'est-ce qui s'est passé ? De si bons canons ! Le tir marchait si bien !... Les ambulances demandées à Haguenau arrivent et emmènent vers l'hôpital trois blessés couchés et cinq assis, qui vont passer sur le billard.

Le commandant Rodolphe gagne la section pour une première enquête. La position est dans un triste état. L'obus allongé, éclatant à hauteur des tourillons, a coupé le tube en deux et les morceaux ont sauté en arrière de la crosse. Fauchées par les éclats, les roues sont brisées et le grand fût s'est incliné comme une bête blessée. Le personnel de la pièce n'a pas de pertes. Ce sont les servants de la pièce voisine qui ont été atteints par la gerbe d'éclats. Les armements sont endommagés.

Gradés et servants sont encore trop choqués pour pouvoir fournir des explications précises, mais il semble que l'accident doive être imputé à la fabrication défectueuse d'une fusée. On remet de l'ordre dans la section. La première pièce est rééquipée et tire, quelques instants après, 6 coups sous les ordres du capitaine Cortasse, qui reste parmi les servants pour leur rendre confiance dans leur vieux mais excellent matériel.

Des officiers spécialistes viennent examiner matériels et munitions. Ils incriminent les fusées qui ont d'ailleurs causé d'autres incidents graves dans les batteries du secteur. Le lot douteux est retiré des approvisionnements et remplacé. Le commandant Rodolphe donne l'ordre de construire immédiatement, sur toutes les positions, des pare-éclats pour protéger les tireurs et prescrit que tout le personnel devra s'abriter avant chaque départ de feu.

Des propositions de récompenses sont établies pour les blessés. Bilan : blessés graves : canonniers Derrendinger, Weisreiner et Matt ; blessés légers : adjudant-chef Eschenlauer, brigadier Vonau, brigadier-chef Stenger et les canonniers Franck et Payen.

5 juin : calme absolu. Le commandant Rodolphe se rend à l'hôpital de Haguenau pour visiter les blessés d'hier. Le canonnier Derrendinger est au plus mal ; on lui a retiré de la poitrine un éclat d'au moins 300 grammes provenant du tube du canon. Le Médecin-chef de l'hôpital demande pour lui la Médaille militaire qui est aussitôt accordée. C'est le commandant qui la lui remet. Le canonnier Matt est transféré sur Saverne pour une amputation. Les autres sont hors de danger.

6 juin : décès du canonnier Derrendinger dans la nuit, suite à ses blessures. La ville de Haguenau est évacuée.

7 juin : le canon de 120 en état, tire 35 coups sur Schleithal où passe un convoi allemand.

8 juin : le temps est beau et chaud. Le canon de la section de 120 tire 28 coups sur le bois des Juifs. Le bloc 3 vérifie les éléments sur un tir d'arrêt sur le bois. Mise en place d'une nouvelle section de 120 (provenant de Mutzig) près du bloc 7. C'est à nouveau le personnel de la tourelle de 81 mm du bloc 5 qui l'installe.

9 juin : mise en batterie de la section arrière de 120 sur plate-forme blindée avec pare-éclats. Le personnel de la tourelle de 81qui dessert les pièces situées à l'extérieur est fréquemment réveillé pour des alertes aux parachutistes.

10 juin : après-midi : essais de tirs de protection sur l'ouvrage par le Hochwald-Est. 15h00 à 18h00 : le canon de 120 de la première section tire 50 coups sur Schleithal et la gare.

11 juin : l'artillerie allemande tire 50 coups sur la côte 276 et sur le PO4. 15h40 : la section de 120 tire 45 coups sur Schleithal.

12 juin : R.A.S. Une brume épaisse rend la visibilité mauvaise. L'artillerie allemande se porte en avant et franchit la Lauter.

LES INTERVALLES PARTENT

13 juin : Message du P.C. du S.F.H. à Walbourg : " Le S.F.H. constitue une division de marche ayant pour mission de s'établir en barrage antichars entre Nuit-Sous-Rivière et Chaumont. Toute l'artillerie non affectée aux ouvrages part. Se tenir prêt à détruire les ouvrages au reçu de l'ordre de leur évacuation. "

Conséquences : les 2 canons de 280 d'ALVF (artillerie lourde sur voie ferrée) de Rittershoffen partent sans avoir tiré un obus depuis leur installation en septembre 1938 ! Il ne reste plus que 40 pièces d'artillerie sur les 408 d'origine.

14h30 : l'ouvrage tire 50 coups au nord-est du Geisberg et sur les lisières de Schleithal. La section de 120 tire sur la partie sud de Schleithal mais au bout du troisième coup la plate-forme se déverse suite aux tirs intenses des derniers jours : ce sont les derniers coups de la section de 120 installée entre les blocs 5 et 6.

La tourelle mortier intervient peu à cause de sa faible portée.

14 juin : de nombreux avions survolent le secteur d'est en ouest. Les tourelles tirent sur les avions sans grand succès. La visibilité est bonne aujourd'hui. Importante circulation dans Schweighoffen. 15h00 : la nouvelle section tire 30 coups sur les troupes allemandes au sud-ouest de Schleithal. 22h00 : l'ouvrage tire 40 coups sur le pont au sud de Wissembourg. Les Allemands ont tenté de traverser le Rhin en radeaux pneumatiques. Les 2/3 des troupes d'intervalle ont quitté leurs positions pour rejoindre leurs lieux d'embarquement.

Front au soir du 14 : Ferme Boesch Route de Climbach au col du Pigeonnier Maison forestière de Scherhol Côte 276 Crête du Geisberg, hameau de Geitershof Blockhaus Oberseebach, blockhaus Trimbach, nord de la côte 194 et du village d'Eberbach pour rejoindre Seltz.

LES POINTS D'APPUI AVANCES PRIS D'ASSAUT

15 juin :

2h50 : les PA du Geisberg réclament 2 barrages pour repousser de fortes patrouilles allemandes. Ce sont les blocs 3 et 4 qui effectuent ce tir de barrage en tirant 20 coups au sud de Wissembourg.

3h00 à 4h00 : l'ouvrage tire 40 coups sur la sortie nord-est de Wissembourg et 40 coups sur le passage en dessous d'Altenstadt.

3h00 : l'artillerie allemande ouvre le feu sur les villages du sous-secteur de Hoffen. Attaques allemandes sur les points d'appui ; PA 8 et PA 9 sont vite enlevés, créant une brèche où les Allemands s'infiltrent et commencent à encercler les PA voisins.

4h48 : l'ouvrage effectue un tir d'arrêt au profit du PA 7. Le bloc 3 tire 80 coups qui stoppent net une partie de l'avancée allemande, mais de Riedseltz au Rhin la percée continue.

5h00 : les blockhaus d'Oberseebach réclament à leur tour des tirs de protection.

5h15 : le commandant du groupement fait tirer 100 coups au nord et au nord-est de Geitershof. Partout, les demandes de tirs de protection augmentent.

6h35 : les Allemands se glissent à l'est d'Aschbach, vers Stundwiller. L'ouvrage ne cesse de tirer suite aux demandes de l'infanterie.

8h38 : PA 10 résiste aussi aux attaques allemandes. L'ouvrage tire toujours sur PA 8 et PA 9, tombés.

10h00 : l'ouvrage tire 50 coups sur le bloc Est d'Oberseebach que les Allemands ont réussi à prendre. Explosions des ponts de Buhl, Aschbach et Rottenmühl. Eberbach tombe entre les mains des Allemands qui atteignent la côte 194. La section de 120 de Bange en position près des entrées tire 140 coups qui gênent la progression des troupes allemandes.

13h18 : l'ouvrage appuie la contre-attaque sur le bloc d'Oberseebach. Après 160 coups tirés par les tourelles, 7 hommes reprennent possession du bloc.

17h10 : les Allemands sont signalés à Buhl et à Stundwiller ; 80 coups sont tirés sur ces villages. A Aschbach, occupé, les Allemands installent une mitrailleuse dans le clocher et tentent de réduire le PA 7. L'ouvrage tire 50 coups, puis 100 coups d'obus explosifs, qui tiennent à distance les troupes allemandes. Jusqu'à 20h30, les tirs (150 coups de 75 et de 120) de l'ouvrage stabilisent la situation. Et toute la nuit, les 2 tourelles de l'ouvrage tirent sans cesse pour protéger PA 7.

18h00 : PA 10 et PA 11 tombent à leur tour. La nuit est calme, les Allemands se regroupent. Le moral des troupes de l'ouvrage est excellent! Bilan : le Schoenenbourg a tiré 3700 coups de 75 et 140 coups de 120. Les servants des tourelles ont travaillé torse nu dans les chambres de tir à cause de la chaleur des tubes surchauffés. Les Allemands ont un nouvel objectif : les saillants que fait la Ligne Maginot vers Oberroedern.

16 juin : quelques tentatives allemandes d'approche du PA 7, mais l'ouvrage veille. 05h00 : les blocs d'Oberseebach sont attaqués et notamment le bloc nord ; l'ouvrage tire 280 coups à l'est des 2 blocs. 9h30 : le calme revient. L'observatoire n°3 repère des troupes allemandes dans les vergers au nord d'Aschbach pour attaquer PA 7. L'ouvrage les arrose avec 80 coups ; on dénombre des morts et des blessés côté allemand. Les combats font rage entre Aschbach et Oberseebach.

10h15 : nouvelle tentative allemande sur Aschbach, arrêtée net par les 2 tourelles de l'ouvrage. 12h00 : les Allemands ne renoncent pas ; leur artillerie bombarde PA 7 et les Stosstrupp donnent l'assaut ; l'ouvrage tire sur PA 8 et PA 9 qui servent d'abri aux Stosstrupp (troupes de choc) ; cela n'empêche pas quelques infiltrations au nord-est, mais PA 7 les repousse.

18h00 : l'ouvrage tire sur le clocher d'Aschbach où se trouve une mitrailleuse allemande. 19h00 : les Allemands réussissent à infiltrer le village d'Aschbach par le sud. L'ouvrage effectue des tirs qui dispersent l'infanterie allemande. Cette dernière subit de lourdes pertes humaines.

23h00 : le commandant d'artillerie décide d'effectuer des tirs de harcèlement sur les objectifs suivants : région de Niederseebach, Oberseebach, Aschbach, Trimbach et Siegen. La consommation en munitions est fixée à 20 coups/heure par cible. Economie des obus de 75 Mle 17 qui s'épuisent à l'ouvrage, bien qu'il ait récupéré 1100 obus Mle 17 sur les batteries de Keffenach. .


Note de la Ve Armée 3e Bureau 6/3 D

Note pour les généraux commandant les C.A. et D.I.

Le plan de mouvement de l'armée prévoit que le décrochage et le mouvement de retraite de l'armée seront couverts et camouflés par des éléments de sûreté maintenus au contact, avec une mission de résistance sur place jusqu'à nouvel ordre et comprenant en particulier les équipages des ouvrages et des casemates.

Lorsque le délai assigné à la résistance des ces éléments sera expiré, ils pourront être amené à se décrocher de la position fortifiée.

Préparer, en conséquence, dès maintenant, la destruction de tous les matériels d'armements et les munitions des ouvrages et cartes qui ne pourront être emportées.

P.C., le 14 juin. Signé : Bourret.


Note de la Ve Armée 15/3 O.P.¾ Le 15/6

Ordre pour les troupes de forteresse.

1° Il peut se faire que les armées de l'Est soient attaquées à revers. Les troupes de la forteresse ont déjà fourni à ces armées des renforts précieux ; 2° Il faut, à tout prix, que pendant cette nouvelle bataille, les troupes de forteresse maintenues sur place, luttent jusqu'au bout, pour contenir l'ennemi sur leur front et pour couvrir les arrières des armées. C'est une grande mission. Le Général commandant l'armée sait qu'il peut compter sur la fermeté d'âme des chefs et des troupes de la forteresse ; 3° En conséquence, et jusqu'à nouvel ordre, aucun mouvement de troupes et de matériels maintenus sur la position fortifiée ne sera effectué.

Signé : Bourret


17 juin : repli du PA 7 sur ordre et formation du PA 5bis. Le PA 4 est réoccupé. Les Allemands occupent la côte 194 et Neugartenhof. 12h10 : message du P.C. : " Menace d'attaque sur Oberseebach. " ; l'ouvrage tire 200 coups avec l'ouvrage voisin sur le village.

12h30 : O3 signale à l'ouvrage que l'infanterie allemande est prête à attaquer en direction de PA 3. L'ouvrage tire 80 coups qui dispersent les troupes allemandes. Les Allemands concentrent beaucoup d'effectifs dans les villages de Buhl et de Stundwiller. La Ferme Bellevue est tenue par les Allemands mais ils sont délogés par les tirs de 37 de la casemate Seltz et par un tir du Schoenenbourg. Les casemates d'Hunspach sont bombardées par l'artillerie allemande, des 150 de campagne ; aucun dégât à déplorer.

16h30 : les avant-postes du Geisberg signalent des mouvements dans Wissembourg. 16h55 jusqu'à 18h00 : bombardement (370 coups) du sud de la ville de Wissembourg et Altenstadt. 21h45 : l'ouvrage tire sur Niederseebach, Oberseebach, Aschbach, Trimbach, Siegen et 160 coups sur Stundwiller. Les Allemands sont également signalés à Eschbach et au sud de Woerth.

LES POINTS D'APPUI CEDENT

18 JUIN 1940 3h00 : PA 3 est attaqué par les Allemands ; Geitershof et le bloc nord d'Oberseebach également. 4h10 : PA 4 est à son tour attaqué, mais les tirs d'arrêt de l'ouvrage du Hochwald les maintiennent à distance. 4h15 : nouvelle tentative sur PA 4, mais les trois 75 en casemate du bloc 6 de l'ouvrage voisin les dispersent. 5h00 : Oberseebach sud est bombardé par les pièces du B6 du Hochwald. 6h04 : le repli du PA 4 est décidé ; les Allemands s'emparent immédiatement du PA 4 mais les canons des blocs B4 du Schoenenbourg et B6 du Hochwald les empêchent de sortir. PA 5 se replie également : des pièces d'artillerie allemandes sont positionnées au nord-ouest de Trimbach 9h00 : 200 coups s'abattent sur ce nouvel objectif. PA 5 puis PA 4 sont repris.

17h07 : les Stosstrupp se préparent à redonner l'assaut sur PA 5. 17h56 : sur ordre du P.C. du groupement et suivant les informations de l'observatoire n°3, l'ouvrage tire 50 coups sur cette batterie allemande à Trimbach ; les soldats allemands sont éparpillés. 23h00 jusqu'à 01h30 : l'ouvrage harcèle les routes dans le secteur d'Oberseebach, Niederseebach, Trimbach, Buhl et Stundwiller. Bilan : 1926 coups tirés par le secteur.

LES STUKAS ATTAQUENT

19 juin : à l'aube, les Allemands attaquent ; PA 2, PA 3 et PA 4 tombent ; l'ouvrage riposte sur Oberseebach et sur les PA évacués où les Allemands ont pris position. 15h10 : l'ouvrage effectue un tir de DCA au-dessus du Hochwald-Ouest. Puis tire sur une colonne de véhicules allemands portant un drapeau blanc entre Niederseebach, Aschbach et la vallée de Seebach.

16h30 : Premier bombardement aérien sur le Schoenenbourg : les entrées sont prises pour cibles. L'ouvrage tire sur le carrefour vers Fronackerhof. 18h35 : l'ouvrage effectue un tir de DCA au-dessus du Hochwald-Ouest. 20h10 : le fort est à nouveau bombardé par 20 Stukas, cette fois-ci sur les avants. 22h00 : l'ouvrage effectue des tirs sur la lisière sud d'Aschbach où les Allemands attaquent la casemate d'Aschbach-Est. L'équipage effectue une sortie pour constater les dégâts et réparer, et pour dégager les créneaux.

20 juin 1940 : 12h00 : le Schoenenbourg tire sur une colonne allemande à l'ouest de Soultz-sous-Forêts. 14h00 : l'ouvrage tire entre Kutzenhausen et Pechelbronn sur des colonnes allemandes.

A nouveau, bombardement par 10 Stukas.

15h15 : la tourelle du bloc4 effectue un tir de DCA au-dessus du Hochwald-Est. 16h12 : l'ouvrage tire sur des groupes allemands vers Soultz. Vers 17h00 : l'ouvrage effectue un tir d'arrêt de 210 coups au sud d'Aschbach où les Allemands se sont regroupés pour attaquer. 17h29 : les tourelles effectuent à nouveau un tir de 160 coups et brisent l'attaque allemande. 18h00 : l'ouvrage effectue deux tirs de 35 coups sur le nord-est de Stundwiller et sur le nord-est de Buhl où des troupes allemandes ont été aperçues. L'ouvrage tire 20 coups au nord-ouest de Soultz, village encerclé par les Allemands. 19h15 : nouvelle attaque allemande partant d'Aschbach : l'ouvrage tire devant les casemates et disperse les assaillants.

20h00 : bombardement par 18 avions. Vers 22h00 : la liaison est rétablie entre l'ouvrage et l'observatoire n°3. Entre 22h00 et 23h40 : l'ouvrage tire à l'ouest et au sud de Segmuhl.

SOUS LE FEU D'UN OBUSIER DE 420 mm

21juin : 00h00 : le bloc 4 effectue un tir d'arrêt vers les casemates de Bremmelbach, prises pour cible par des mitrailleuses. Dans la matinée, l'ouvrage effectue des tirs de boîtes de mitrailles sur le Hochwald-Est et Ouest, car des Allemands auraient été signalés sur les dessus entre B1 et B6. Quand la visibilité devient correcte, O7 confirme qu'aucun soldat n'est sur les dessus du Hochwald-Est. Des troupes allemandes sont signalées près de Lobsann à la lisière nord du Grossenwald.

8h20 : bombardement du fort par 10 avions. 9h00 : violents tirs d'artillerie suivis d'un bombardement de Stukas à l'est de Hoffen. L'observatoire n°7 aperçoit des Allemands sur la crête au nord de Steinseltz. 11h20 : l'ouvrage de Schoenenbourg effectue des tirs fusants pour protéger le Hochwald-Est, qui subit un bombardement aérien.

12h00 : après avoir occupé Soultz-sous-Forêts dans la nuit, les troupes allemandes progressent vers le nord, mais sont stoppées par un tir nourri de mitrailleuses. 12h40 : les Allemands tentent une sortie sur Aschbach, mais ils sont repoussés dans le village par les tirs de l'ouvrage, aidé par le Hochwald-Est. Jusqu'à 18h00 : les combats font rage au sud ; Lampertsloch et Lobsann sont contrebattus. 18h10 : infiltrations allemandes à Hoffen et Leiterswiller ; Rittershoffen occupé. Bombardement du fort par 10 avions.

19h00 : premier bombardement d'artillerie effectué par une pièce de gros calibre. Jusqu'à 20h30 : ce sont 14 coups de 420 qui tombent sur l'ouvrage. Un point d'impact est repéré à 100m de B5. L'angle nord-est de ce bloc est touché (1/2 m3 de béton s'est détaché), non loin de la cloche lance-grenades.

21h00 : Retschwiller est occupé. 21h20 : le Schoenenbourg et le Hochwald-Est bombardent la localité. 21h45 : Hatten est menacé, mais 81 coups de l'ouvrage font reculer les Allemands. 22h50 : l'ouvrage effectue un tir d'arrêt aux alentours de la casemate Oberroedern-Est. Il faut économiser les obus de 75 Mle 17 ! Les observatoires O2 et O3 communiquent avec le fort en T.S.F. ; les 2 ont subi des dégâts importants ; le premier est hors service : 2 périscopes détruits, un coup de 88 allemand a traversé le créneau nord-est de la cloche faisant un blessé ; le deuxième n'a plus de bloc-jumelles, détruit par un coup de 37 Pak, mais son périscope est toujours disponible.

22 juin : nuit calme. Les attaques cessent à Hoffen. Les troupes allemandes se rassemblent à l'est de Rittershoffen ; l'ouvrage tire quelques coups dans ce secteur. Nombreux tirs vers Soultz. 13h00 : le bloc 3 tire au nord d'Ingolsheim ; lors d'un tir, un coup de 105 allemand frappe la tourelle provoquant une déformation de l'acier ; la tourelle reste bloquée en position de batterie jusqu'au soir. 16h15 : bombardement de 420. C'est un dirigeable qui règle le tir de la pièce d'artillerie. Ce sont 14 coups qui éclatent sur les dessus, soit un coups toutes les 7 minutes !

Situation à la fin de la journée : On signale des isolés dans le secteur de Hoffen, des détachements allemands vus vers Schafbusch et quelques patrouilles vers Grossenwald. Au sud, l'ennemi progresse vers Mattenmuhl. Au sud de l'ouvrage, les Allemands sont postés sur la crête qui fait face au village de Schoenenbourg. Les tourelles du fort sont prises pour cibles par l'artillerie allemande. 21h00 : les observateurs peuvent apercevoir des feux d'artifices côté adverse : serait-ce l'armistice ?

23 juin : nuit agitée à Mattenmuhl. Vers 03h00 : attaque depuis Rittershoffen vers Hatten stoppée par les défenseurs. 07h00 : le Schoenenbourg tire 160 coups à l'est de Rittershoffen pour écraser une tentative allemande. 07h52 : explosion du premier projectile de 420 sur l'ouvrage. Au total ce sont 14 coups, un toutes les 7 minutes qui s'abattent sur les dessus. Les explosions sont tellement violentes que l'évacuation des étages supérieurs des blocs est décidée. Les hommes se terrent dans la galerie principale, où les secousses sont moins prononcées. C'est à nouveau B3 qui subit un impact, à 2m de la tourelle. Le bloc 6 perd la prise d'air blindée, arrachée par un impact. 10h00 : le bloc 4 tire 40 coups sur le bois de Grossenwald où les rescapés d'une colonne d'artillerie hippomobile, repérée par l'observatoire 88, se sont retranchés. 11h30 : le village de Schoenenbourg est bombardé. 16h00 : violents bombardements de l'artillerie allemande sur les casemates du secteur Hoffen, Aschbach, Oberroedern.

17h00 : l'ouvrage est pris à partie par plusieurs batteries de 150. 18h50 : le fort tire 2 rafales de 20 coups sur une colonne hippomobile en marche de Preuschdorf vers Merkwiller, signalée par O88. Mais l'ouvrage doit se contenter de ces 2 tirs, car la pièce de 420 a repris son activité. Toujours la même cadence de tir : 14 coups avec un toutes les 7 minutes.

Tentatives allemandes entre Schoenenbourg et le Buchholzerberg repoussées ; infiltrations allemandes entre le Mittelwald et l'Oberwald vers les casemates de Hunspach repoussées.

24 juin : nuit calme. 15h00 : le village de Schoenenbourg est pris pour cible par l'artillerie allemande, ainsi que Lobsann. 16h30 : l'ouvrage tire 240 coups sur la lisière Est de Rittershoffen où le P.C. de Hatten a signalé un groupement allemand. 17h30 : Bombardement , par des pièces de 105. 19h20 : le clocher de Schoenenbourg est visé ; il brûle toute la nuit. 20h10 : bombardement de l'ouvrage par l'artillerie allemande : pièces de 105 et 150. 23h20 : des rafales d'armes automatiques retentissent dans le village de Schoenenbourg. La T.S.F. annonce l'armistice.

CESSEZ-LE-FEU

25 juin : cessez-le-feu annoncé pour 1h30. 0h26 : les observatoires O88 et O92 signalent des tirs de mitrailleuses dans la direction de Schoenenbourg. Une tentative allemande est stoppée par des tirs d'infanterie dans le secteur du Bois de Hoffen. 0h40 : le Commandant du Groupement donne l'ordre suivant : " A1 (Schoenenbourg), A2 (Hochwald-Est), A3 (Hochwald-Ouest), cessez le feu ! "

A ce moment, et depuis l'entrée en guerre de la France, le Schoenenbourg a tiré 15792 coups de 75 mm (blocs 3 et 4), 682 obus de mortiers de 81 mm (bloc 5), 723 coups de 120 mm (positions sur les dessus), soit au total 17210 projectiles d'artillerie.

26 juin : nettoyage de l'ouvrage, des matériels, évacuation des douilles. Le commandant du secteur demande à la division d'infanterie allemande de mettre les ouvrages en relation avec le commandement français afin d'obtenir les instructions. Inspection des dessus pour apprécier l'effet des bombardements.

27 juin : les archives sont regroupées pour être emmenées et le reste est brûlé dans un trou de bombe, près de l'entrée des munitions. La corvée de nettoyage se poursuit.

28 juin : les troupes commencent à trouver le temps long. Le commandant du secteur, le Lt-colonel Schwartz, visite l'ouvrage et ses dessus. Au bloc 8, une grosse bombe a bouleversé le terre-plein devant l'entrée. Au bloc 7, deux grosses bombes sont tombées devant le bloc et quelques unes plus petites n'ont causé d'autres dégâts que la mise hors service des antennes de T.S.F. (bloc 7 et bloc 8) et la démolition totale par le souffle des baraques qui abritaient, en temps de paix, les équipes de garde.

A l'avant, les dessus de l'ouvrage sont entièrement retournés par les bombes et les obus. Le Schoenenbourg a encaissé environ 160 bombes d'avion dont 54 grosses (500kg et plus), 106 moyennes et petites (100 et 50kg), 50 coups de 420, 33 coups de 280, 3000 coups de 105 et 150.

Tous les blocs, sauf le bloc 2, ont été touchés par des bombes ou des coups de 420. Il y a quelques dégâts, mais la puissance de feu de l'Ouvrage est intacte. Les bombes d'avion ayant labouré profondément les terres rapportées autour des blocs, la pénétration des obus de 420, tirés après les attaques d'avions, s'en est trouvée facilitée.On a pu sonder des cheminées de descente de ces projectiles et on a trouvé des pénétrations de 12 à 13 mètres après lesquelles l'obus a explosé en " camouflet " exerçant une pression considérable aux alentours du point d'éclatement, ce qui explique les fissures dans certains locaux souterrains.

Les 420 ont agi à la fois par " choc " et par explosion.Des ogives et des culots de projectiles retrouvés sur l'ouvrage ont permis de déterminer sans erreur les calibres employés par l'artillerie allemande. La pièce de 420 qui a tiré sur Schoenenbourg était hors de nos vues. Selon des sources allemandes, elle avait été installée à la sortie Sud de Oberotterbach, à un emplacement préparé de longue date et qui avait été occupé par une pièce de 150 en avril. Nous avions tiré une fois en représailles sur cet emplacement situé à un carrefour bien repéré sur les photos aériennes.

De nombreux projectiles non éclatés, en particulier des 105, parsèment le terrain. Une bombe de 500kg est couchée près du bloc 4.Elle n'a pas éclaté, mais elle a perdu son empennage.

29 juin : toujours pas d'instructions pour l'équipage.

30 juin : Arrivée du lieutenant-colonel De Souzy. Celui-ci vient de Montauban, où est replié le Grand Quartier Général de l'armée française. Il a pour mission d'apporter au commandant du secteur fortifié de Haguenau, le Lt-colonel Schwartz, l'ordre de réddition. Cet ordre avait été exigé par les commandants d'ouvrages pour livrer ces derniers, car ils considéraient qu'ils n'avaient pas été vaincus, et qu'ils devraient être acheminés en zone non occupée. 19h00 : l'Etat-Major allemand signale à l'équipage qu'il n'est pas question de transfert en zone non occupée et que toutes les troupes du S.F.H seront internées à Haguenau (puis en Allemagne par la suite).

FAITS PRISONNIERS, SANS AVOIR ETE VAINCUS

1er juillet 1940 : l'équipage quitte l'ouvrage et dépose, au passage, les armes individuelles qui seront collectéEs au carrefour, à l'entrée du village de Schoenenbourg. Ne resteront au fort qu'une soixantaine de personnes, dont les commandants de l'artillerie, de l'infanterie et du génie ; le temps d'initier les vainqueurs au fonctionnement de l'ouvrage. Le capitaine Stroh, secondé par une dizaine d'électro-mécaniciens, quittera les lieux vers la fin du mois d'août, à destination d'un camp de prisonniers.

20 juillet 1940 : une équipe de tourelle de 75 est formée pour des prises de vues de cinéma pour la propagande allemande. Le 25, le bataillon de spécialistes venus de Berlin s'élance bravement à l'attaque au milieu du fracas des pétards et des nuages de fumées des lance-flammes ! La tourelle du bloc 3 tire une trentaine de coups qui vont éclater dans le Grossenwald. Le canon de 47 mm du bloc 1 fait son premier tir, à cette occasion. La manoeuvre de la tourelle est filmée en détails à l'intérieur, ainsi que certaines parties de l'ouvrage. Mais au beau milieu de la séance, un civil passe à bicyclette sur la route contournant l'ouvrage, au grand désespoir des cinéastes. Ce film, qui devait être un document d'instruction, a été inséré dans le grand film "Sieg im Westen" (Victoire à l'Ouest).

Septembre 1940 : Toute activité a cessé à l'ouvrage, seule une petite garnison de soldats allemands y effectue du gardiennage. Mais pendant plusieurs mois encore, le fort sera visité de nombreuses fois par des militaires et des civils de tout rang, ainsi que par des délégations de pays étrangers alliés à l'Allemagne.


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