Les combats de 1940


Avant la guerre

Dès 1935 le gros-oeuvre du Schoenenbourg est terminé, l'armement initialement prévu est en place à l'exception de celui des cloches lance-grenades qui ne sera jamais mis au point, et les éléments d'infanterie occupent les cantonnements de sécurité.

Le groupe d'artillerie est en cours de constitution au camp d'Oberhoffen et ne rejoint ses casernements qu'à la fin de l'année.

En 1936, une première alerte (remilitarisation de la Rhénanie) entraîne l'occupation de l'ouvrage pendant plusieurs semaines. Puis, l'alerte terminée, la vie normale reprend son cours.

Au début de septembre 1936, une convocation des réservistes permet de mettre en oeuvre l'ouvrage pendant une semaine.

En 1937, les nouvelles directives de l'Etat-Major améliorent le fonctionnement des équipages et les pièces de 47 AC sont mises en place pour compléter l'action des jumelages de mitrailleuses.

En 1938, nouvelle crise internationale (affaire des Sudètes) et nouvelles mesures d'occupation de l'ouvrage, rapportées une semaine plus tard. En mars 1 939, l'ouvrage est partiellement occupé, puis encore une fois le calme revient.

Le 24 août 1939, l'occupation du Schoenenbourg est à nouveau ordonnée, mais cette occupation est définitive, car dix jours plus tard l'état de guerre est déclaré.

De septembre 1939 à mai 1940

Les premiers tirs des pièces de 75 ont lieu le 1 0 septembre pour vérifier l'exactitude des pièces. Il s'agit de 20 coups par tourelle. De temps e~ temps des tirs de quelques coups vont être autorisés mais avec une limitation très nette de la consommation. A la fin du mois de janvier 1940, la tourelle de 81 va pouvoir effectuer son premier tir.

En mars 1940, une section de 1 20 L de Bange est affectée au Schoenenbourg et placée sur les dessus des blocs avants. La tourelle de 81 ayant peu d'occasions d'intervenir, son personnel assure le service des pièces de 1 20.

Le 10 mai 1940, les Allemands déclenchent leur offensive vers le Luxembourg, la Belgique et la Hollande.

 

Juin 1940

Le 4 juin, une des pièces de la section de 120 éclate dans le tube par explosion prématurée. La deuxième pièce sera remise en état, mais l'équipage de la tourelle de 81 a perdu 8 blessés dont 3 grièvement. Le 6 juin, le canonnier Derrendinger meurt suite à ses blessures.

Le 8 juin, une nouvelle section de 120 est installée près des entrées et le personnel de la tourelle de 81 aidé par quelques autres canonniers se partage alors entre les 3 pièces de 1 20.

Le 12 juin, les troupes d'intervalle commencent à être retirées pour intervenir plus au sud. Le 13 juin, la pièce restante de la section de 1 20 des avants se déverse et arrête définitivement ses tirs.

Le 15 juin, les Allemands lancent leurs attaques sur les P.A. situés entre Hoffen et Oberroedern. Le Schoenenbourg va alors tirer avec ses 4 pièces de 75. 80 coups pour P.A. 7, 80 coups vers Oberseebach, 80 coups vers Stundwiller: les tourelles possèdent une liste d'attente et font de leur mieux, avec d'excellents résultats.

Vers Midi, l'ouvrage peut même appuyer la contre-attaque qui permettra de reprendre les blocs d'Oberseebach et en même temps il continue les tirs d'arrêt contre les attaquants. La consommation en munitions de la journée a été lourde.

Dans les l'ours qui suivent, les tirs contre les Allemands vont continuer, mais le commandant de l'artillerie d'ouvrage sera obligé de réduire la consommation de chaque tir pour ménager les projectiles qui permettent d'obtenir la portée maximum. Des cartouches de 75 vont être récupérées sur les positions de batterie abandonnées des troupes d'intervalle et sont amenées à l'intérieur de l'ouvrage.

Le 17 juin, l'ouvrage reprend ses tirs à l'est des casemates d'Oberroedern, d'Aschbach et de Hoffen. Les tirs vont se poursuivre les 1 8, 1 9 et 20 juin. En particulier le 20 juin les tirs des blocs 3 et 4 contribuent puissamment à briser l'assaut de la 246' I.D., conjointement à l'extraordinaire résistance des casemates d'Aschbach et d'Oberroedern.

- Rayon d'action des canons de 75R32 du Schoenenbourg

Mais à partir de la soirée du 20 Juin, les Allemands vont mettre en oeuvre les grands moyens pour abattre la résistance de l'ouvrage. Il s'agit d'abord de deux escadrilles de Stukas qui, vers 20 heures, s'acharnent contre les avants. Ils lancent en piqué des bombes présumées (1) de 1 000 kg et quelques bombes plus légères. Les tourelles sont recouvertes de terre mais peuvent être dégagées dans la nuit. Cette attaque avait été préparée par une reconnaissance offensive faite par une patrouille.

(1) Un doute subsiste quand à la capacité des Stukas, en Juin 1 940, de larguer des bombes de 1000 kg. Selon R. Bruge, ces bombes auraient été 1âchées par des avions du type Heinkel 111 .

Le lendemain 21 juin, le tir des tourelles de 75 reprend mais les Stukas reviennent sur l'ouvrage à trois reprises :

- à 9 heures 30, le bloc 6 reçoit une bombe dans le fossé diamant qui cause quelques fissures dans le bloc et des effondrements dans l'escalier. Les multiples fumées dues à l'explosion des bombes entraînent une alerte aux gaz déclenchée par les entrées.

- à 1 1 heures 1 5, le bombardement effectué par 27 Stukas n'a qu'une efficacité réduite.

- à 1 8 heures 30, les bombardiers en piqué reprennent leurs attaques mais sans causer de gros dégâts.

Les avions interviendront encore une fois dans l'après-midi du 22 juin. Au total ils auront lancé de l'ordre de 60 bombes de 500 ou 1 000 kg et une centaine de poids plus réduit sur le périmètre de l'ouvrage. Les bombes lourdes ont creusé des entonnoirs larges de 5 à 20 mètres et profonds de 2 à 7 mètres. En plus des dégâts delà mentionnés au bloc 6, une bombe a faussé un cadre de jumelage du bloc 1, une autre a déchaussé le bloc 4 et une troisième a recouvert le bloc 5 sous un mètre de déblais. Les dégâts ont été presque immédiatement réparés.

Le 21 juin, après les deux premiers raids des bombardiers, leur aviation n'ayant pas eu de résultat tangible, les Allemands mettent en oeuvre leur mortier de 420 millimètres de fabrication SKODA. Cette pièce envoie un projectile antibéton de 1020 kilos jusqu'à 14,2 kilomètres.

Transportée par voie ferrée, elle est implantée à l'est de Wissembourg. L'angle de chute des projectiles est supérieur à 50 degrés.

En outre, ses tirs alternent avec ceux d'un canon de 355 mm construit par Rheinmetall.

Le tir commence vers 16 heures 15 et se poursuit à la cadence d'un coup toutes les 7 minutes. Les personnels de l'ouvrage revoient en pensée le bombardement du fort de Moulainville par une pièce du même genre 24 ans plus tôt. Les effets sont superficiels sur le béton mais les fissures dans la terre se prolongent jusqu'à une vingtaine de mètres de profondeur.

Dans la soirée du 21 , 14 coups tombent sur l'ouvrage. Le 22 juin à 1 6 heures 1 5, le 420 reprend son tir et envoie à nouveau 14 coups. Les tourelles de 75 restent éclipsées pendant les tirs de la grosse Bertha. Mais dès que le tir de l'artillerie lourde allemande cesse, les tourelles reviennent en batterie.

Par ailleurs, des pièces de 88 et de 1 05 guettent étroitement les tourelles de 75 et les prennent à partie dès qu'elles se préparent pour un tir. Un obus de 1 05 frappe le point de jonction entre l'avant-cuirasse et la muraille du bloc 3 et projette dans la tourelle des flammes et des fumées.

Une bavure d'acier de la muraille va empêcher l'éclipse complète et il faudra la rectifier au burin dès la nuit.

Les tourelles du Schoenenbourg qui semblent être devenues les objectifs privilégiés des avions et de l'artillerie des Allemands doivent alors être ménagées.

Le 23 juin, l'ouvrage continue ses tirs mais dès 7 heures 52, le 420 envoie ses 1 4 coups. La tourelle de 75 du bloc 3 reçoit un coup à proximité de l'avant-cuirasse : son M 1 -M2 est fissuré mais le bloc résiste. Vers 1 9 heures 20, la série de 1 4 coups est à nouveau expédiée sur les blocs avants et empêche le tir des tourelles. Les blocs sont ébranlés mais peuvent reprendre leurs tirs dès la fin des arrivées des obus de 420.

La tourelle de 81 commence elle aussi à effectuer ses tirs, mais elle est touchée par un obus et son éclipse ne se fait plus complètement. Une patrouille envoyée sur les dessus en fin de soirée constate que la tourelle de 81 a frôlé la catastrophe: un obus de 420 est tombé à 50 centimètres de la cloche lance-grenades et cette cloche, dont la mise au point n'est pas terminée, est fermée par une simple plaque de blindage de 4 centimètres. Si cette plaque avait été touchée par l'obus d'une tonne, elle n'aurait pas résisté. Il est vraisemblable que le bloc 5 aurait été totalement détruit.

Le 24 juin, l'ouvrage tire encore un certain nombre de coups sur des rassemblements ennemis à limite de portée, mais il reçoit en contre-batterie une violente riposte à base de 1 05 puis de 150. Le 25 juin l'armistice est signé pour prendre effet dans la nuit du 25 au 26 juin. L'équipage du Schoenenbourg tient toujours son ouvrage, tous moyens de feu intacts.

Entre le 14 et le 25 juin, le Schoenenbourg a tiré 12776 coups de 75 et 612 coups de 81, alors que du début de la guerre au 14 juin il n'avait tiré que 3026 coups de 75 et 70 coups de 81.

Le 1er juillet, sur ordre d'une mission militaire venue de France non occupée, les équipages doivent laisser leurs ouvrages aux Allemands et devenir prisonniers sans avoir été capturés.


Le bloc 1



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