Le chantier de l'ouvrage d'artillerie du Schoenenbourg


TEXTES EXTRAITS DU ROMAN "LE BLOC 3"
Roman écrit vers 1940 par M. Eugène LEIBENGUTH.


5 - DESCRIPTION DES CONSTRUCTIONS

Par une autre galerie, l'ingénieur pénètre dans les souterrains où le terrain rencontré est franchement mauvais, sans consistance, à boiser et à maçonner incontinent sous peine de l'ébranler. L'eau très abondante vient de partout, suinte le long des boisages, les revêtant d'un brillant très décoratif. Des étais très épais et rapprochés presque à se toucher, supportent les planches qui retiennent les terres. Malgré les grosses sections employées, on constate facilement l'effort considérable supporté qui à ciel ouvert se trahit par un affaissement du sol.


La grande galerie en chantier :
La galerie principale de communication, l'artère centrale de l'ouvrage futur, s'étend de part et d'autre de son point d'accès sur plusieurs centaines de mètres déjà, le gros œuvre terminé, sauf évidemment les derniers mètres. Il se dirige alors vers le tronçon sud. Là, se fait la jonction avec l'autre secteur de l'ouvrage. Les ouvriers marchent sur une sorte de trottoir boueux et glissant ; la voie Decauville court toujours à son côté ; en face une rainure dans le radier draine les eaux d'infiltration. La galerie est humide ; par endroits de petits stalactites ont poussé sur la voûte ; dans une niche elle réceptionne une source abondante.

Des galeries secondaires se détachent de temps en temps de la principale, celle-ci alors s'élargit et sa voûte se hausse. Les lampes régulièrement espacées sur la voûte engendrent des zones alternantes de lumière crue et de demi ombre ; les bruits des ouvriers des têtes d'attaque s'entendent au loin. Des étaiements obstruent la galerie dont ils maintiennent la fouille. On trouve des rondins énormes enchevêtrés ; à mi-hauteur ils supportent une planche, sur laquelle les maçons montent la voûte en moellons, guidés par les cintres en acier. Plus en avant, une autre équipe bétonne un piédroit. Tout au bout, des mineurs découpent la terre, une marne bleuâtre
et tenace, à l'aide de bêches pneumatiques dont les sifflements et la pétarade achèvent de vous assourdir.


Exemple de discussion :
"Pas de danger ici que ça s'écroule" crie un ingénieur à l'oreille du chef mineur.
"Oui, ça m'a l'air de tenir, pourvu qu'on ne tombe pas à nouveau sur une de ces maudites poches de sable et que les maçons nous suivent de près".
"Etes-vous encore loin des autres ?"
"On approche, Monsieur l'ingénieur, écoutez un peu". Il arrête ses compagnons ; dans le silence établi, on perçoit distinctement des chocs sourds et même des sifflements de bêches.
"Ma foi" reprend le mineur, "vous ne nous avez pas indiqué de mauvaise direction ; à l'ouïe nous sommes bons pour les rencontrer".
"Tant mieux" dit l'ingénieur. "Surtout n'allez pas leur flanquer quelques coups de bêche à l'improviste".
"On fera pour le mieux, Monsieur l'ingénieur" dit l'autre.


La caserne souterraine :
A la deuxième bifurcation l'ingénieur quitte la galerie principale. La nouvelle galerie le conduit dans une partie des souterrains entièrement achevée. D'immenses cellules s'offrent là à ses yeux pareilles à des cryptes, sous la haute voûte desquelles ses pas résonnent étrangement.
L'ingénieur monte l'escalier. Pareil à un écureuil, il tourne dans cette cage de béton, formée par le puits du bloc deux autour du vide central destiné au monte-charge. Les marches se succédaient, égales et sans fin, semble-t-il entrecoupées seulement par des paliers régulièrement espacés. Lentement, il arrive vers le jour en même temps qu'à sa gauche s'approfondit le gouffre dont seule une faible planche, garde-fou, le sépare. Aux trois quarts du chemin il s'arrête pour souffler.


- Suite