ARTE ET LA LIGNE MAGINOT
DROIT DE REPONSE


Le 14 juin 2000 à 20h45, la chaîne  Arte a rediffusé une émission intitulée "La ligne Maginot, une erreur monumentale", réalisée en Allemagne en 1995 par Dagmar Christmann. Proche de la manipulation historique, entachée de contre-vérités et d'erreurs provenant d'une connaissance trop superficielle du sujet, cette émission a amené l'association des Amis de la Ligne Maginot d'Alsace, au nom de ses 110 membres français et de ses 97 membres allemands, à procéder à son analyse et sa critique, et bien entendu à un droit de réponse.

 

UNE FICTION SOCIALE PRESENTEE COMME UN DOCUMENTAIRE

Le réalisateur, monsieur Dagmar Christmann fait une analyse simple : si les Allemands et les Français s'étaient réconciliés après 1918 comme ils l'ont fait après 1945, la seconde guerre mondiale n'aurait pas eu lieu. Ainsi, la conclusion qui découle de l'émission est que les Français, en construisant la ligne Maginot, ont empêché cette réconciliation. La France, par son entêtement a construire des fortifications, en affirmant par conséquent une volonté belliciste, a indirectement favorisé les thèses et l'essor des mouvements fascistes Allemands. "Pendant que la république de Weimar était moribonde, la France construisait le fort de la Ferté..."

 

ANALYSE ET CONSTATS

En son temps, Goebels avait réussi un tour de force en faisant croire aux 80 millions d'Allemands que les 40 millions de Français étaient une menace constante pour eux. Le journalisme d'aujourd'hui serait-il en train de nous faire croire que la France est directement responsable de la seconde guerre mondiale ?

 

REMETTRE LES CHOSES DANS LEUR CONTEXTE : POURQUOI LES SITUATIONS DE 14/18 et de 39/45 N'ONT RIEN DE COMPARABLE

En 1918, les Allemands ont signé un armistice, en 1945 ils signèrent une capitulation.

En 1918, l'armée allemande est vaincue, mais loin d'être écrasée ; en 1945 elle est militairement défaite.

En 1918, l'Allemagne n'est pas envahie, elle n'a pas connu la guerre sur son sol ; en 1945 elle est envahie et occupée.

En 1918, les civils allemands n'ont pas connu la guerre, sinon par les privations ; en 1945 ils ont subi les privations, les bombardements des villes, les combats, les destructions et les viols.

En 1918, le traité de Versailles imposé par les alliés est jugé humiliant et le "revanchisme" est prompt à renaître car l'Allemagne ne se sent pas coupable de sa défaite et de son malheur.

Toute autre est la situation en 1945, alors que toute l'Allemagne connaît l'existence des camps de concentration, les allemands découvrent la plupart du temps avec horreur ce qui s'y passait réellement. Eux qui pensaient être issus d'une civilisation avancée sur le plan culturel, philosophique et artistique, prennent alors conscience qu'ils ont en réalité généré une barbarie sans précédent dans l'histoire de l'humanité.

En 1918, toutes les conditions étaient réunies pour "remettre cela", en 1945 le point de friction s'est déplacé vers l'est.

 

LES FRANCAIS ET LES ALLEMANDS FORTIFIENT ENTRE 1930 ET 1940, MAIS PAS DANS LE MEME BUT

Les Français ont édifié des fortifications, mais la ligne Maginot n'était que l'expression d'une nation traumatisée par la boucherie de 1914/18, profondément attachée à la paix et qui s'est replié sur elle-même. Ce pacifisme a déteint sur l'armée, dont la stratégie de base se voulait être avant toute défensive. Cette politique s'est d'ailleurs soldée par la défaite de mai/juin 1940.

Les Allemands, dans les heures de gloire du national-socialisme ont eux aussi construit des fortifications : le Westwall face à la France et la ligne de l'Oder-Warthe-Bogen face à la Pologne. Mais la volonté impérialiste de leur dictateur a imprégné l'armée allemande d'une stratégie avant tout offensive. Le Westwall et l'Oder-Warthe-Bogen permettaient donc à l'Allemagne de se battre sur deux fronts, tout en assurant ses arrières.

 

ENTRONS DANS LES DETAILS...

Délire : On est surpris d'apprendre que 1200 Allemands sont morts au combat devant les forts du Four à Chaux, Hochwald et Schoenenbourg. 1200 morts, c'est 200 de plus que durant la bataille de la Sarre où les Allemands avaient aligné plus de 1000 canons. Ou est ce que le réalisateur est allé chercher cela ? Nous atteignons ici la pure fiction.

Manque de rigueur documentaire : Les spécialistes de la ligne Maginot surprennent le réalisateur en plein "bidonnage" où il mélange (entre autres) dans la présentation du fort du Hackenberg des images du fort du Four à Chaux, histoire de faire du volume. Le réalisateur situe par ailleurs le Hackenberg en Meurthe-et-Moselle, alors que ce fort est édifié en Moselle.

Images faussement documentaires : Une fois de plus, les fortifications allemandes de la ligne Oder-Warthe construites face à la Pologne sont décrites comme étant des fortifications du Westwall (Ligne Siegfried) construit face à la France. Soixante années après, n'est-on pas encore en mesure de se servir de vraies images documentaires, et non des éternelles prises de vues tronquées de la propagande nazie ? D'ailleurs, qu'eut-il coûté de faire visionner l'émission, avant sa diffusion, par un spécialiste (français ou allemand, peu importe) en la matière ?

Récupération : Des personnes comme l'historien Roger Bruge et Pierre Miquel ainsi que Joseph Mathès (ancien officier du Schoenenbourg) sont interviewés et cautionnent bien involontairement, à coté d'Adolf Hitler, ces théories surprenantes. Bien entendu, ces personnes ont ignoré l'orientation de cette émission.

Germanophilie ? Les téléspectateurs francophones ont sans doute été surpris de constater que les commentaires de M. Joseph Mathès et de Mme Guthertz, de Lembach, sont dits en Allemand, et qu'il a fallu sous-titrer leur récit en français. Les Alsaciens auraient-ils donc une préférence pour la langue allemande au point qu'il faille traduire leurs paroles à l'attention des téléspectateurs francophones ? En réalité, les Alsaciens qui s'expriment le font dans la langue de Goethe, puisque interrogés en allemand par des reporters allemand. Simple question de commodité, mais qui peut créer bien des confusions et des interrogations dans les esprits non avertis.

 

CONCLUSION :

Chacun est libre d'exprimer une opinion. Mais étayer celle-ci par des erreurs manifestes, des interprétations qui relèvent de la fiction ainsi que par la désinformation, relève de la part de monsieur Dagmar Christmann d'une malhonnêteté intellectuelle que nous condamnons formellement.

Jusqu'à présent, en la matière, nous avons surtout connu la désinformation, maintenant nous connaissons aussi le révisionnisme Maginot.


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