De Alésia à la Ligne Maginot


Deux mille ans séparent l'oppidum d'Alésia de la Ligne Maginot et pourtant ils ont de nombreux points communs. Tous les deux sont devenus des mythes majeurs de l'histoire de France.  Alésia est le symbole de notre première "défaite nationale" tandis que la Ligne Maginot est devenue le symbole de toutes les défaites.

La Ligne Maginot est bien méconnue du public. Ce dernier sait que c'est une fortification, quelque part dans les régions de l'Est, qu'elle n'a servi à rien, car après avoir engouffré les deniers des contribuables, elle fut contournée par les Allemands qui, plus malins, passèrent par la Belgique.

Curieusement, la Ligne Maginot fut construite pour verrouiller la frontière commune avec l'Allemagne et pousser l'ennemi potentiel à passer par les ailes, la Suisse ou la Belgique. Les Suisses et les Belges ne se trompèrent pas. Les premiers se lancèrent dans un vaste programme de fortifications, les seconds rompirent leur collaboration militaire avec les Français, pour finir dans une neutralité qui ne leur servit à rien.

Lorsque les Allemands passèrent par la Belgique, ce ne fut pas une surprise stratégique pour le commandement français. C'est exactement ce qu'il attendait d'eux. La surprise fut ailleurs, elle fut tactique. Les Allemands nous imposèrent une forme de combat moderne, où les maîtres mots furent la collaboration entre les chars, l'aviation et surtout les transmissions. La France qui avait une guerre de retard a subi une défaite presque sans précédant dans son histoire.

Lorsqu'on cherche les responsabilités,  on se rend compte que cela n'est pas une chose simple, mais une conjugaison de facteurs. 

On remarque :

La Ligne Maginot ne fut pas responsable de la défaite de 1940, elle fut un instrument au même titre que les chars et l'aviation, un instrument mal utilisé. Elle fut désignée comme bouc émissaire pour cacher les responsabilités des politiques et du haut commandement français. Quand le politique s'en mêle, on n'aura pas fini de réécrire l'histoire...

Deux mille ans séparent Alésia de la Ligne Maginot. La fortification d'Alésia fut elle aussi une défaite sans précédent et un immense traumatisme pour le pays. 

Selon la volonté de Napoléon III (un féru de la guerre des Gaules), l'oppidum d'Alésia sera désigné à Alise-Sainte-Reine en Bourgogne. Le site sera officialisé  par un arrêté impérial en date du 17 juillet 1858 . 

L'histoire officielle nous apprend qu'en 52 avant Jésus-Christ, César, battu sous les murs de Gergovie, fait retraite vers le Nord. Ses légions, fatiguées par les combats sont désorganisées par la perte de nombreux officiers. La cavalerie gauloise se jette sur l'armée romaine en retraite, mais les légionnaires se ressaisissent et la charge triomphale se transforme en débâcle. Brisée, la cavalerie gauloise doit battre en retraite, talonnée par les romains. Les gaulois en déroute s'enferment dans Alésia, l'oppidum des Mandubiens. César vient mettre le siège et entoure l'oppidum d'un ensemble fortifié.

Alésia n'ést alors pas préparée pour abriter autant d'hommes pour un siège. Les vivres viennent rapidement à manquer. Vercingétorix commence par renvoyer les cavaliers, puis jette dehors les "bouches inutiles". Coincée entre Alésia et les retranchements romains, l'ancienne population d'Alésia va mourir de faim. Au bout de 6 semaines et l'échec de l'armée de secours, Vercingétorix doit se rendre à César.

Le touriste averti qui visite l'oppidum d'Alise se pose rapidement une question simple: comment Vercingétorix a-t-il pu choisir de s'enfermer dans Alésia, ce petit oppidum ? Ce dernier n'était pas acculé par les troupes de César au point de devoir se réfugier sur une colline, voulait-il faire une brillante démonstration de son courage en renouvelant l'exploit de Gergovie ?

On ne peut être qu'étonné que le chef Gaulois ait pu se laisser assiéger, avec 80.000 hommes et une importante population civile, sur un mamelon d'une aussi petite étendue et de valeur militaire insignifiante.

En effet l'oppidum n'a qu'une surface de 97 hectares (140 avec les contreforts). Vercingétorix s'y est réfugié avec 80000 hommes ainsi, qu'au début du moins, avec sa cavalerie, armes et bagages.  Avec un peu de mauvaise foi un peut argumenter que les barbares Gaulois étaient habitués à vivre dans des conditions précaires, mais là on atteint la concentration des moutons dans un enclos. 

De même le touriste se rend compte que la nature défend très mal l'oppidum. Or César savait que le temps se retournait contre lui et que bientôt toute la Gaule allait arriver pour participer à un combat au finish. Plutôt que d'attendre pour ne pas avoir à lutter sur deux fronts contre un ennemi supérieur en nombre, pourquoi n'a t-il pas donné l'assaut ? Les Romains ont attaqué des oppidums mieux défendus, Bourges (Avaricum) par exemple.

Enfin, l'armée de secours, forte de plus de 280000 hommes, pouvait se déployer sur un large front et attaquer en plusieurs endroits en même temps. A l'aide des assiégés elle aurait ainsi pu ouvrir cinq à six fronts tout en étant partout en surnombre. Pourquoi cela n'a t-il pas été fait ?

Soit les Gaulois et leur chef étaient des barbares ignares et incultes, soit l'Alésia politique (Alise-Sainte-Reine) n'est pas le vrai site historique.  

Certains chercheurs situent Alésia à l'oppidum de Chaux-des-Crotenay, près de Champagnole dans le Jura. Le touriste qui visite cet oppidum a tout de suite une autre vision des choses. La forteresse est immense; un triangle de 3km de côté qui peut contenir 100000 hommes sans problèmes. Elle est inaccessible presque sur tous les côtés, un assaut est pratiquement impossible. Enfin et surtout il y a des traces très importantes de circonvallation et contrevallation.

Cet oppidum est un verrou incontournable. Mais s'il est impossible de l'attaquer il est presque aussi impossible d'en sortir en force car il est enserré par des collines facilement défendables elles aussi. Une armée de secours n'a pas de place pour se déployer.

Là tout change, car dans cette hypothèse c'est Vercingétorix qui a fixé les légions romaines qui battaient en retraite en se réfugiant dans une forteresse inexpugnable et  en les obligeant à en faire le siège. Ceci en attendant que la Gaule entière vienne participer au combat final contre l'envahisseur.

Dans cette hypothèse ce n'est pas César qui a vaincu Vercingétorix mais la désunion et surtout l'impréparation qui régnait dans l'armée de secours commandée par son cousin Vercassivélonos. La même désunion et impréparation qui à sévi en France entre les année 1920-40.

Que des thèses s'affrontent, que l'on conteste la localisation de lieux anciens est normal. Ce qui ne l'est pas c'est que la République Française ne se donne pas les moyens de sa politique culturelle, ou du moins ne les emploie pas toujours à bon escient. Il n'est pas normal que les choix retenus, soient d'abord des choix politiques alors qu'ils devraient être archéologiques et scientifiques.

Une démarche archéologique cohérente aurait comme but de clarifier définitivement le problème et peut être à la clé d'avoir une autre vision, certainement plus juste de notre histoire. Cela voudrait dire la recherche des facteurs suivants :

Au niveau de la Ligne Maginot la situation est la même. Les ouvrages ouverts au public sont maintenus par des associations de bénévoles face à une indifférence totale de l'Etat, sauf l'administration fiscale qui pour remercier le bénévolat  ponctionne tous les ans son du.

Les autres ouvrages de la Ligne Maginot sont laissés à l'abandon, aux mains des pillards, des collectionneurs, des vandales et autres ferrailleurs. Lorsque les associations demandent officiellement d'y prélever des pièces détachées ou des pièces à valeur historique, la lenteur, l'inertie de l'administration et une réglementation tatillonne  freinent systématiquement l'aboutissement de la demande.

Une démarche cohérente voudrait dire la mise en oeuvre des moyens suivants :

Entre Alésia et Ligne Maginot cela reste décidemment le même combat.



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