Témoignage de Lucien SAHUC 


Lucien SAHUC - P.C. Artillerie du Schoenenbourg. (1997)


Incorporé en septembre 1938, au 155ème Régiment d'Artillerie, à Drachenbronn, et ayant fait de la préparation militaire, j'ai suivi le peloton et, à la déclaration de guerre, j'étais affecté au P.C. d'artillerie du Schoenenbourg. Quelques semaines plus tard, je fus nommé maréchal des logis. J'étais calculateur au S . R. A.

Au début, nous avions le régime des 3 x 8h.

Très vite, nous avons constaté que la vie au casernement même et, surtout pour y dormir, était détestable avec trop de monde dans les chambrées. Nous en avons parlé avec le Commandant de l'artillerie d'ouvrage, le Capitaine Cortasse et nous avons adopté le régime proche du 2 x 12h., les deux équipes de repos se partageant, en alternance, les couchettes du couloir près du P.C. Tout le monde était ainsi sur place, sans déménagement. 

Ceux qui voulaient sortir à l'extérieur prendre l'air se rendaient aux arrières lorsqu'ils n'étaient pas de service. Le repos se passait le plus souvent en lecture, petits travaux divers et visite aux camarades se trouvant dans les blocs. Le foyer du casernement était peu fréquenté par les gens du P. C.A.

L'ambiance était excellente, gradés et sans grades confondus. Le Capitaine Cortasse, qui commandait l'artillerie, état un homme plein de bon sens, calme, souriant et très compétent. Avec lui, la discipline se faisait toute seule. Il était artilleur de montagne, avait fait une partie de sa carrière en Afrique du Nord et le béton l'ennuyait. 

Un jour qu'il était étant parti en permission, un maréchal des logis chef de réserve, alsacien et architecte de profession, nous proposa de faire une surprise au Capitaine en nous demandant d'aménager sa chambre, située a côté du P.C., pour la rendre plus gaie et agréable. Aussitôt accepté et avec la complicité du Capitaine Stroh, commandant le génie, qui nous fournit peinture et contre-plaqué, ce fut une réussite. 

Disparu le béton gris sous la peinture bleue et le contre-plaqué verni avec quelques décors de mer et palmiers ! Notre architecte avait du talent. A son retour, notre Capitaine n'en revenait pas. Cette gentillesse de ses subordonnés l'avait énormément touché. Je vous rapporte cette anecdote qui est caractéristique de l'ambiance du P. C. A.

Tous les matins, il y avait exercice pendant une heure ou deux. Mise en alerte des tourelles et des observatoires. Désignation d'objectifs par ces derniers et mise en fonctionnement de tout le P.C.A. et des blocs comme si l'objectif était réel. Seul le départ des coups n'était pas exécuté. 

Ces entrainements se faisaient même parfois en liaison avec l'ouvrage du Hochwald pour une manœuvre de soutien mutuel ou une concentration de feu sur un objectif important. Ces manœuvres ont conservé l’entraînement du personnel pendant la "drôle de guerre" et se sont révélées d'une grande efficacité à partir du 10 mai. Bien entendu, des tirs réels ont aussi été exécutés avant cette date, en particulier de nuit sur des patrouilles venant tâter nos premières lignes.

Pour les repas, je n’ai pas souvenance d’avoir eu un local spécial affecté à cet usage pour le personnel sous-officiers et hommes de troupe. Seuls, les officiers avaient un local spécial à côté du P.C.A. Chacun devait manger à la gamelle, au poste qu'il occupait à ce moment-là.

Je ne me souviens pas avoir vu le Commandant Reynier au P.C.A. Il y avait assez peu de relations entre infanterie et artillerie, autres que celles des officiers. Je ne connais pas la qualité de ces relations mais je n'ai pas eu connaissance de problèmes entre eux. Le Commandant Reynier était un vieux baroudeur de la guerre 14-18 ; sorti du rang, il était sous-officier de cavalerie en 1914 et capitaine en 1918. 

Si ce n’avait été son âge par rapport à nous, nous aurions pu le prendre au gré de nos rencontres, dans les galeries, pour un quelconque 2ème classe dont il portait le plus souvent la tenue excepté les leggings remplaçant les bandes molletières et de discrets galons sur les manches. Il était très près de ses hommes, buvant facilement un verre à la cantine avec eux en discutant familièrement

L'organisation même de l'ouvrage ne facilitait guère les contacts entre artillerie et infanterie. Les blocs étaient séparés et distants les uns des autres. Les P.C. plus proches mais séparés également. Les activités n’étaient pas les mêmes non plus. En effet, l'artillerie était beaucoup plus active que l'infanterie, celle-ci n'était amenée qu'à traiter des objectifs assez proches, en général quelques centaines de mètres au plus. Alors que l'artillerie traitait des objectifs à plusieurs km. C'est du moins ce qui s'est passé a Schoenenbourg, l'ouvrage n'ayant jamais été attaqué directement par l'infanterie ennemie.



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