CHAPITRE IV


LES PETITS CUIRASSEMENTS, LA DEFENSE DES INTERVALLES ET DES ABORDS DANS
LE NOUVEAU SYSTEME,

1ère Partie : La défense des intervalles

A) La tourelle à deux canons de 57 m/m (1893)

1) Les projets de petite tourelle

Jusqu’à présent, l’Armée Française s’est surtout intéressée à des gros cuirassements pour abriter des pièces de gros calibre. Le seul engin de petite taille évalué par les militaires étant la coupole tournante, installée par la suite en batterie extérieure, près du fort de Lucey. Mais cette coupole protège un canon de gros calibre. En Allemagne et en Belgique, on utilise des petites tourelles éclipsables pour un canon de 5,7cm. Cette tourelle équipée d’un mécanisme très simple est peu onéreuse. Les forts de la Meuse, à Liège et à Namur, possèdent chacun trois ou quatre de ces tourelles. Elles sont chargées de la défense des abords du fort. Les Allemands vont en utiliser beaucoup dans leurs Festen. Il faut dire que ces engins sont d’origine allemande, fabriqués par le Grüsonwerk de Magdebourg. Lors de la construction de ses nouveaux forts, la Belgique en a commandé 63.

En France, il existe de nombreux projets pour petite tourelle équipée de canons à tir rapide. Toutes les industries en ont au moins un dans leurs cartons d’études. On peut citer, à titre d’exemple, le projet de Schneider, pour une tourelle éclipsable d’un modèle particulier, prévue pour abriter un petit canon de 53 m/m. Tout de suite après les expériences de Châlons, les Services du Génie étudient la possibilité d’employer ce type de cuirassements, pour abriter des canons des petit calibre, chargés de protéger les abords des fortifications.

Les deux sociétés qui ont construit la tourelle Bussière, Fives-Lille et Châtillon-Commentry, présentent le 11 avril 1893, un projet de tourelle éclipsable pour abriter deux canons de 57 m/m. Les canons sont des canons à tir rapide ou semi-automatique Maxim-Nordenfelt. La tourelle est inspirée du système du Capitaine Galopin et de celui des tourelles allemandes pour canon de 5,7 cm. C’est le Lieutenant-Colonel Bussière qui a conçu ce cuirassement. Le corps de tourelle est imprégné d’un mouvement vertical, avec un balancier et un contrepoids pour faciliter la manœuvre. Le principe est celui d’une tourelle éclipsable. La tourelle se met en batterie, fait feu, puis retourne en position d’éclipse. Elle peut aussi rester en position batterie en cas de feu nourri, c’est à dire qu’elle doit tirer plusieurs salves. Ce système de tourelle, très efficace et plus résistant que la petite tourelle allemande, est immédiatement adopté. Cette tourelle, tout en étant un cuirassement de petite taille, est armée de deux canons, ce qui est un atout non négligeable.

 

2) De la défense des abords aux intervalles

Or, en 1895, lorsque les tourelles sont prêtes à être installées, on ne sait pas encore quel rôle exact leur donner. La Commission de Révision de l’Instruction du 9 mai 1874 leur donne le même rôle que les tourelles belges et allemandes : la défense des abords immédiats d’un fort ou d’une ligne de défense. Elles peuvent tenir ce rôle de façon très efficace.

Les deux premières tourelles sont installées au fort de Manonviller, ce puissant fort isolé, dont on a déjà parlé, implanté à l’est de Lunéville, le long de la route Nancy-Strasbourg. Conformément à l’avis de la Commission des Expériences de Châlons, tout l’armement de ce fort isolé est placé sous des cuirassements. Les deux tourelles sont installées de part et d’autre de l’avant du fort, chacune défendant un secteur. Ces petites tourelles ne nécessitent pas de grands aménagements, c’est pourquoi elles sont faciles à installer dans un fort déjà construit, où une simple modification de petits locaux suffit pour permettre leur implantation.

Plus intéressant, est le sort réservé aux deux autres tourelles. Elles sont construites dans des forts au nord-est de Toul. La première est installée à l’ouvrage de Bouvron. Cet ouvrage est une ancienne batterie à ciel ouvert. Les locaux servant de caserne, sur l’avant de l’ouvrage, sont modernisés. A la place des canons à l’air libre, sur l’avant de l’ouvrage, on construit un petit ensemble pour accueillir la tourelle. Pour passer de la caserne à la tourelle, on traverse une cour. La deuxième tourelle est installée à l’Ouvrage Est du Vieux-Canton. A l’origine, cet ouvrage est un simple abri de secteur, pour protéger les servants d’une ou de deux batteries. Sur l’avant de l’abri, on construit la tourelle. Elle est reliée à l’abri, qui devient son casernement et sa soute à munitions, par un petit couloir. Ces deux installations, très simples à réaliser et peu onéreuses, sont les premières de ce type. On commence à installer des cuirassements, certes de petite taille, en dehors des grands forts. Le secteur nord-est de Toul n’a aucun grand fort. Il s’agissait, avant 1885, d’une zone défendue par des petites batteries isolées, avec canon à l’air libre. Ces deux tourelles ont pour mission de protéger les abords immédiats de ce secteur, de servir de " témoins d’alerte " face à une attaque ennemie. En effet, l’essentiel des défenses de Toul se trouve à l’ouest, au sud et au sud-est de la ville.

 

3) Un matériel insuffisant

L’Instruction du 4 février 1899, met en place la Commission des Places Fortes, ou Commission de 1899. Elle crée le principe de la ligne principale de défense, où les forts doivent jouer le rôle de réduits de défense. Les ouvrages intermédiaires, c’est à dire placés entre chaque fort, sont chargés d’assurer le flanquement de cette ligne principale, rôle également donné en partie aux forts. Ces ouvrages doivent être capables de repousser une attaque de vive force, c’est à dire une attaque où l’ennemi aurait déployé la quasi-totalité de ses moyens. Il faut que les organes de défense rapprochée, c’est à dire les mitrailleuses et les canons à tir rapide, résistent à des bombardements. Ces lignes principales de défense seront les enceintes des grandes places de l’Est déjà citées, Verdun, Toul, Epinal et Belfort. Quelques travaux de renforcement sont faits à Lille, d’autres à Maubeuge.

Les forts et les ouvrages des places de l’Est vont changer d’aspect. Les locaux en maçonnerie sont renforcés par du béton. Les soutes à munitions sont placées à plusieurs mètres sous terre avec des renforts de béton armé. En effet, les Français vont employer du béton armé, c’est à dire avec une armature métallique noyée dans le béton, en grande quantité, pour le renforcement des forts et des ouvrages. A Liège et à Namur, les Belges ont utilisé, pour leurs forts, du béton non armé. La ligne principale de défense, en plus des forts et des ouvrages intermédiaires, comporte des tranchées, des magasins de secteur pour les munitions, des abris bétonnés. C’est donc une vaste organisation, avec un grand développement des intervalles. Le béton armé, qui sert au renforcement de cette fortification, doit être capable de supporter des coups d’obus de 220 et de 270 m/m, les plus calibres employés en France à cette époque.

Les forts et les ouvrages deviennent d’immenses abris pour les troupes et les munitions. On a vu dans le chapitre précédent comment les pièces de gros calibre y sont protégées. Pour ce qui est des pièces de 57 m/m, leur protection est efficace, mais les canons sont dépassés. En effet, les deux tourelles de Toul sont installées dans un secteur qu’il faut entièrement réaménager. Le canon de 57 est une bonne pièce pour la défense des abords, mais pour la défense des intervalles, qui devient impérative avec le nombre croissant d’installations qui y sont faites, cette pièce est insuffisante. Le but est alors de remplacer ces canons par des pièces plus performantes, mieux adaptées à la nouvelle fortification, tout en conservant la même tourelle qui donne entière satisfaction.

 

B) La tourelle à deux canons de 75 m/m (1901)

1) Le nouvel allié : le canon de 75 m/m

Or, depuis 1897, un nouveau canon est entré en service au sein de l’Armée Française : le canon de 75 m/m modèle 1897. Ce canon, qui a une portée de 8,5 kilomètres, remplace les canons de 90 m/m. C’est une arme redoutable, qui peut tirer un grand nombre de munitions différentes. Cette arme nouvelle est un allié de poids face aux nombreux canons allemands. La Commission des Places Fortes décide de déployer une grande partie de ces canons dans des batteries d’intervalle des grandes places de l’Est. Puis, on décide de les installer dans les forts et les ouvrages intermédiaires, pour faire du flanquement.

Ce nouveau canon pourrait ainsi reprendre le rôle tenu par le canon de 57 m/m. Des études sont mises en œuvre pour créer une nouvelle pièce, qui prend pour base de départ le canon de 75 modèle 1897, pièce qui doit pouvoir être installée dans la tourelle éclipsable de 1893 à la place des canons de 57. Les archives du Service des Cuirassements ne contiennent que peu de choses sur les études faites sur le nouveau canon. On sait juste que le raccourcissement de la pièce a été obtenu en 1901, car des cotes sont délivrées par la Section Technique de l’Artillerie pour permettre un réaménagement de la tourelle. Les expériences ont, sans aucun doute, été menées à Bourges.

Le nouveau canon garde les propriétés balistiques du canon de campagne. Il porte officiellement le nom de canon de 75 m/m modèle 1905. Comme le canon de 155R, modèle 1907, pour les tourelles Galopin, il s’agit d’une pièce inséparable de la tourelle. Ce canon ne peut donc servir que dans une fortification. Les munitions sont analogues à celles utilisées par le canon de campagne, ce qui permet une uniformisation des productions et des stockages dans les places de l’Est.

 

2) Nouveau canon et nouvelle tourelle

La tourelle est légèrement modifiée. L’épaisseur des pièces constituant la charpente interne est augmentée. Les engrenages du système d’éclipse sont également renforcés. La tourelle a un aspect plus massif. Les dimensions de la calotte sont les mêmes que celles de la tourelle de 57. Dans l’ensemble, c’est presque le même cuirassement avec une nouvelle chambre de tir et un nouvel armement.

Les substructions avec les magasins de réserve de pièces détachées et les petites casiers à munitions de la tourelle de 57 sont assez complexes, avec une galerie annulaire de circulation qui entoure tout l’étage inférieur de la tourelle. On simplifie les substructions pour la nouvelle tourelle de façon à ce qu’on puisse l’implanter n’importe où, à peu de frais, que ce soit dans un fort existant, ou sur un terrain vierge de toute construction. Le prix de cette tourelle est de 200.000 francs.

Le 22 avril 1901, le Ministère de la Guerre conclut un marché avec les Usines de Châtillon-Commentry pour la livraison de sept tourelles. C’est le premier marché concernant le nouveau cuirassement. Les plans de présentation sont livrés en septembre 1901. La tourelle est officiellement adoptée en 1905 par le Département de la Guerre. Parallèlement, la Section Technique du Génie décide de transformer les deux tourelles de Toul, à Bouvron et à l’Ouvrage Est du Vieux-Canton, en remplaçant les tubes de 57 par des tubes de 75. Le marché est passé le 30 mars 1909, entre le chef de la Section Technique du Génie, le Lieutenant-Colonel Mourral et les Usines de Fives-Lille. Les deux tourelles de Manonviller ne sont pas concernées car elles n’ont aucune mission de flanquement.

 

3) Une débauche de cuirassements

Cet engin remarquable va être construit à plus de cinquante exemplaires, installés presque tous sur les quatre grandes places de l’Est. Tous les constructeurs sont sollicités, à commencer par Châtillon-Commentry qui produit les premières tourelles de série. Fives-Lille, Schneider, Saint-Chamond vont recevoir la suite des commandes. Parmi les entreprises nouvelles dans ces constructions, on a les usines Delaunay-Belleville, de Saint-Denis au nord de Paris, la Société des Constructions de Batignolles, et les Chantiers de la Loire. Ces entreprises devront construire des engins complets. D’autres vont être sollicitées pour la construction d’éléments isolés, comme des avant-cuirasses. Ces dernières sont les Forges de Firminy, la Compagnie de Claudinon et les Entreprises Marrel Frères.

Les quatre places de l’Est, Verdun, Toul, Epinal et Belfort, reçoivent la plus grande partie de ces tourelles. Verdun reçoit quatorze tourelles, installées dans les forts et les ouvrages intermédiaires. Sur le rideau défensif Verdun-Toul, seul le fort de Liouville en reçoit une. La place de Toul est équipée de dix-huit engins, auquel on peut ajouter la tourelle installée au fort de Frouard. Epinal n’en reçoit que quatre et Belfort dix. En tout, quarante-huit tourelles sont donc installées sur les places de l’Est. Maubeuge est également concerné par la modernisation, mais les travaux débutent plus tard. Deux tourelles sont mises en service. On peut rajouter deux tourelles mises en service sur l’Ile d’Ouessant, une à l’ouvrage de Petite Scynthe près de Dunkerque, et une au fort du Cap Saint-Jacques en Cochinchine. En tout, cinquante-quatre tourelles.

Cette liste ne serait pas complète, sans les tourelles en construction en juillet 1914. Une tourelle est destinée à être mise en batterie extérieure au fort de Douaumont et une autre est pleine construction au fort de Bois-Bourrus, ce seront les deux seuls engins destinés à Verdun. Cinq tourelles sont destinées à Toul, trois à Epinal et cinq à Belfort. Une tourelle est destinée au fort du Fagné à Maubeuge. Quinze tourelles sont donc en chantier au début des hostilités. Ce cuirassement fait donc l’objet d’une large distribution, grâce à un pris peu élevé et une grande facilité d’implantation. La tourelle va souvent être secondée par un autre type d’organe, la casemate de Bourges, qui doit l’aider à remplir le rôle qui lui a été assigné, c’est à dire la défense des intervalles. La nouvelle fortification va prendre une tournure particulière avec la mise en service de ces tourelles. On arrive à une couverture de l’ensemble d’une place forte avec moins de vingt tourelles, comme c’est le cas pour.

 

C) Une " défense offensive "

1) L’action frontale

Une partie des tourelles reçoit pour mission la défense des abords de la ligne principale de défense. C’est à dire qu’en plus du flanquement, la tourelle doit diriger ses tirs vers l’avant des défenses. Ce rôle est souvent donné à une tourelle d’un fort qui en comporte deux, laissant la deuxième battre un des intervalles, de préférence le plus facile à forcer en cas d’attaque ennemie. Cette mission est également donnée à des tourelles un peu isolées, c’est à dire placées entre deux forts, voire entre deux ouvrages.

C’est par exemple le cas de l’ouvrage de La Laufée à Verdun. A l’origine, c’est un abri de secteur pour une batterie d’artillerie à l’air libre. Les locaux de l’abri sont renforcés par du béton armé, on creuse des magasins à munitions sous 3 ou 4 mètres de terre. Une tourelle de 75 est placée sur l’avant de l’abri. Cette transformation est faite en 1904. Ainsi, un abri s’est transformé en petit ouvrage, qui peut comporter 80 places couchées.

Pour une somme minime, on vient de renforcer le secteur nord-est de la place de Verdun. En fait, dans toutes les places fortes concernées par la modernisation des fortifications, on va voir surgir ces petits ouvrages, entièrement bétonnés, avec la totalité de leur armement sous cuirassement. Ils vont servir à renforcer la puissance de feu d’un secteur où on modernise aussi les forts les plus anciens. Ces tourelles d’action frontale peuvent interdire l’approche de la ligne principale de résistance jusqu’à 8,5 km, limite de portée des canons de 75 de tourelle.

 

2) La défense des intervalles : tourelles et casemates de Bourges

L’avantage d’une tourelle est de pouvoir tirer dans toutes les directions. De nombreuses tourelles d’action frontale remplissent aussi la mission de flanquer un intervalle. Mais au contraire, des tourelles sont destinées à assurer le flanquement, pouvant renforcer les tirs d’action frontale en cas de nécessité. On arrive à différencier les deux types de tourelles suivant la position qu’elles occupent sur un fort modernisé. La tourelle d’action frontale est placée en capitale, c’est à dire sur l’avant du fort. La tourelle de flanquement est placée sur un des côtés du fort. Elle peut aussi tirer à revers.

Parallèlement à cette tourelle, le Génie implante dans les forts un autre type de construction : la casemate de Bourges. Il s’agit d’une casemate abritant deux pièces destinées à battre les intervalles. Ces casemates sont placées sur l’arrière du massif d’un fort. Il arrive aussi qu’on les construise sur un terrain vide de toute fortification. Les deux premières casemates ont été construites au fort d’Haudainville à Verdun et étaient équipées à l’origine de canons de 95 m/m. Leur conception a été réalisée sur le polygone d’essai de Bourges, d’où le nom de casemate de Bourge. Elles tirent dans des directions précises et au sein d’un angle restreint. Elles ont donc un champ de tir moins étendu que la tourelle, mais coûtent moins cher et sont plus faciles à construire.

Avec la mise en service du canon de 75 m/m modèle 1897, la Section Technique de l’Artillerie propose de placer des canons de ce modèle dans les casemates à construire. On élabore deux modèles de casemates, une pouvant tirer vers la gauche, l’autre vers la droite. La mise en place du canon dans la casemate ne pose aucun problème. C’est exactement la même pièce que le canon de campagne, seul l’affût est légèrement modifié. Ce n’est donc pas une pièce propre à la fortification. L’artillerie de campagne peut récupérer ces canons pour s’en servir, ce qui n’est pas le cas pour les canons des tourelles.

Ces casemates sont installées dans les forts à partir de 1905. Il arrive qu’elles remplacent une tourelle de 75 pour le flanquement d’un intervalle. Il faut dire que la casemate ne coûte que 90.000 francs, au lieu de 200.000 pour la tourelle. Cette casemate, qui ne comporte aucune partie métallique, sauf l’armature d’acier dans le béton armé, n’est pas un vrai cuirassement. Elle a pourtant suivi le développement des tourelles de flanquement, et sa mise en œuvre a été dirigée par la Section Technique du Génie et le Service des Cuirassements. Les archives concernant son évolution sont d’ailleurs classées dans le fonds d’archives du Service des Cuirassements à Vincennes.

 

3) Vers des batteries isolées

Vers 1914, une nouvelle conception apparaît, celle de la tourelle de 75 en batterie extérieure, placée en dehors de l’enceinte du fort. Une seule tourelle est implantée ainsi, la tourelle du fort de Roppe à Belfort. Une deuxième est en construction en juillet 1914 à côté du fort de Douaumont à Verdun. Dans le cas de Roppe, la tourelle a été placée en contrebas du fort, de façon à pouvoir contrôler la route Mulhouse-Belfort. Un abri pour fantassins a été rajouté à cette structure. Parmi les autres tourelles en construction, près de la moitié sont censées être installées en batterie extérieure.

Ainsi, suivant l’évolution d’un cuirassement, de la tourelle de 57 à la tourelle de 75, on est passé d’une mission à une autre. Les tourelles de 57 étaient destinées au départ à défendre les abords immédiats d’un fort. L’apparition du canon de 75 et la possibilité offerte par les Service du Génie pour l’installer dans les tourelles à la place du 57 a changé le but de ces engins. De la défense des abords on est passé à celle des intervalles, mission principale des tourelles de 75. Dans certains cas, une tourelle a été remplacée par une casemate de Bourges, tirant sur un secteur restreint, mais avec tout autant d’efficacité. Puis, devant les possibilités offertes par les canons de ces tourelles, le Service Technique du Génie et celui de l’Artillerie ont décidé d’utiliser quelques tourelles pour l’action frontale, le duel d’artillerie avec les pièces ennemies et de déployer quelques-uns de ces engins en batterie extérieure.

La mission première de la tourelle de 57, transformée en tourelle de 75, était la surveillance et la défense des abords des fortifications. Cette mission est donnée à de nouveaux cuirassements pour armes très légères. Un autre point n’a pas été abordé, celui de l’observation. Les observatoires sont développés en même temps que la tourelle de 75 et celle de 155. Enfin, tout sera dit en évoquant la nouvelle fortification dispersée, qui va de pair avec la modernisation des forts et qui entraîné la mise au point de très petits cuirassements pour la protection des fantassins.

 

II ème Partie : La défense rapprochée et la surveillance des abords

A) Les tourelles mitrailleuses

1) La défense rapprochée

La défense lointaine et le duel d’artillerie sont assurés par les canons de 155 sous tourelles ou sous coupoles. En cas de besoin, les canons de 75, sous tourelle ou sous casemate, peuvent venir les renforcer. Les canons de 75, en service dans la fortification, sont avant tout destinés à défendre les intervalles entre les forts. Ils peuvent aussi participer à la défense des abords des forts ou des ouvrages. On se rapproche donc de plus en plus de la fortification. Au cas où l’infanterie ennemie réussit à s’approcher du fort, il faut pouvoir repousser sont assaut dans les meilleures conditions possibles.

C’est la mission donnée à un cuirassement protégeant des armes d’infanterie. Dans son " Fort de l’Avenir ", Mougin envisageait la mise en place de petits cuirassements de ce type, chargés de repousser un assaut ennemi. Mais il reste le problème de l’arme. En 1893, à part un fusil à répétition, le Lebel de 1886, on ne dispose pas en France d’une arme d’infanterie puissante. Les Allemands disposent également d’un fusil à répétition depuis 1884, le Mauser. La défense rapprochée est donc assurée pour l’instant par des tirailleurs postés sur les parapets d’infanterie des forts. Ils prennent leur position lorsque le bombardement ennemi cesse. Mais pour la nouvelle fortification, c’est insuffisant. Il existe déjà quelques mitrailleuses rudimentaires, armes à tir rapide, mais rien de très satisfaisant. De plus, ces armes sont lourdes et difficiles à mettre en œuvre.

La Section Technique du Génie décide la mise à l’étude d’un petit cuirassement équipée d’une mitrailleuse. Un avant-projet est présenté le 21 juillet 1893. La tourelle reçoit pour armement une mitrailleuse à sept canons Gatling. Le Ministre de la Guerre approuve le projet et décide la mise en commande de l’étude à la Compagnie de Châtillon-Commentry, le 16 août 1893. Les bureaux d’étude de la Compagnie présentent leur projet définitif le 24 novembre 1893. Le 15 décembre suivant, un marché est conclu pour la construction d’une première tourelle. Le 6 décembre 1894, le Ministère de la Guerre met en place la Commission chargée d’évaluer le nouvel engin.

 

2) Du prototype de Puteaux aux tourelles de série

La première tourelle est présentée à la Commission d’évaluation le 18 décembre 1893. Il s’agit d’un cuirassement très simple, imprégné d’un mouvement vertical de mise en batterie et en éclipse. La manœuvre est facilitée par la présence de trois contrepoids latéraux. Lorsque la tourelle est en position d’éclipse, la mitrailleuse est reculée au fond de la chambre de tir. Une fois la tourelle en batterie, la mitrailleuse est poussée en avant pour être mise en œuvre. La mitrailleuse à sept canons est un modèle Gatling, qui a été légèrement modifié par l’Atelier de Puteaux. Le 29 janvier 1895, la Commission remet un rapport favorable à la poursuite des études de cette tourelle. Après de nouvelles expériences, on décide de porter le blindage de la toiture à 120 m/m de fer laminé. La muraille verticale est moins bien traitée, puisqu’elle n’a que 15 m/m d’épaisseur. La tourelle doit être capable de supporter un bombardement, uniquement en position d’éclipse. Après le bombardement, elle doit se mettre en batterie pour repousser l’assaut de l’infanterie.

La mitrailleuse Gatling n’est guère satisfaisante. Elle n’est pas capable de tirer pendant un long moment. La Commission d’évaluation décide de la renvoyer à Puteaux. A la suite des expérimentations, le Ministère de la Guerre décide de mettre en chantier un grand nombre de tourelles mitrailleuses. La première tourelle, le prototype de Puteaux, nommée ainsi à cause de la présence de la mitrailleuse Gatling, va être installée au fort de Manonviller. Si l’appareil semble satisfaisant, il y a toujours le problème de l’armement. Le Ministère de la Guerre décide d’attendre qu’une bonne arme automatique, une mitrailleuse plus performante, soit mise au point pour équiper les nouvelles tourelles. La tourelle n°1, installée à Manonviller, est officiellement nommée " tourelle Mitrailleuse type GF3 ", toutes les autres sont du type GF4. Pendant que sont construites les premières tourelles, Hotchkiss présente sa mitrailleuse modèle 1900. Le Ministère de la Guerre décide de l’adopter uniquement pour les tourelles mitrailleuses. Seule la tourelle n°1 sera équipée de la Gatling. Chaque tourelle va recevoir deux mitrailleuses.

Le premier marché pour la construction des tourelles GF4, est passé le 21 juin 1899 avec les Usines de Châtillon-Commentry. En tout, 89 tourelles vont être construites de 1899 à 1914. Les Usines sollicitées sont : Châtillon-Commentry, Schneider, Fives-Lille et la Société des Batignolles. Elles sont installées en priorité dans les grandes places de l’Est comme les autres cuirassements. Un petit nombre doit encore être installé au moment où la guerre éclate. Le prix de cette tourelle est de 65.000 francs, dont 30.000 pour les substructions et 35.000 pour le cuirassement.

 

3) Un cuirassement fragile

Cette tourelle est donc destinée à la défense rapprochée. Elle bénéficie pour cela d’un champ de tir énorme, car elle peut effectuer une rotation complète si elle est en position dominante. Mais elle est très fragile. Si le toit, qui est la seule partie apparente à l’extérieur lorsque la tourelle est en position d’éclipse, peut supporter un bombardement d’obus de canons de 220 m/m, la muraille par contre est très fragile. Si on a économisé sur cette dernière, c’est uniquement parce que la tourelle ne doit entrer en action qu’au moment où les bombardements ont cessé. En plus de l’embrasure pour les mitrailleuses, des petites fentes sont percées dans la muraille pour permettre au servant d’observer directement le terrain.

Mais par mesure de précaution, on ne va pas installer ces cuirassements sur des points dominants. Chaque tourelle va être placée à l’angle d’épaule d’un fort. Cela réduit son champ d’action, mais permet de la placer à environ 85 centimètres en contrebas de la crête de feu. De cette façon, même en batterie, elle est difficilement repérable, ne se profilant jamais sur le ciel. La muraille, qui va voir son épaisseur passer de 15 à 20 m/m, est incapable de résister à des tirs d’obus, mais seulement à des balles ou des éclats d’obus. Même si la mission donnée à cette tourelle doit lui éviter les bombardements de l’ennemi, le cuirassement vertical reste le point faible de cet engin.

On va équiper ces tourelles d’un système de pointage automatique. Une bande métallique, reproduisant les formes du terrain à battre, est fixée dans la chambre de tir. Un bras articulé parcourt cette bande et pointe la mitrailleuse dans les directions appropriées, pendant que la tourelle effectue sa rotation. Ce système permet à la tourelle de tirer la nuit sur le glacis, c’est à dire la partie de terrain en avant du fort. Des essais de tirs sont effectués à Toul, en septembre 1909, et à Belfort, en août 1912. Au cours de ces essais, les servants sont pris de malaise, devenant rapidement incapables de continuer leur service. La Section Technique du Génie procède alors à l’installation de petits ventilateurs à bras qu’il faut actionner pendant le tir. C’est le premier cuirassement qui pose de tels problèmes au moment de sa mise en service, sans doute à cause de sa petite taille. Cette tourelle a une apparence fragile et sa muraille est très vulnérable. Si elle est capable de tirer la nuit, un autre cuirassement va essayer de résoudre le problème de la surveillance nocturne des abords.

 

B) Le projecteur éclipsable

1) Les origines

Cette idée n’est peut être pas d’origine française. Elle émanerait de Belgique. Tous les nouveaux forts de la Meuse, construits à Liège et à Namur, reçoivent chacun un projecteur éclipsable. Ce projecteur est chargé d’éclairer les abords du fort jusqu’à une distance de près d’un kilomètre. Ce cuirassement spécial a été construit par les Ateliers de la Meuse sans l’aide d’une société étrangère. Au moment où ce projecteur était conçu, les Usines Schneider présentaient à leur tour un projet analogue. Ces deux projets ont été conçus en même temps. On ne sait donc pas si un des deux bureaux d’études a été informé des travaux de l’autre.

En 1889, le Commandant Bussière a construit un observatoire cuirassé éclipsable, équipé d’un petit projecteur. Mais ce système, peu fiable à cause de nombreuses pertes d’éclairage, n’a pas été retenu. Le seul exemplaire construit a été installé au fort Saint-Michel à Toul, non loin de la coupole Mougin des expériences de Châlons. Cette idée de projecteur éclipsable ne semble pas intéresser les militaires français. Au moment de sa constitution, la Commission des Places Fortes va lancer de nouvelles études sur la question. La Section Technique du Génie se met alors au travail en prenant comme base de départ la tourelle mitrailleuse.

Les travaux aboutissent en 1903 à la présentation d’un projet de tourelle éclipsable, abritant un gros projecteur équipé d’une lentille de 90 centimètres de diamètre. La portée de l’éclairage n’est pas précisée. Le 6 mai 1903, la Décision Ministérielle n°1654 approuve le projet et décide la construction de ce type d’engin. Le 24 mai 1903, la notice provisoire est présentée. Les deux premières tourelles sont commandées en 1908.

 

2) L’appareil

Il reprend l’allure de la tourelle mitrailleuse, mais avec un système différent de mise en batterie et en éclipse. La calotte est en fer laminé, c’est la même que celle de la tourelle mitrailleuse. La muraille est beaucoup plus haute que celle de la tourelle mitrailleuse. Un énorme orifice y est percé, orifice qui peut être obturé par deux volets métalliques. L’avant-cuirasse est en acier moulé comme sur la tourelle GF4 et le dispositif d’étanchéité est le même.

L’étage inférieur sert de local de remisage du projecteur. L’appareil, placé dans le panier d’un monte-charge spécial en forme d’étrier coulissant verticalement dans deux rails, se trouve ainsi à l’abri des vibrations d’un bombardement. L’étage intermédiaire regroupe la totalité des commandes. Pour monter le projecteur dans la tourelle, cette dernière doit être en position de batterie. La tourelle peut effectuer une rotation complète.

Cet engin remarquable coûte légèrement plus cher qu’une tourelle mitrailleuse. Mais il souffre de la même fragilité que cette dernière à cause de sa muraille qui n’est pas très épaisse. Cela est justifié par le fait que cet appareil doit intervenir au même moment que les tourelles mitrailleuses, c’est à dire après la fin du bombardement ennemi et le début d’un assaut d’infanterie. Il y aurait une bonne explication au fait qu’on ne veuille pas l’utiliser dans un autre contexte. En effet, si ce projecteur peut réussir à débusquer d’éventuels fantassins ennemis aux abords du fort, il peut révéler l’emplacement de ce dernier aux canons adverses. Le départ d’un gros faisceau lumineux n’est pas très difficile à localiser.

 

3) Une idée à l’avenir " obscur "

C’est peut-être cette dernière raison qui a poussé les militaires à ne commander que cinq projecteurs éclipsables. Il existe pourtant dans les dossiers conservés aux Archives du Génie un projet de tourelle éclipsable pour un projecteur équipé d’une lentille d’un mètre de diamètre. Cet engin beaucoup plus puissant devait être installé vers 1915 au fort du Barbonnet, fort de montagne situé au nord-est de Nice. Il n’a jamais été construit.

Les cinq tourelles construites vont équiper quatre forts d’arrêt. Deux d’entre elles sont installées à Manonviller, qui fait l’objet d’une véritable débauche de cuirassements. Les deux suivantes vont se retrouver sur les hauteurs ouest de Nancy, elles aussi largement équipées en autres cuirassements. Une est installée au fort de Frouard, la seconde au fort de Pont-Saint-Vincent. La dernière tourelle va être placée au fort d’Arches, au sud-est d’Epinal, fort dont on a déjà parlé. Ces forts isolés sont tout indiqués pour recevoir ce type d’engin pour dénicher d’éventuels éclaireurs ennemis.

Si seulement cinq tourelles ont été construites, c’est peut-être parce qu’on n’envisageait pas à l’époque de moderniser d’autres forts isolés. En effet, l’emploi d’un projecteur dans le cadre d’un fort appartenant à une place ne se justifie guère. Ces places sont largement équipées en fantassins pour surveiller les abords de la ligne principale de défense. Ce n’est pas le cas du fort d’arrêt, isolé et ne pouvant compter que sur lui-même en cas d’attaque, jusqu’à une action amie pour le dégager. De plus, dans une place forte, on peut aussi faire usage de projecteurs mobiles. Cela explique sans doute le petit nombre d’exemplaires construits, ainsi que les travaux sur un exemplaire plus puissant destiné au fort du Barbonnet. L’idée a également été poursuivie dans un secteur moins connu, celui de la casemate à projecteur. Il existe deux casemates de ce type, munies de volets blindés pour protéger l’emplacement du projecteur. Une casemate est installée au fort de Frouard, la deuxième à la batterie de Vulmis près de Bourg-Saint-Maurice. Elles sont toutes les deux désignées sur les plans comme étant des casemates à projecteur, mais aucune archive sur cette question n’a été retrouvée.

 

C) Les éléments d’observation et d’infanterie

1) Les observatoires cuirassés

La possibilité d’observer les abords d’une fortification est un élément essentiel à la survie de cette dernière. Ce point particulier n’a pas encore été abordé. Les anciens cuirassements étaient secondés par des observateurs placés à l’extérieur du fort, observateurs qui dirigeaient les tirs de la tourelle et ceux des pièces à l’air libre. La Commission de Révision de l’Instruction du 9 mai 1874, puis la Commission des Places Fortes, vont demander la mise au point de cuirassements pour protéger les guetteurs, les observateurs, ainsi que leur matériel. Le Commandant Mougin, dans son " fort de l’avenir ", proposait un observatoire éclipsable, idée reprise par Bussière, puis abandonnée.

Le 9 mai 1892, la Section Technique du Génie a présenté un modèle d’observatoire cuirassé, adopté le 29 octobre 1892. A partir de l’année suivante, on commence à les installer dans certains forts pour expérimenter leur fonctionnement. Les premiers sont installés au fort de Pont-Saint-Vincent et au fort de Frouard. Puis à partir de 1900, on les installe dans tous les forts concernés par la modernisation. Cette cloche d’observation, nommée ainsi à cause de sa forme, est noyée dans le béton au-dessus d’un puits. On y accède grâce à une échelle scellée dans le mur. Cet observatoire cuirassé doit être en mesure de supporter les bombardements de canons de 220 m/m comme les tourelles d’artillerie.

Ces observatoires remplissent différentes missions. Ils doivent d’abord diriger les tirs des tourelles d’artillerie et des tourelles mitrailleuses. A chaque tourelle, on voit adjoindre un observatoire. Ces observatoires sont placés en contrebas des tourelles, pour ne pas gêner leur tir, et donc ont leur vision réduite au champ de tir des tourelles. Ensuite, ils peuvent servir à une observation de l’ensemble du panorama autour du fort. Pour cette mission ils sont placés sur un point dominant, c’est ce qu’on appelle les observatoires de commandement. L’observation se fait à l’aide d’une paire de jumelles à travers des fentes percées dans la cloche. Le réglage du tir des tourelles est toujours effectué par un sous-officier. Près de 170 observatoires vont être installés dans les forts modernisés. Le prix de cette cloche est de 7.000 francs, dont 6.000 pour le cuirassement.

 

2) Les guérites blindées

A côté des gros observatoires cuirassés, la Section Technique du Génie a cherché à réaliser un modèle plus petit, plus facile à installer et moins cher. Son rôle serait la surveillance des abords du fossé depuis le rempart du fort. Ce petit observatoire doit être capable de résister à des balles et à des éclats d’obus. Le 15 juin 1905, la Section Technique du Génie présente son petit observatoire, nommé guérite-observatoire, pour le différencier de l’observatoire cuirassé.

Cette guérite en acier coulé possède trois créneaux de visée. L’observateur est assis sur une planchette reliée au cuirassement au moyen de deux chaînes. Il n’a guère que la tête de protégée par le cuirassement. C’est donc une cloche d’observation réduite, où il est d’ailleurs impossible d’utiliser des jumelles, ayant la particularité d’être très facile à installer. Il existe en tout trois installations possibles.

D’abord, installée le long d’un parapet en béton, sur le massif du fort. On entre dans la guérite par une porte en tôle aménagée à l’arrière. Ensuite, on peut l’installer en position dominante sur le massif. A ce moment, elle est reliée à une communication profondément enterrée. La dernière possibilité est de la placer au-dessus d’un abri de rempart. C’est dans ce local que s’abritent les fantassins pendant un bombardement. Ce cuirassement va être construit à un grand nombre d’exemplaires. C’est pourtant un organe fragile, dont on n’est pas sûr qu’il puisse survivre à un bombardement de pièces lourdes. Son coût peu élevé a encouragé les militaires à l’employer un peu partout pour protéger un minimum les observateurs, placés auparavant à l’air libre.

 

3) Les boucliers d’infanterie

C’est un domaine particulier dans le monde des cuirassements. En effet, ces derniers ne sont pas tous des gros engins compliqués abritant des pièces de gros calibre. Tout au long de ce chapitre on a put se rendre compte qu’il y a eu à partir des années 1893, toute une série de petits cuirassements. Pour compléter cette étude, on peut maintenant voir de plus près la protection donnée à des fantassins dans des tranchées. Ces plaques et boucliers d’infanterie ont tous été développés par la Section Technique du Génie et leurs dossiers sont conservés dans le fonds des archives du Service des Cuirassements.

Il y a d’abord les boucliers mobiles. La premier est un petit bouclier individuel portable, qui peut être rapidement planté sur le sol. Deux arcs-boutants sont chargés de le maintenir en position verticale. Il doit aider des fantassins à progresser sous le feu de l’ennemi. Dans cette optique, la Section Technique du Génie a mis au point un bouclier roulant, plus compliqué à utiliser car il oblige le fantassin à ramper. En revanche, il donne une meilleure protection à son utilisateur. Ces deux engins ont été présentés et adoptés le 20 mars 1907 et construits à quelques exemplaires.

Ensuite, il y a les boucliers de tranchées. En 1906, la Commission des Places Fortes propose de construire des tranchées aménagées à côté de certains forts. Ces tranchées doivent être bétonnées, et la partie supérieure protégée par des plaques métalliques. Le 26 avril 1907, la Section Technique présente le modèle d’une plaque blindée, destinée à compléter ces tranchées. Cette plaque est adoptée et un certain nombre de tranchées de ce type sont construites. Mais devant le coût très élevé de ces installations, la Section Technique du Génie propose un bouclier individuel destiné à être placé au sommet des tranchées, et un deuxième qui peut être emporté par un fantassin partant à l’assaut. Présentés le 11 mars 1912, l’armée commande 2.000 de ces boucliers de tranchée, dits " type d’Epinal modifié ", et 4.000 boucliers offensifs. Lorsque la guerre éclate, un grand nombre de projets sont encore à l’étude. La Section Technique du Génie va pouvoir maintenant juger l’efficacité réelle de ses réalisations.



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