1er mai 1985 - Découverte d'une partie
du tube de 120mm de Bange


Le premier mai est comme tous les ans jour d'ouverture de l'ouvrage. Vers la fin de l'après-midi, le hasard voulut que nous entrions en contact avec les aviateurs de la station de radio-guidage qui stationne par intermittence sur le dessus des blocs de combat.

L'adjudant Rouge affirma avoir déterré un bout de canon qui gênait la manoeuvre de ses véhicules. Immédiatement une hypothèse se fit jour dans le petit groupe d'actifs qui se rendit sur place. Se pourrait-il que ce soit un bout du 120mm de Bange ? Après tant d'années, on s'en serait sûrement aperçu, et puis, le terrain ayant été remis en état après guerre on aurait forcément dû le voir !

Arrivés sur les lieux nous découvrîmes un bout de tube d'environ 80 cm de longueur et de 35 cm de diamètre. Un premier coup d'oeil révéla que c'était bien là un morceau de pièce d'artillerie, plus précisément la partie de l'arme dévolue au chargement, par ailleurs facilement reconnaissable au pas de vis de verrouillage de la culasse.

L'extrémité manquante du tube avait été visiblement sectionnée par arrachement, malgré l'impressionnante épaisseur de l'enveloppe métallique.

Près du pivot de la culasse, des inscriptions très bien conservées nous enlevèrent les derniers doutes. Il s'agissait bien d'un élément de canon de 120 mm de Bange, modèle 1878, et sans nul doute possible d'une des deux pièces ayant été en usage sur les extérieurs des blocs de combat du Schoenenbourg.

Incroyable mais vrai, après 45 années, trouver une pareille relique était inimaginable. Nous en étions ébahis.

La première émotion passée il fallut chercher du renfort car l'engin devait peser au moins 200 kg. Pas question de laisser traîner là une pièce aussi historique. L'objet fut promptement chargé dans la camionnette d'Ernest et mis en sécurité dans l'ouvrage.

Pour mémoire, le corps d'armée affecta le 20 mars 1940 deux pièces de 120 L à l'ouvrage de Schoenenbourg. Celles-ci furent mises en batterie à proximité du bloc 6. Bien camouflées, elles furent desservies par le personnel du bloc 5 dont la faible portée des mortiers de 81 mm condamnait provisoirement les servants à l'inactivité.

Les deux pièces dont la portée était supérieure aux 75 des tourelles tirèrent dès que les allemands commencèrent à bouger, aux environs du 15 mai.

Le 4 juin à 15h c'est le drame. Un des deux canons qui effectuait un tir sur Schleithal explose. C'est un éclatement prématuré de l'obus qui coupe le tube en deux, à hauteur des tourillons.

Les éclats fauchent les servants de la pièce ... voisine blessant grièvement les canonniers DERRENDINGER, WEISREINER et MATT; plus légèrement les artilleurs ESCHENLAUER, VONAU, STENGER, FRANCK et PAYEN. Trop atteint, Derrendinger mourra le 6 juin 1940.

La pièce intacte tirera encore jusqu'à la mi-juin, où les servants reprennent leur fonction à B 5.

Les terribles bombardements de stukas et d'artillerie lourde transformeront les dessus de l'ouvrage en paysage lunaire. Une des photos d'archives prise juste après l'armistice montre les débris d'un des canons de 120 émergeant au milieu du paysage chaotique.

Sans doute les trous furent-ils comblés après la guerre, il semble alors qu'on enterra tout bonnement ce qui n'était alors plus qu'une ferraille.

Le vestige qui nous est revenu pourrait bien être celui qui tua Derrendinger. Une pièce chargée d'histoire pour les uns, de souvenirs pour les autres.






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