La tragédie de la Ferté


La tragédie de la Ferté :

Le 10 mai 1940 les Allemands attaquent. Leurs divisions blindées, après avoir traversé le Luxembourg et les Ardennes, enfoncent le front des Français à Sedan. Tandis que les divisions blindées foncent vers la mer, les divisions d'infanterie qui suivent dans leur sillage assurent le flanquement. Devant la faible réactivité des Français, elles passent elles aussi à l'offensive et affichent de plus en plus de mordant.

Le 16 mai 1940 elles sont au contact du secteur fortifié de Montmédy.

16 mai 1940 à 19 h : Prise de la côte 226.

Nuit du 16 au 17 mai 1940 : Duel d'artillerie entre les Français et les Allemands.

17 mai 1940 vers 8 h : VILLY est soumis à un violent tir d'artillerie qui incendie en partie le village.

Les marsouins du lieutenant LAURENT résistent vaillamment à 1 contre 3 aux assauts du 3/IR 191 qui après avoir atteint les ruines de VILLY se fait  refouler.

17 mai 1940 vers 9 h : La tourelle à éclipse est bloquée en batterie, ses armes pointaient vers le Sud (elle fut employée à des fins d'observations pendant le bombardement, ce qui était interdit).

17 mai 1940 vers 19h30  : Les casemates de 75 Ouest d'abord et Est ensuite sont évacuées,  car leurs équipages redoutent l'encerclement.

17 mai 1940 vers  22h30 : Le bataillon HASS prend la côte 311 après de rudes combats contre les coloniaux du 23e RIC, mais il subira toute la nuit des tirs de 75 français.

En soirée, La FERTE subit un bombardement intensif de "Mörser" de 210 mm et d'obus de 150 mm (environ 30 coups toutes les minutes).

Le 3/IR 191 est relevé par le 2/IR 211 du Hauptmann CORDUAN.

18 mai 1940 : L'attaque de VILLY reprend, et le bataillon CORDUAN prend le village et met fin à la résistance française vers 16h30. Il fera environ 130 prisonniers.

18 mai 1940 vers 17h15 : Le Stosstrupp de l'Unteroffizier Walter PAPE atteint la casemate de 75 Ouest abandonnée la veille par son équipage. Cependant, il assure avoir capturé là 15 coloniaux.

(La casemate TYCKOZINSKI va être aménagée en dépôt de munitions, central téléphonique et poste de 1er secours).

L'attaque de La FERTE est décidée pour le soir même.

18 mai 1940, de 17h30 à 18h10 : Toutes les batteries de l'AR 171 de l'Oberst MARTINEK concentreront leurs tirs sur la crête de l'ouvrage de La FERTE.

L'artillerie qui pilonna La FERTE est composée de :

Soit un total de 259 tubes.

La cloche d'armes mixtes est déchaussée par les tirs de "Mörser".

Sous ce martèlement, les guetteurs de cloche se réfugient à l'étage inférieur des blocs.

18 mai 1940 à 18h10 : Les tirs se déplacent sur les positions françaises de la rive droite de la CHIERS, mais il s'agit surtout d'obus fumigènes destinés à aveugler les observateurs français.

Puis la FLAK déclenche un tir à vue qui durera 10 minutes. Ce tir a pour but d'ouvrir de profondes écornures dans les cloches afin d'y placer des charges explosives par la suite.

La tourelle est touchée par 5 projectiles.

La cloche GFM du bloc 2, dont le créneau est orienté vers FROMY, est la cible préférée des artilleurs allemands.

18 mai 1940 à 18h15 : C'est la cloche GFM du bloc 2 qui est atteinte de plein fouet dans les créneaux. Le sergent Roger CONRAUX est décapité, le soldat Paul GOMEZ est tué sur le coup et le soldat Joseph KOESTERS a une épaule arrachée et meurt quelques instants plus tard.

A peine le dernier projectile a-t-il ricoché sur la tourelle que l'Oberleutenant GERMER lance ses hommes à l'assaut.

Ils progressent de trou d'obus en trou d'obus et atteignent les dessus de l'ouvrage et là commencent leur travail de destruction. Une charge explosive est fixée sur la cloche GFM déjà durement éprouvée. Une lueur fulgurante accompagne l'explosion.

Une charge de 40 KG est fixée sur la tourelle d'armes mixtes paralysée. Celle-ci est soulevée par le souffle et retombe en travers de son berceau. Puis une nouvelle charge de 6 KG cette fois y est fixée afin d'agrandir l'ouverture créée par la première explosion. Les Pionniers jettent à l'intérieur de la tourelle des grenades, des pots fumigènes et des pains explosifs de 3 KG.

Un canon de 25 et son jumelage sont arrachés de leur affût et celui-ci est projeté au pied de l'échelle.

Les Pionniers détruisent encore à l'explosif le périscope de la cloche observatoire dont le plancher s'effondre sous l'effet du souffle (le maréchal des logis FERRIER qui se trouvait dans la cloche a une épaule luxée).

L'équipage du bloc, surpris par les explosions et la fumée qui se répand à l'étage supérieur du bloc, commence à paniquer. Les hommes cherchent à tâtons à gagner l'étage inférieur. Le sous-lieutenant THOUEMENT a été projeté à l'étage du dessous par le souffle des explosions.

Lors de la descente dans les galeries, personne n'a songé à (ou n'a put ?) fermer les portes étanches isolant le bloc.

Le lieutenant BOURGUIGNON envoie 5 hommes et le sergent BORE réoccuper la caponnière d'entrée (personne ne les reverra vivants).

18 mai 1940 à 18 h45 : Une contre-attaque française, chars-infanterie avec le 1er/119e RI, le 3e/119e RI et une partie des chars du 41e BCC est effectuée. La contre-attaque a pour objectif la côte 311 et le chemin de terre de MALANDRY à La FERTE-SUR-CHIERS.

Les premiers chars étaient sur l'objectif vers 19h30 et l'infanterie y arrivera vers 19h45.

Mais la contre-attaque n'a pas atteint tous ses objectifs. La côte 311 qui fut reconquise par le 3e/119e RI va être abandonnée, car les troupes françaises subissent une véritable hémorragie.

Durant la nuit du 18 au 19 mai 1940, un bombardement ennemi va ravager la côte 311 et à l'aube du 19 mai, un seul officier est encore valide : le capitaine PRIGENT.

Le 3e/119e RI se replie  vers le bois de LIGANT.

La côte 311 sera battue par l'artillerie française afin de la rendre aussi intenable aux Allemands qu'elle ne l'a été pour les Français. 2 500 coups de 75 mm et de 155 mm s'abattent sur la côte 311 en dix minutes !

18 mai 1940 à 22h10 : La crête de La FERTE s'illumine sous un nouveau bombardement ennemi.

18 mai 1940 à 23h :  Après le bombardement qui s'étend sur la vallée de la CHIERS, les hommes de la 2e compagnie du 171e Pionnier Bataillon gravissent la pente nord de la crête en direction du bloc 1.

Ils arrivent à la première cloche où ils poussent une charge dans l'embrasure, les résultats de l'explosion furent excellents et, pour profiter de l'effet de surprise, les Pionniers se hâtent de passer aux autres cloches.

En moins d'un quart d'heure, 5 volets d'embrasure sont défoncés et 3 cloches sur 4 sont réduites au silence.

Les Pionniers enfournent par les créneaux des grenades, des pots fumigènes et des pétards explosifs, dont certains pèsent 18 KG. A l'intérieur du bloc 1, les explosions provoquent d'énormes dégâts.

L'intérieur de la cloche d'armes mixtes est bouleversé, la plate-forme s'écrase au fond du puits avec le trumelage, alors qu'un début d'incendie noircit les parois. Dans la cloche n° 3, la plate-forme de tir s'est effondrée et tout l'équipement intérieur s'est abattu au fond du puits.

18 mai 1940 vers 1h30 : L'équipage du bloc 1 a eu la même réaction que celui du bloc 2 et, emportant ses blessés, il s'est réfugié dans la galerie sans fermer (sans pouvoir fermer ?) les portes étanches.

Désormais, tout l'équipage de La FERTE est tassé dans la galerie avec le masque à gaz, car l'air vicié pénètre de plus en plus dans les dessous.

Un courant d'air traverse tout l'ouvrage en entraînant avec lui l'air vicié dans les dessous de l'ouvrage.

19 mai 1940 vers 3h30 : Le lieutenant BOURGUIGNON téléphone au général FALVY de la 3e DIC pour lui rendre compte de la situation. Il suggère également d'abandonner l'ouvrage dont la majorité des armes sont détruites. FALVY lui répond qu'il faut résister sur place.

Le lieutenant BOURGUIGNON téléphone également au PC du 155e RIF et rend compte au lieutenant-colonel HENRY "que les hommes commencent à suffoquer sous le masque".

Une demi-heure plus tard, la situation s'est aggravée et, dans la galerie, de nombreux soldats allongés à même le sol se sont endormis à jamais sous le masque,  (le médecin-lieutenant Hervé FONTAINE fut l'un des premiers hommes à périr).

Dimanche le 19 mai 1940 vers 5h40 du matin : La voix à peine audible de l'adjudant SAILLY se fait entendre au central téléphonique de l'ouvrage de CHESNOIS.

Ce fut le dernier message envoyé par 0.201 (indicatif téléphonique de La FERTE).

A l'aube du 19 mai 1940 : Les Pionniers de la compagnie de l'Oberleutenant GERMER pénètrent dans le bloc 2 mais renoncent à continuer vers les dessous car à l'intérieur du bloc règne une épaisse fumée.

Les Pionniers feront également sauter la grille et la porte du bloc 1 dans la nuit du 20 au 21 mai 1940.

Une patrouille française pénétra dans le bloc 1 où elle découvrira derrière la porte sas, incurvée sous l'effet de souffle d'une charge explosive, 2 cadavres portant le masque et recouverts d'une poussière noire comme de la suie…

2 juin 1940 : Les Allemands équipés de masques pénétreront dans le bloc 2 et gagneront les dessous. Dans la galerie, les Allemands découvriront un spectacle insoutenable : de nombreux cadavres entassés les uns sur les autres portant le masque et recouverts de suie. Ils seront obligés de marcher sur les corps entassés pour avancer car, à certains endroits, ces corps forment une masse de près d'un mètre de hauteur.

Les Allemands atteindront enfin le bloc 1 après avoir trouvé des documents divers et des cartes renseignées dans le PC. Avant de ressortir par le bloc 2, les Allemands répandront du chlorure de chaux sur les cadavres en état de décomposition avancée.

8 juin 1940 : Une unité disciplinaire allemande, composée de 11 sous-officiers et 34 soldats, sera chargée de sortir les corps de l'équipage de La FERTE afin de rendre le Panzerwerk 505 défendable.

Dans la nuit du 8 au 9 juin 1940 : Les Allemands creuseront une fosse commune de 53 m de long, 2 m de large et 1,50 m de profondeur.

L'évacuation des corps commencera dans la nuit du 9 au 10 juin 1940. Les cadavres seront transportés du bloc 1 vers le bloc 2 où les 6 premiers corps seront sortis le soir du 9 juin1940.

La nuit suivante, 16 autres cadavres seront remontés et le reste, une soixantaine, le 11 juin 1940.

La désinfection de la galerie commencera le 12 juin1940 au soir.

En juillet 1941 : Une équipe de civils français procédera à l'exhumation de l'équipage de La FERTE enterré dans la fosse commune. 87 corps seront retrouvés dont 14 ne pourront être identifiés, 80 dans la fosse commune, 6 dans une fosse près du bloc 2 et 1 dans le fossé diamant du bloc 2.

9 juillet 1993 : On retrouvera les restes de 9 corps puis 7 le lendemain. 12 furent identifiés dont le médecin-lieutenant Hervé FONTAINE et le lieutenant Maurice BOURGUIGNON.


Document Guillaume Keuer

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