Eau, humidité et hygiène


L’eau :

Le puits profond de la caserne avait un débit insuffisant. La belle eau de surface recueillie aux blocs 5 et 6 faisait l’appoint. Elle était passible de pollution par les effets des combats. Aussi un puits a-t-il été foré au printemps 1940. Ce puits n’a jamais été équipé. C’est donc l’eau de la nappe phréatique qui était l’essentiel de nos ressources. Les bombardements ne semblent pas l’avoir polluée ; nous l’avons consommée sans avoir le temps de l’analyser. Nous n’avons manqué d’eau, ni pour l’usine, ni pour la vie. Il est vrai que notre génération était économe. Je sais encore me raser au blaireau avec un quart d’eau.


L'humidité :

La CORF n’avait rien prévu dans le gros œuvre des galeries, construit en béton ou en grès des Vosges amené du Hochwald. Ce gros œuvre n’était pas étanche.

Infiltrations : Le fort de Schoenenbourg est établi dans une marne bleue contenant partout de l’eau en petite quantité. Aux blocs d’avant, le sol est plus divers, il y a même des sables boulants. Les venues d’eau peuvent être :

- Locales avec un débit visible à l’intrados puisque l’eau n’est collectée ni à l’extrados, ni dans l’épaisseur du mur.

- Diffuses, si le suintement se fait par les porosités.

Je ne sais si l’eau chemine dans les parois ou dans le terrain ; on peut penser à des veines profondes d’eau sous pression canalisées dans la marne et alimentant cette nappe qui noie les sables fins dans lesquels baignent les blocs 5 et 6. A leur propos, voici une digression : en 1938 j’avais versé de la fluorescéine que m’avait procuré une pharmacien dans le petit bassin de captage près du bloc 6; le temps de monter l’escalier et de sortir par l’issue de secours, puis de passer les barbelés par une chicane qui existait alors et d’aller dans le vallon à coté de bloc 2,  j'ai mis un bon quart d’heure pour me rendre à la source qui existe sans doute encore. 

Encore un quart d’heure, soit une demi-heure au total, j’ai vu apparaître la belle coloration verte Pernod du produit. Autrement dit, le fond du bloc 6 est lavé depuis plus de cinquante ans, et il a dû en partir quelques mètres cubes de ce sable fin impalpable, sur lequel repose le bloc avec ses 2000 m3 environ, soit 4000 tonnes, en direction du Schemperbach. Avec les mauvaises manières que lui ont fait subir les Stukas, nous pouvons respecter les constructeurs.

Pour les étanchements d’intrados de galeries, la grosse maison SIKA était en activité au Hochwald ; pour qu’elle ne se sente pas en monopole,  nous avons étendu l’appel d’offres et finalement, c’est Thierrée qui s’est placé ; ce monsieur avait une bonne technique et de bons produits, mais il n’a pas voulu s’implanter fortement et c’est l’entreprise Jung qui l’a aidé ; Albert Jung était capable de lever des équipes de paysans-maçons plus ou moins au chômage.

On peut capter les venues localisées en creusant des drains au marteau-piqueur dans la maçonnerie, ces drains ont 8 à 10 cm de large et autant de profondeur. On les couvre d’un grillage ou d’un métal déployé. En étalant ensuite sur la paroi un enduit compact de ciment, on empêche l’eau de sortir par les porosités et elle se canalise par les drains dans la cunette du sol de la galerie.

Ce procédé est fastidieux, sale, bruyant et indispose les usagers, fantassins et artilleurs. Quand on a ainsi asséché cent mètres de galerie, il arrive qu’un peu d’eau aille apparaître plus loin, dans une partie qui était sèche. Il faut alors continuer à étancher la paroi.

J’ai dépensé en 1938-39, un crédit de 600.000 francs , c’est-à-dire, outre les matériaux, une équipe d’une douzaine d’hommes en moyenne (le manœuvre était payé 5,05 F/Heure, charges sociales 25%) pendant douze mois, sans pouvoir échapper aux reproches et au courroux du Commandant Rodolphe ; au jeu de cache-cache de l’humidité, elle gagnait à tous les coups.

Condensations : L’humidité, atmosphérique cette fois, se condense dans les fonds en été, sur les plafonds des chambres de tir en hiver. La CORF avait posé des radiateurs de 500 et 1000 Watts qui chassaient ailleurs l’humidité des chambres et des P.C. Certains ouvrages des Alpes ont également été chauffés par la chaleur des gaz d’échappement des Diesels. Dans d’autres ouvrages, comme le Hochwald, une climatisation par la chaleur a été installée.

Toute cette humidité n’est pas toxique si on se met de la laine autour du cou. Je n’ai pas entendu parler de maladie ou d’affection causée par elle. D’ailleurs la situation sanitaire était satisfaisante.


Les fosses Asepta :

La technique consistait à :

- Séparer autant que possible l’urine des matières fécales,

- Traiter à la soude caustique les matières en agitant après usage, etc.…

 Le chef de bataillon REYNIER n’avait pas confiance dans ce procédé d’ingénieur. Il désigna dès le début quatre hommes pour la corvée de quartier. Avec des seaux et des balais, ils nettoyaient assidûment et joyeusement les galeries, ils extrayaient les corps étrangers des fosses d’aisance avant de les laver chaque jour à l’eau.

Cette solution tactique du problème ayant donné satisfaction, j’ai écrasé au fond de ma conscience les réserves techniques que j’aurais dû élever en tant que représentant local du Génie.



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