Au sujet des généraux


Un brillant général connaît sur le bout du doigt ce qu'il a appris, de vingt à trente-cinq ans, quinze à trente années avant de commander une armée; il ignore les techniques postérieures. Mon propre père (Ingénieur général du Génie maritime, mort en déportation) m'a appris dès mon enfance un dicton : "L'intelligence humaine atteint son maximum chez l'aspirant; elle décroît ensuite rapidement..." . 

Il est de fait que les officiers généraux jugent et décident d'après ce qu'ils ont appris avant l'âge de 40 ans. Ils n'ont pas de notion des techniques entrées en pratique après leur passage à l'Ecole de Guerre.

C'est l'axiome de l'aspirant devenant baderne avec l'âge. Exemple: nos généraux de 1940 étaient Saint-Cyriens au moment de l'épanouissement des techniques de la belle époque et de la crise de l'obus torpille"; ils avaient appris en Afrique, à la guerre des Boxers en 1980 (Nivelle y était capitaine), à Verdun en 1916, à faire la guerre avec le sang des soldats et n'entendaient rien à la guerre du gasoil. C'est connu pour les blindés. 

C'est également vrai pour la FORTIFICATION. Celle-ci est conçue pour économiser les munitions, les forces et les hommes. Nos grands chefs d'alors ne le savaient pas.

Le 14 juin 1940, le général Weygand replia les troupes d'intervalle de la FORTIFICATION, infanterie et artillerie extérieures; ce fut l'épisode lamentable de la "trouée de la Sarre": l'armée Witzleben que le 20e corps du général Hubert avait vigoureusement étrillée la veille, put entrer gambader en Lorraine.

Pour notre part, en Alsace du Nord, l'ordre de Weygand envisageait une variante de sabordage de l'ouvrage (nous n'en ni les moyens, ni le temps). Nous n'avions plus assez de personnel pour conserver nos avant-postes. Le Lt-Colonel Schwartz, tint le 14 juin un conseil de Guerre à Schoenenbourg; nous préférâmes résister sur place plutôt que d'abandonner le front d'Alsace du Nord, dotés des armes excellentes de la FORTIFICATION.

A pied sur les routes, sans véhicules, nous n'aurions pas pu aller loin et nous aurions augmenté le désordre. Il était - triste à dire - organisé par notre haut-commandement, expert en guerre de mouvement à 4 Km/heure, alors que les divisions blindées se déplaçaient à 40 à l'heure. Le communiqué claironnait à la T.S.F. que les armées reculaient sur des positions préparées à l'avance.


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