Bulletin 2 de 2004


Editorial

ET POURTANT, ILS PEUVENT QUAND ILS VEULENT


Décidement, la Ligne Maginot n'en finit pas d'être traitée à toutes les
sauces. Un exemple récent nous vient de l'ancien ministre de
l'Intérieur, Nicolas Sarkosy. Dans un meeting de soutien aux élections
régionales, notre bouillant ministre a stigmatisé un candidat opposé à
son parti dans ces termes " Jamais Le Pen ne pourra tenir ses promesses
parce qu'avec lui, ce serait le retour de la Ligne Maginot, qui n'a
jamais arrêté personne" (Le Midi Libre, 13 février 2004).

De tels propos, émanant de la bouche du plus médiatisé des élus du
gouvernement n'a pas manqué de faire réagir le président de notre
association. En effet, quelques jours plus tard, un courrier de
protestation était adressé au ministre en question. Marc Halter y
expliquait, entre autres, qu'il était déplacé de comparer Le Pen à la
Ligne Maginot puisque André Maginot était un démocrate et un républicain
reconnu et que la mission dévolue à la Ligne Maginot (éviter une attaque
surprise, économiser des troupes et gagner du temps, couvrir la
mobilisation, etc,) n'avait de commune mesure avec des idées propres à
M. Le Pen.

Et d'ajouter qu'il était choquant d'avoir bafoué la mémoire des anciens
combattants des troupes de forteresse qui ont résisté bien au-delà de
l'entrée en vigueur de l'armistice du 25 juin 1940.

Ainsi, après les journalistes, et leurs idées reçues, nos ministres
sont imprégnés par les légendes et les on-dit, où allons-nous ? La
bataille pour la réhabilitation de la Ligne Maginot est encore loin
d'être gagnée. Et pourtant, quand ces messieurs daignent s'y intéresser
vraiment, on sent l'optimisme revenir. Car ils peuvent être objectifs
quand ils le veulent bien !

Ainsi, Radio France Bleu nous a livré une très belle série de 10
épisodes nommée " La France d'en dessous. Le réalisateur, Olivier Vogel,
dont le grand-père avait servi dans la Ligne Maginot a, sur un temps
d'antenne de 100 minutes, fait découvrir aux auditeurs de cette chaîne,
10 temps forts aux intitulés suivants : plongée dans le béton, un
chantier de béton et d'acier, mobilisation générale dans le trou, la
drôle de guerre vue d'en dessous, la ligne fait parler la poudre, drame
au fond d'une galerie, les équipages refusent de rendre les armes, la
ligne reprend du service, descente à la lueur des frontales dans une
forteresse à l'abandon, pièces de musée et bénévoles acharnés.

Pour cela, les reporters ont parcouru les sites de La Ferté, Simserhof,
Schoenenbourg, Hochwald, St Roch, Ste Agnès, col des Banquettes. Et là,
chose absolument remarquable, ils ont laissé libre parole aux anciens
combattants de la Ligne, aux bénévoles qui s'en occupent, aux passionnés
qui veulent en connaître les tenants et les aboutissants.

Nous qui sommes régulièrement confrontés aux manipulations
journalistiques tendancieuses, comme par exemple de placer une interview
d'ancien ou de responsable associatif dans un contexte qui échappe à ces
derniers, et qui souvent même est contraire à ce qu'ils voulaient
exprimer, l'honnêteté intellectuelle du réalisateur Oliver Vogel a été
une agréable surprise.

Mais le chemin de l'objectivité n'est pas encore vraiment ouvert et il
fait l'objet de bien des batailles. Batailles des mots, bien entendu, où
notre président s'est fait une réputation de pourfendeur d'idées reçues.
C'est là aussi une des missions de notre association.

Jean-Louis Burtscher

LA VIE DE L’ASSOCIATION

Samedi 24 janvier : plusieurs journalistes américains visitent notre
ouvrage, sous la conduite de notre président. Il est vrai que ce dernier
est un des rares bénévoles à maîtriser l'anglais et à pouvoir pratiquer
une visite guidée en cette langue.

Dimanche 7 mars : Une quarantaine de membres de l'Association nationale
des sous-officiers de l'Armée de l'air, section du Bas-Rhin, ont déposé
une gerbe au pied du monument commémoratif de la Ligne Maginot érigé à
quelques mètres de l'entrée de notre fort de Schoenenbourg. Y étaient
également représentés les médaillés militaires, le Souvenir français,
les sapeurs pompiers de Hunspach, les Anciens et les Amis de la Ligne
Maginot.

Dimanche 14 mars : assemblée générale de l'AALMA, qui s'est déroulée
dans la grande salle de la maison Ungerer, à Hunspach. Si cette maison
Ungerer est désormais familière à nos membres proches, son rapport avec
notre association mérite quelques explications pour nos lecteurs
éloignés.

Située au cœur du charmant village de Hunspach (d'ailleurs classé "Un
des plus beaux villages de France"), la maison Ungerer (du nom d'un de
ses anciens propriétaires) est à l'origine une ancienne ferme cossue à
colombages, dont le bâtiment principal date de 1720, tout à fait typique
des fermes alsaciennes de cette région de l'Alsace, avec sa vaste grange
et ses dépendances.

Rachetée dans les années 1980 par le Conseil général du Bas-Rhin, elle
abrite actuellement 5 gîtes et 3 chambres d'hôte gérés par
l'association "Accueil au Pays des villages traditionnels de
l'Outre-Forêt", dont le bureau est installé dans une dépendance.

Dans cette dépendance est également installé l'office de tourisme de
Hunspach, où comme dans tout office de tourisme, on renseigne (de plus
en plus par Internet) le touriste de passage et le vacancier à la
recherche d'information concernant les destinations touristiques, la
restauration, l'hébergement, etc.

Ce local est également le siège de l'administration touristique de notre
fort de Schoenenbourg et de la casemate Esch. Depuis plus de deux
années, notre employée Martine Reiter est à pied d'œuvre pour répondre
aux multiples demandes d'information, qui nous proviennent par
téléphone, fax, et de plus en plus par courriers électroniques, sans
oublier un important travail de réservation et de gestion des groupes
annoncés.

Toutes ces activités sont maintenant indissociables. Par exemple,
l'AALMA a sans conteste besoin de l'office de tourisme, en retour,
l'office de tourisme a pris de l'importance depuis que le fort de
Schoenenbourg est devenu une attraction majeure dans la région. Quant à
la structure "Village des gîtes", celle-ci bénéficie de l'apport de
touristes créé par le Schoenenbourg, ce dernier bénéficiant à son tour
de l'apport de visiteurs logeant dans les gîtes alentour.

Voilà pourquoi nous ne pouvons être indifférents à ce qui se passe
autour de nous car nous avons compris que ce n'est qu'ensemble que nous
attirerons le visiteur dans cette belle région.

Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur les capacités d'accueil et
de séjour de la maison Ungerer, vous pouvez consulter le site
www.maison-ungerer.com

Jeudi 1er avril : Démarrage de la saison touristique 2004.
Deux nouvelles employées viennent d'être embauchées, principalement pour
prendre en charge les groupes de langue anglaise qui nous arrivent de
plus en plus nombreux.

Samedi 24 avril : Déplacement à Verny (Moselle) pour assister à
l'assemblée générale de la fédération des associations de sauvegarde de
la fortification.

Mercredi 28 avril : Réunion du conseil d'administration de la Fédération
des Associations de la Ligne Maginot d'Alsace. Thèmes évoqués : rapports
avec les instances départementales et régionales, journée Ligne Maginot,
le point sur les projets en cours.

ET ENCORE

Deux membres de longue date nous ont quittés pour toujours.
Il s'agit de M. Manfred Loeffler, qui malgré la maladie, tenait à nous
rendre visite et nous prodiguer ses encouragements, les jours
d'ouverture. Il est décédé en janvier.

Membre honoraire de notre association, M. Albert Haas est décédé le 14
mars, à Strasbourg.
Ancien lieutenant au Hochwald, M. Haas avait eu le privilège de pouvoir
photographier le secteur fortifié de Haguenau, les ouvrages, les hommes
qui y combattirent, sous toutes les coutures. 90% des photos existantes
et parues sur ce sujet proviennent de sa collection, qu'il avait réussi
à sauver dans les premiers jours de juillet 1940, lors de mainmise
allemande sur l'Alsace. Il était par ailleurs secrétaire de l'Amicale
des anciens du secteur fortifié de Haguenau.

Les dessus du Schoenenbourg sont bien dégagés, et parmi les plus beaux
de la Ligne Maginot du Nord-Est. Il est vrai qu'ils sont fauchés
régulièrement par l'agriculteur qui les loue, et qui, en plus y fait
paître ses moutons. C'est pourquoi, nous avons organisé, dans le cadre
des activités proposées par la Parc naturel régional des Vosges du Nord,
une visite gratuite des dessus qui aura lieu le premier dimanche des
mois de mai, juin, juillet, août, septembre, à 14 h, depuis l'entrée du
fort.

Toujours dans le cadre du Parc régional des Vosges du Nord, les
représentants des ouvrages de la Ligne Maginot qui sont implantés dans
son périmètre ont décidé de s'asseoir autour d'une table afin de
procéder à la rédaction d'un dossier pédagogique destiné à faciliter la
visite des groupes de scolaires. Le tronc commun et les fiches
techniques sont déjà réalisés, la partie didactique sera mise en œuvre
avec l'aide des services pédagogiques du Parc.

La vente de l'ouvrage du Four à Chaux à la commune de Lembach est
conditionnée par la dépollution de ses dessus. Mais pour cela, l'armée
devait faire débroussailler le terrain et, bien entendu, le réseau
antichar qui est encore quasiment entier et qui fait le tour des
superstructures. Au fil des ans, la végétation avait poussé entre les
rangées de rails, et ce qui était, dans les années 1980, le plus
magnifique réseau antichar de la Ligne Maginot encore visible avait fini
par disparaître sous les buissons. A l'heure actuelle, les dessus sont
en grande partie dégagés, mais notre petit doigt nous dit que cela ne
durera pas bien longtemps avant que la nature ne reprenne ses droits.
Alors, à vos appareils photo, et vite.

L’abri de la Sauer :
Une convention a été passée entre la commune de Betchdorf (propriétaire
des lieux) et les pompiers de la commune, afin que ces derniers puissent
utiliser l'abri comme terrain d'entraînement aux appareils respiratoires
individuels.
Le fossé diamant a été comblé, la porte remise en place, toutes les
dalles de fermeture des caniveaux manquantes ont été remplacées par
d'épaisses planches et une installation électrique est en cours de mise
en place. Plusieurs des chambrées seront aménagées soit en cuisine, soit
en chambre à coucher avec de vieux meubles de récupération, soit encore
en pièce dévastée par une explosion avec buse à franchir et moults
obstacles à escalader... bref, tout ce qu'il faut pour mettre les
pompiers en situation d'intervention dans une maison.


TRAVAUX AU SCHOENENBOURG

L'embauche d'un ouvrier d'entretien :
Evolution ou révolution, ou les deux à la fois. C'est ce que nous venons
de vivre au Schoenenbourg quand notre conseil d'administration prit la
décision d'embaucher, avec un contrat saisonnier, l'ouvrier d'entretien
dont nous avions loué les services, depuis plus d'un an, auprès d'une
association de réinsertion.

Une révolution, car nous sommes vraisemblablement la première
association de la Ligne Maginot qui a procédé à une telle embauche, avec
un vrai contrat de travail. Certes, d'autres nous avaient précédés, mais
dans des conditions toutefois différentes. Ainsi, au Four à Chaux, les
ouvriers du Syndicat d'initiative de Lembach, principalement embauchés
pour l'entretien du camping et du château du Fleckenstein, y
effectuaient des travaux de peinture durant l'hiver. Au fort Casso,
c'étaient des emplois jeunes qui avaient été recruté, et qui
effectuaient des guidages et des travaux. Au Hackenberg, certains
travaux extérieurs avaient été réalisés sous l'égide du ministère de la
Justice, par des jeunes effectuant des peines sous la forme de travaux
d'intérêt général.

Au fort de Mutzig, c'est un chantier de réinsertion qui est en train de
se dérouler, où des handicapés réapprennent les valeurs du travail en
restaurant des chambrées. Au Simserhof, ce sont un ou deux techniciens
qui sont employés à la maintenance du complexe système de visite bourré
d'électronique (mais pas pour la sauvegarde du monument Simserhof) .

Mais la majorité de ces emplois sont des emplois aidés par la
collectivité, avec des financements souvent temporaires ou qui
s'arrêtent à date fixe, comme pour les emplois jeunes, sans que
l'association puisse prendre le relais. Chez nous, pour la première
fois, c'est une association qui a embauché un ouvrier, sans l'aide de
personne. Cela est en soi une révolution

Mais cela est également une évolution qui nous paraissait inéluctable.
Car chacun sait que le bénévolat et la notion de travail non rémunéré
sont en train de décliner sérieusement. Cela est valable pour les
adultes et les jeunes. Par ailleurs, ces derniers, désormais scolarisés
longtemps n'ont plus guère d'aptitude manuelle, et il faut tout leur
apprendre. Exemple : à 17 ans, un jeune des années 1960-70 avait trois
années d'apprentissage et de travail en entreprise derrière lui. Il
était donc immédiatement opérationnel pour des travaux de restauration
et de préservation. Aujourd'hui, à 17 ans, ils sont encore à l'école et
savent à peine manier un balai. Bien sûr, il y a des exceptions, mais
elles ne sont pas légion.

Alors, soit nous trouvions des palliatifs, soit c'étaient de réelles
incertitudes pour l’avenir. Nous avions déjà réagi devant l'incapacité
des guides bénévoles à prendre en charge les multiples groupes qui
s'annonçaient et à assurer la permanence des ouvertures publiques.
Depuis, nous sommes devenus employeurs de 8 guides salariées. Cela a été
une révolution, mais une révolution salutaire.

D'ailleurs, nombre d'autres associations ont prévu de nous emboîter le
pas, dès que leur budget le leur permettra. Aujourd'hui, l'embauche d'un
ouvrier d'entretien qui, de concert avec les bénévoles, participe
activement à la conservation de l'ouvrage, était à notre sens
inéluctable. Ce n'était plus une révolution, mais une évolution. Et
c'est précisément grâce à l'appoint de notre ouvrier d'entretien que
nous avons pu avancer plus vite, au grand bénéfice de notre ouvrage.

A la sous-station arrière :
Elle était repeinte, lumineuse et semblait être prête à reprendre du
service. Mais il manquait la touche finale, celle qui fait imaginer au
visiteur que des hommes ont travaillé et vécu dans ce local. Et là, le
savoir-faire de nos bénévoles a agi, une fois de plus. Sachant, par le
biais de photos datant de 1940, que les électro-mécaniciens chargés du
fonctionnement de la sous-station dormaient sur leur lieu de travail,
ils ont mis en place un lit gigogne et deux tabourets (provenant de la
récente récupération de l'ouvrage du Schiesseck), une petite table en
bois, une chaise.

Mais le clou sera l'installation, au-dessus de la porte d'entrée de la
sous-station, de l'impressionnant appareil de mesure du courant
électrique, appelé communément "la marguerite", doté de cinq cadrans,
normalement présent dans toutes les usines de gros ouvrages. Ce n'était
plus le cas au Schoenenbourg depuis janvier 1945, où les Allemands
avaient fait exploser une charge dans la salle des machines, explosion
qui a soufflé (entre autres) non seulement la marguerite, mais aussi le
CLM et la première porte sas de l'usine.

Ce n'est donc pas l'appareil d'origine qui a été mis en place, mais
celui de l'ouvrage du Billig, qui avait été obtenu auprès d'une autre
association par un échange de matériels. Ainsi, l'usine du Schoenenbourg
est désormais redevenue une véritable usine de gros ouvrage.

A l'usine la fin de 16 mois de travaux :
A la centrale électrique, les enrobages plâtrés des conduits
d'échappement des Sulzer faisaient piètre figure. Ceux situés dans la
partie centrale, donc exposés aux touchers des visiteurs, avaient
particulièrement souffert. Il fallait trouver une solution. Nos
techniciens refirent, sur plus d'une dizaine de mètres, un enrobage de
bandes plâtrées, comme à l'origine (cette technique d'isolation est en
voie de disparition). La partie centrale, où les conduits d'échappement
plongent dans le radier, seront revêtus d'un tubage en métal inoxydable,
éliminant ainsi la tentation des visiteurs qui grattaient le plâtre,
histoire de voir "si cest dur ou mou en dessous". Ce n'était pas
incongru car les sorties d'échappement des Sulzer se raccordant aux pots
de détente étaient déjà gainés de la sorte, à l'origine.
Comme c'était là une conjonction de deux tuyaux, fortement coudés de
surcroît, l'AALMA fit appel à une entreprise pour réaliser cet enrobage
complexe. Le résultat est à la hauteur de nos espérances : propre,
soigné, respectueux autant que possible du contexte de l'époque. Là
aussi c'était la touche finale apportée à l'usine, qu'il ne fallait
rater à aucun prix.

Les dernières retouches de peinture de l'usine et son nettoyage final
ont été effectués début avril. Cela a duré un peu plus longtemps que
prévu car il a fallu faire face à l'apparition du salpêtre. En effet,
d'importantes poussées de salpêtre sont particulièrement localisées dans
notre centrale électrique. Le salpêtre se présente sous forme de
"cheveux" blancs qui poussent sur les maçonneries, et il n'existe aucun
produit qui puisse l'éliminer. On peut l'enlever avec une balayette,
mais cela repousse en quelques semaines. En se développant, le salpêtre
fait éclater les peintures qui le recouvrent, ces dernières s'écaillent
et laissent alors apparaître des taches peu esthétiques dont nous
aurions bien aimé nous passer. Malheureusement, il nous faudra faire
avec.

A la salle des filtres les seuls à l'avoir fait :
La salle des filtres, terminée depuis 2 ans a été dépoussiérée et les
filtres aspergés avec un produit fongicide. Car les nouvelles peintures
avaient servi de nourriture aux champignons qui s'étaient développés
très rapidement dans l'atmosphère relativement humide des locaux
souterrains. Mais la parade a été trouvée sous forme d'adjonction de
fongicide dans la peinture ou de vaporisation ultérieure. Encore un truc
pour nous compliquer la vie et dont nous aurions pu nous passer.

Mais une nouveauté a depuis fait son apparition dans la salle des
filtres. Nos techniciens ont décidé de donner une fonction didactique à
une des quatre rangées de filtres. Avec le chariot échangeur de filtres
ramené du Schiesseck, ils ont montré ce que personne n'avait encore
fait: une phase de permutation de filtre. Un de ceux-ci a été
désolidarisé de sa rampe d'alimentation et glissé aux trois quarts sur
le chariot. On comprend la manip du premier coup d'œil. Mais ce n'était
pas tout. Le premier filtre de la rangée a subi une découpe d'un quart
(comme sur un fromage), on voit ainsi ses différents étages internes et
surtout leur contenu : étage d'entrée : remplissage de charbon actif à
grain fin, étage du milieu : cartouches de papier filtrant, étage
inférieur : charbon actif à grain grossier. Le tout derrière une plaque
de plexiglas et mis en valeur par un éclairage. Du beau travail, qu'on
prend plaisir à regarder.

Toujours en matière de filtres, quatre de ces imposants cylindres ont
été repeints et mis en exposition près de la porte blindée du blockhaus
interne défendant l'entrée des hommes. Nous avions remarqué que dans
nombre d'ouvrages, des filtres de réserve étaient entreposés dans des
endroits les plus inattendus, par exemple dans des gares ou des niches
situées sur le cours de la galerie principale (Schiesseck). Nous ferons
de même, ça a l'avantage de bien meubler ces couloirs souvent un peu
tristounets.

A hauteur des magasins aux artifices :
Les tuyaux d'eau et de gasoil s'étalant du pied des monte charges au
blockhaus de défense interne de l'entrée des munitions ont été grattés
et repeints, ainsi que les tuyaux d'aération entrant dans les magasins.

Un blockhaus qui change de destination…
Le blockhaus lui-même, qui servait de garage à vélos, a changé de
destination puisqu'il est lui aussi ouvert à la curiosité des visiteurs.
Mais pour cela il a fallu le repeindre (murs câbles, tuyaux, etc,) Il a
été aménagé avec un lit, une armoire, des tablettes, car nous savons
qu'il était occupé en 1939/40 par un certain Schramm, aubergiste dans le
civil, qui s'occupait de vendre là de la bière et autres effets non
prévus dans les paquetages militaires. Bref, un sale trou jusque-là, qui
est devenu un petit lieu de vie bien sympathique par l'effet bénéfique
de nos travailleurs, et qui est à nouveau un petit plus sur le circuit
de visite.

…et où se révèle une rareté :
En rénovant le dit blockhaus, un rafistolage dans sa façade, juste
au-dessus du créneau de tir avait attiré notre attention. S'agirait-il
d'un emplacement pour projecteur, évidé et rebouché parce que ces
appareils n'avaient jamais été installés ? Le hasard voulut que nous
découvrions, dans un ouvrage voisin, une embrasure de projecteur interne
munie du cadre métallique, de ses deux volets et de sa tirette de
fermeture, le tout dans un blockhaus de défense interne exactement
semblable au nôtre.

Conclusion : 
Il y eut un projet d'équipement par de tels engins, cela
était d'ailleurs confirmé par le constat que le second blockhaus interne
du Schoenenbourg possédait lui aussi un évidement destiné à cette
fonction, et lui aussi rebouché ultérieurement. O Bonheur ! Nous venions
de tomber sur le seul montage pour projecteur de blockhaus interne connu
à ce jour.

Celui-ci sera démonté et transporté au Schoenenbourg, réparé et repeint
et, comble de raffinement, doté d'un phare de voiture d'un modèle
ancien, puis monté dans le logement qui avait été mis à jour
précédemment. Un pièce unique, vous dis-je, qui va certainement épater
tous les amateurs de fortif.

Donner vie à l'entrée de câble 20 000 volts :
En fait, un de nos objectifs actuels est de rendre la galerie
principale, malheureusement longue et un peu ennuyeuse, plus vivante
par l'aménagement de lieux anodins en lieux présentant un attrait.

Dans cette optique, sera peint, éclairé à neuf et aménagé en petit lieu
de vie le local de l'entrée du câble 20 000 v d'alimentation en courant
électrique. Il n'était pas incongru de penser que ce local n'avait
d'autre fonction que celle citée précédemment, alors que 620 hommes
s'entassaient dans un ouvrage totalement sous- dimensionné pour cet
effectif, et qu'il fallait utiliser le moindre recoin pour caser soit
des hommes, soit des matériels. Ainsi il y a fort à parier que s'était
installé là un préposé à la gestion des mouvements ferroviaires
internes, avec un petit bureau, et pourquoi pas un lit.

Après la remise en peinture des murs, la rénovation totale de la porte
grillagée, une armoire et un lit individuels provenant eux aussi de
l'ouvrage du Schiesseck seront installés dans cette pièce où entre le
gros câble alimentant notre ouvrage en électricité. Ils cadrent
tellement bien qu'on croirait qu'ils ont toujours été là. Et cela est du
plus bel effet. Les visiteurs s'arrêtent pendant quelques secondes en
disant "Attends, il y a quelque chose à voir". Objectif atteint !

Non loin de là, dans la gare des arrières, ont été installés une table
métallique d'ouvrage, deux tabourets et un banc.

Aux avants le grand ménage :
Aux avants, nos bénévoles se sont attaqués à une vaste opération de
rangement. Approuvée par le conseil d'administration, la décision de
rassembler les matériels d'origine non affectés, comme les pièces de
rechange, les matériels en attente d'être rénovés, valorisés ou exposés,
ou tout simplement ceux amassés au fil des ans lors des multiples
récupérations, sans destination précise, mais qu'il fallait "mettre à
l'abri" avant que d'autres ne les volent ou qu'ils se dégradent
inéluctablement.

Il y en avait partout. Les plus petits matériels étaient stockés au bas
des blocs 1, 4 et 5, d'autres dans les magasins aux artifices, les plus
volumineux sur des wagons garés hors du circuit de visite, encombrant de
la sorte les accès des blocs 2 et 6. Il fallait faire place nette et
rendre aux parties non habituellement visitables de notre ouvrage un
autre aspect que celui d'un vaste entrepôt de bric-à-brac.

Pour cela, il fallut définir un unique endroit de stockage. On se
décidera pour un des magasins M2 du bloc n°4, qu'il fallut d'abord
vider, mettre au rébut des choses devenues indésirables, nettoyer,
réorganiser, monter des rayonnages, mettre en place plusieurs tonnes de
matériels d'origine. Bref, des manipulations souvent éreintantes, où
l'huile de coude fut bien entendu déterminante.

Au final, le magasin est plein à craquer mais au moins le reste de
l'ouvrage a retrouvé un aspect plus homogène. Il reste encore à monter
des étagères qui sont en commande, et à masquer le tout à la vue du
public. En attendant, plusieurs wagons sont encore en attente d'être
débarrassés de la ferraille qu'il faudra sortir de l'ouvrage.

AH, CES SCOLAIRES !

Nous avons pour mission d'assumer le devoir de mémoire, disions-nous,
principalement envers les jeunes, et ce faisant, les groupes scolaires
qu'il nous faudra sensibiliser par le fait que nombre de citoyens
français ont risqué leur vie, sous le béton, pour que la France et ses
futurs enfants puissent vivre libres et en sécurité. C'est ce que je
pensais en prenant en charge, pour la visite de notre fort de
Schoenenbourg, une classe de seconde d'un lycée d'enseignement général.

14h15.
Le bus annoncé déverse une cinquantaine de jeunes gens, garçons et
filles. Quelques-uns en profitent pour allumer une cigarette et en tirer
quelques bouffées avant de pénétrer dans l'ouvrage. Je les évalue d'un
coup d'œil : ça à l'air d'aller, ils paraissent tous "normaux". Aucun
n'a encore mis de baladeur sur les oreilles (si, si, il y en a qui
visitent au son de leur musique préférée sans entendre quoi que ce soit
de ce que raconte le guide), aucun n'a encore attiré mon attention par
les reflets de ses dix piercings figés dans son visage. Le prof est un
homme réfléchi et cultivé, au contact facile, bref, un prof comme on les
aime. Ca va, on devrait faire une visite sans histoire, c'est du moins
ce que je pensais.

14h30.
Arrêt dans la cuisine troupe. Une des filles se plaint qu'il fait froid
et s'enquiert de la durée de la visite. Il est vrai que son léger pull à
la mode s'arrête bien au dessus du nombril et que les 12 degrés de
température de l'air ambiant commencent à faire leur effet. "Fallait pas
faire la maligne, dit alors le prof, je vous avais prévenus de vous
habiller chaudement".

14h45.
Commentaire dans la salle des filtres de l'usine. Un garçon qui a un
look vaguement Punk et dont les cheveux rouge fluo paraissent avoir été
mis en désordre par l'explosion d'un pétard me pose une question. "C'est
quoi comme gaz de combat ?" Comme je ne suis pas un spécialiste des gaz,
j'esquive en lui posant à mon tour une question (vieille tactique très
utilisée par les hommes politiques). "A quoi tu penses ?" Il me
répondit "Au gaz moutarde". Bien, je le félicite et me dis
intérieurement que je devrais réviser mon jugement sur les jeunes à la
pilosité hirsute.

15h10.
Nous sortons de la zone vie et arrivons dans la gare arrière. Un des
garçons sort une cigarette et demande s'il est permis de fumer. Le prof
l'en dissuade et rappelle que si tout le monde se mettait à fumer, l'air
deviendrait vite irrespirable. Bien dit, enfin un prof qui ose prendre
ses responsabilités. Quand j'annonce que nous allons nous diriger vers
les avants, distants d'environ 1000 mètres, c'est le tollé. Quoi ?
Marcher encore mille mètres et autant pour revenir après tout ce que
nous avons déjà marché ! Leurs visages se décomposent et rien que l'idée
de devoir encore marcher les anéantit. Plusieurs d'entre eux s'affalent
sur un banc proche en gémissant.

Je leur explique qu'ils ont à peine 800 mètres dans les jambes et que
cela ne devrait pas être insurmontable pour des jeunes de 17 ans. Le
prof vient à mon secours en leur expliquant que, dimanche dernier, une
randonnée en famille de quatre heures n'a pas rebuté son jeune fils de
six ans, ils devraient avoir honte. Eux n'ont pas honte, et c'est ce
brave homme qui a honte pour eux.

Et ça repart. Pas pour longtemps car quelques mètres plus loin, à
hauteur de l'entrée du câble 20 000 volts, le sol est un peu humide et
glissant sur une vingtaine de mètres. C'est un cri d'effroi. Une jeune
fille, très poupée Barbie, a perdu sa belle assurance de star : "Ca
glisse, et j'ai sali mes baskets". Le prof la rassure et le groupe
reprend sa progression.

A l'issue de la visite du PC, nouveaux gémissements : "C'est encore loin
?" "Non, non, environ 150 mètres". Arrivés devant l'escalier menant à la
tourelle du bloc 3, ceux qui n'ont pas encore compris qu'il nous faudra
revenir sur nos pas se précipitent dans la montée. Grosse désillusion,
il n'y a pas de sortie !

15h30.
Nous sommes en face de la tourelle. J'arrive à capter leur attention
l'espace de deux minutes en leur racontant le coup du 420 qui tombe sur
la dalle, au-dessus de leur tête, et qui fait tomber à terre les soldats
de l'équipe de relève qui étaient assis sur les lits. C'est une petite
consolation, on n'a pas fait tout ce chemin pour rien. Puis c'est le
retour, ils courent plus qu'ils ne marchent et une seule pensée occupe
leur esprit : sortir !

L'escalier de 135 marches leur assène le coup de grâce. Nombre d'entre
eux s'écroulent sur les bancs du hall de déchargement. Les pauvres sont
épuisés, morts de fatigue. Une jeune fille saute de bonheur en
franchissant la grille de l'entrée et s'écrie "Freiheit, Freiheit"
(zut, j'ai trahi leur origine, mais on pourrait en dire autant d'autres
nationalités). Le professeur est tellement gêné qu'on le sent prêt à
entrer dans un trou de souris. Il tente de leur trouver une excuse :
" Vous savez, la plupart d'entre eux ont été amenés à l'école en voiture
depuis leur petite enfance, et plus de la moitié ont produit une
dispense pour les cours d'éducation physique. Et puis, il ne faut pas
oublier qu'ils sont en excursion, c'est moins sérieux qu'en classe".

Moi, je suis consterné. Comment des jeunes de 17 ans peuvent-ils être de
pareilles chiffes molles ? Et dire qu'ils seront les citoyens de demain,
la relève en somme, pauvre Europe.

Ah, j'oubliais. Et le devoir de mémoire dans tout cela ? Je crois bien
que l'on peut faire une croix là-dessus. Vivement cet été, où le vrai
touriste fera preuve de curiosité et d'un réel intérêt, et vous posera
les bonnes questions. Tandis que là, quelle débâcle, j'en arrivais même
à m'interroger sur mes capacités de guide. Puis une vilaine pensée
m'effleura l'esprit "Mon Dieu, protégez-nous des scolaires !".

Alors que le troupeau franchit la grille et que les premiers allument
fébrilement une cigarette, deux des lycéens s'aperçurent qu'un livre
d'or était posé sur un pupitre. Ils y inscrivirent leur étonnement et
leur satisfaction d'avoir vu cette forteresse. Pour eux, c'était super.
Je n'en revenais pas. J'avais quand même réussi à intéresser 10% d'entre
eux. A ce moment, ma collègue qui avait pris en charge une autre classe
du même lycée me rejoignit et me dit : "Tiens, cela fait longtemps que
je n'avais pas piloté une classe aussi chouette ; et toi ?". "Moi, la
routine, enfin presque…"


LA COTISATION

Etes-vous en règle avec votre cotisation ? Si tel n'était pas le cas, il
est toujours temps d'envoyer, par le paiement de votre choix, le montant
de 16 euros à Armand JACQUES, 265 rue Principale, F 67160 SCHLEITHAL
Attention à l'intitulé du destinataire, qu'il vous faudra formuler au
nom de l'association.


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